Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


lundi 11 mai 2015

"Freier fall" ("Free fall") : « Nous n’avons rien contre les homosexuels mais laissez notre fils tranquille »

Hanno Koffler et Max Riemelt
Synopsis :
Marc est un jeune policier appartenant à l'équivalent allemand de nos CRS. Il mène une vie épanouie avec sa femme qui attend un enfant de lui. Il rencontre Kay, un nouveau collègue qui vient de rejoindre son unité. La complicité des deux hommes vient rapidement à dépasser le cadre de leur travail...

Sorti l'an dernier, Freier Fall, en dépit du sujet traité, n'a rien de commun avec la production "LGBT" habituelle : en contrepoint germanique au Brokeback Mountain d'Ang Lee (on ne peut pas ne pas y penser), c'est un film que l'on pourra regarder avec sa meilleure copine ou son meilleur copain hétéro pour peu qu'il soit doté d'un soupçon de sensibilité (mais s'il vous fréquente, c'est bien qu'il n'est pas un butor !).
Le cinéma allemand sait oser, mieux que le nôtre,  plus prolifique pourtant, les sujets dérangeants : je recommande au passage l'excellent Labyrinthe du silence, visible actuellement en salles, qui narre l'histoire de ce jeune procureur qui dénonça la loi du silence qui protégea les bourreaux d'Auschwitz tout au long de la décennie qui suivit la fin de la deuxième guerre mondiale, et, de par sa pugnacité, parvint à provoquer le procès du siècle outre-Rhin.

Freier Fall met à l'écran l'histoire d'amour, que d'aucuns penseraient invraisemblable (s'ils savaient !) entre deux hommes faisant partie des brigades allemandes du maintien de l'ordre, là où  culte de la virilité et machisme sont de rigueur.
C'est le choix de ce milieu qui fait tout l'intérêt du film de Stephan Lacant, comme, en leur temps, les cow-boys d'Ang Lee, dans un film moins âpre et, forcément, plus hollywoodien.Le personnage de Marc (joué par l'excellent Hanno Koffler, repéré dix ans plus tôt dans Sommer Storm), tout d'abord hostile, refusant farouchement ses inclinations, en homme marié et futur père sûr d'un avenir tout tracé, va peu à peu s'abîmer dans sa passion pour le beau Kay (Max Riemelt, craquant !), laquelle va remettre en cause tout l'édifice d'une existence vouée à son métier et à la sacro-sainte famille quand l'impensable va survenir. Le film de Lacant va au plus juste quand il dépeint les réactions de l'entourage immédiat du personnage principal, et le désarroi qui s'empare d'une épouse - aimée sincèrement, toutefois - dévastée par la révélation d'une situation à ses yeux inconcevable. La tragédie réside dans les doutes, les affres, le combat que doit mener Marc contre sa conscience, déchiré entre les convenances, le bonheur de son foyer, et l'irrésistible attirance qu'il éprouve pour son amant. Les toutes dernières images nous donneront à penser très subtilement, dans les yeux d'un acteur à son meilleur, qu'il a résolu cette situation inextricable. Peut-être... car le réalisateur a visiblement laissé à chacun le soin de tirer ses propres conclusions. Sans concessions, évitant le pathos, alignant des comédiens impliqués, excellemment mis en scène, joliment photographié, très intelligemment dialogué - « Je ne peux même pas être jalouse ! » (Bettina) ou encore la réplique citée dans le titre de ce billet - Freier Fall a sa place dans toute bonne vidéothèque.

... déchiré entre les convenances, le bonheur de son foyer...

À ma connaissance, le film n'est distribué en France qu'en DVD avec piste stéréo.
Fort heureusement, on se procurera facilement, si l'on est équipé, le Blu ray import allemand, qui bénéficie de sous-titres français et d'un piste sonore en Dolby Digital 5.1. 

La bande-annonce.
On notera le "C'est pas comme ça qu'on t'a élevé, Marc !" 


4 commentaires:

Gwengil a dit…

Votre critique de ce petit bijou est la meilleure que j'aie pu lire jusqu'à présent.

Silvano a dit…

Rhooooo, merci !

The Narrow Corner a dit…

Très, très beau titre...

JiEL a dit…

J'ai acheté le dvd et ce film est habilement fait....

Thème sur l'ambiguité sexuel bien ficelé...
Une finale cependant qui nous laisse sur notre faim..

J'ai été marié 22ans à une femme et eu un parcour de «late blummer» ayant TOUJOURS eu des désirs pour les hommes....

Depuis 1999 je vis ma vie gaie librement et ouvertement.
Faut savoir qu'ici, au Québec et à Montréal, être gai n'est pas mal vu et même c'est plutôt facile car on ne subit aucune discrimination.

Film qui me touche d'autant plus..