Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


mercredi 9 mars 2016

Roma | Rome, impressions (4)

 Une drôle de tablée

C'est une trattoria dans la rue de mon hôtel que m'a conseillée mon hôtesse, pas très inspirée ce soir là. Mais je suis épuisé par mes cheminements et m'en contenterai, me dis-je.
Je pourrai ensuite savourer les inénarrables programmes des chaînes de télévision italiennes, pléthoriques, et d'égale... mauvaise qualité.
Fort heureusement la diffusion de "Nuovo Cinema Paradiso" me permettra de voir le film en version originale non sous-titrée, excellent exercice pour mes méninges.
Pour l'heure, "pranzo" !

À la table en vis-à-vis, un groupe de cinq jeunes gens qui s'expriment en anglais : des étudiants ? des touristes ?
Je les scrute : une fille plutôt jolie, voilée façon tchador, un noir d'un physique plutôt agréable, deux blancs sans relief particulier, et un asiatique, bandeau de tennisman sur des cheveux noirs raides comme des baguettes, dont un pan pend (aïe !) de manière incongrue sur le côté gauche du visage.
Ce dernier ne cessera, durant toute la durée du repas, de tapoter sur son smartphone (ça me poursuit !), le délaissant à de très brefs moments pour échanger trois mots avec ses camarades. "Passe-moi le sel !" ou "Fais goûter !", et hop, que je te clave frénétiquement, au point que je crains qu'il ne se blesse d'un coup de fourchette malencontreux, puisque l'écran de son transportable est l'unique objet de son attention. Vous voyez le tableau, non ?
De bonne humeur - à l'italienne, quoi ! - je ris in-petto sans pétarader, comme je le ferais devant un tel comportement venant d'un proche. Là, je m'en fiche ; mon regard est plutôt compassionnel.
La jeune femme a commandé des fruits de mer, dont des moules qui semblent l'intriguer au point de les faire goûter à son voisin, tout aussi interloqué. C'est quoi ce truc, comprends-je ? Et tout un chacun d'avoir à goûter une moule, même si son plat est de viande en sauce.
Mais survient un "beurk" culminant à base de spaghetti : pendant que l'un des convives découpe soigneusement de son couteau ses amatriciana, celui qui lui fait face, le black (comme disent les gens un peu racistes qui veulent avoir l'air cool), dont je m'étonnais qu'il eût commandé à la fois des spaghetti carbonara et des pommes de terre au four, l'homme de couleur (comme disent...) donc, entreprend d'enrouler chaque fourchette de pâtes autour d'une pomme de terre, si !
Vous me connaissez, délicat comme je suis, je trouve un goût étrange à ma saltimbocca pourtant de bonne facture, pendant que mes jeunes gens arrosent copieusement la cuisine locale de Coca Cola (évidemment !).
Je serais italien, j'en réfèrerais à la cour européenne pour atteinte à l'intégrité de la cuisine nationale, car le délit est patent.
Outre que (vous me connaissez, je suis très très snob) j'apprécie fort peu que l'on m'apporte de l'huile d'olive dans un conditionnement tout plat en plastoc, et de petits sachets de sel et de poivre (et pourquoi pas du ketchup !), je fais là, tout ceci expliquant cela, le plus mauvais repas de mon séjour.
Rome réserve bien des surprises, ma bonne dame : j'y ai même croisé des extra-terrestres !

Orvieto vu du sol - Photo glanée

Dernier jour : s'il existe, je l'ai rencontré !

 

Capella di San Brizio, fresques de Signorelli, détail presque net

Il faut prendre le train à Roma Termini, il y en a un toutes les heures, et comptez environ une heure et quart, une heure et demie de voyage, un peu plus, parfois, selon les caprices des chemins de fer locaux.
À la sortie de la gare d'Orvieto, sur la place, vous attend le funiculaire qui grimpe jusqu'au village (21 000 habitants : c'est un grand village !) ou, plutôt, la vieille ville.
Nous sommes en Ombrie, et non plus dans le Lazio.
Le ciel est "azzuro" comme dans  la chanson de Celentano autrefois mise en pièces, en français, par une certaine Régine ; le soleil est juste assez chaud, "al dente". Ce sera l'unique Spritz de mon séjour, car le spritz ne peut se déguster qu'en atmosphère rayonnante.
Je déjeune sur la place quasi déserte - "ils" ne sont pas venus, chic ! - de formidables produits locaux, divines charcutailles, fromage parfumé à la truffe, vino bianco fruité, c'est jouissif.
Fatigué de naissance (une qualité !), le tenancier de cet estaminet-épicerie, n'a pas cru bon d'installer sa terrasse, il n'y a qu'une table, que je m'arroge illico, mais pas presto.
Deux français, en couple "à l'ancienne", à savoir une femme et un homme, me demande la permission de s'attabler, vu que le signore, dans sa cave, a dit qu'il n'y en avait pas d'autres ! Ils sont charmants, et beaux, surtout lui, une gueule à la Richard Chamberlain dans "La symphonie Pathétique" : qui m'auraitr dit que je déjeunerais un jour avec Piotr Illitch Tchaikovski. J'exulte !
Orvieto, Il Duomo
Après le repas, un petit tour dans le jardin, derrière le Duomo, pour jouir de la vue sur la campagne environnante, belle comme un paysage d'Italie, voire d'Ombrie. Le jardin abrite une tribu de chats avec lesquels je sympathise. Je les quitte à regret.
Avant que de pénétrer dans le Duomo (cherchez bien, c'est hyper drôle !) j'abreuve mes rétines émerveillées de la magnificence de l'édifice, sans doute l'une des deux ou trois plus belles cathédrales gothiques qu'il m'ait été donné de voir.
L'édification de la cathédrale commença en 1290, après 30 ans de conception, et ne s'acheva que plus de trois siècles après. C'est confondant de beauté, les mosaïques s'éclairant de mille feux, comme on dit dans les guides touristiques, sous le soleil de mars.
À l'intérieur, surprenant de sobriété après le faste de la façade, c'est le cycle de fresques de Signorelli, dans la chapelle, à droite de l'autel, qui s'imprimera à jamais dans la mémoire (photo pas nette, là-haut).
La RAI a investi le lieu saint, sans doute pour retransmettre un concert, car je remarque en haut de la nef des chaises et des pupitres, de quoi loger un orchestre symphonique.
La batterie de mon appareil étant exsangue, je suis obligé de faire mes photos avec... mon smartphone !
Le monde moderne vient de se venger.
Silvano
C'est la dernière chronique, mais je viendrai déposer ça et là quelques photos.

Bon, ce n'est pas du Leica...
Je me suis fait deux nouveaux amis.



5 commentaires:

palomar a dit…

1) Oui hélas!, l'absence totale de respect que manifestent nombre d'outre-atlantiquais (avec à peu près les mêmes sous-entendus que pour "black" ;) ) pour l'art culinaire est désespérante. Et encore vous n'en avez pas vu, comme je le fais presque tous les jours, mélanger mayonnaise, moutarde et ketchup dans la même assiette (quoi qu'elle contienne, d'ailleurs).
2) Oui évidemment! Orvieto, quelle merveille.

Anonyme a dit…

Perdonez-moi, mais la descrition de silvano, ahimoi, c'est le fruit de la civilitation anglo-americain, essentialment ils sont restèe des barbares; la civilitation grec-latino c'est une autre chose que dure da mil, mil, mil annèe, on reste que resistere, resistere resistere,
Catania

Celeos a dit…

Je m'insurge des mêmes errements constatés en Grèce et souris de vos indulgences.
Où que l'on aille en Italie un duomo s'y trouve aussi...

The Narrow Corner a dit…

Le tourisme (de masse) est une plaie.

Alex H a dit…

Merci Silvano pour ces carnets de bord. J'ai voyagé en groupe à Florence récemment,apparemment quand vous étiez à Rome, mais avec des gens civilisés, heureusement. Mais nous avons croisé des individus du même genre qui n'ont pas conscience de la beauté qui les entoure. Ça fait pitié et ça met en colère.