Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


vendredi 17 juin 2016

To Daesh with love (À Daesh avec amour)

Paru dans Vanity Fair :


[Alors que le monde est encore sous le choc après l'attaque terroriste homophobe qui a fait 50 morts (dont l'assaillant), le 12 juin 2016, à Orlando (Floride), une peinture vieille de 800 ans semble apaiser les mœurs, sur la Toile.
Cette enluminure, illustrant un maqamat (court récit en prose rimée et rythmée mettant en scène un personnage central cherchant à gagner sa vie par la ruse et l’éloquence) d'Al-Hariri écrit à la fin du XIè siècle, dépeint un moment de tendresse entre deux hommes à dos de chameau.
Les deux personnages, Al-Hârith (le narrateur) et Abû Zayd (le héros) traversent tout deux le monde arabe médiéval au gré de leurs (més)aventures. Sur cette illustration, peinte par Yahya ibn Mahmud al-Wasiti en 1237 à Bagdad, ils partagent un moment de tendresse avant leur retour de La Mecque. Et en arrière-plan, un cœur vient auréoler leur tête, symbole de leur amour.
Véritable pied de nez à l'islamisme radical, l'image (disponible sur la banque de données de la BnF) s'est propagée comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, agrémentée de la légende « To Daesh with love » (À l'attention de Daesh, avec amour). Entre autres, l'organisation terroriste d'Al-Baghdadi, qui a revendiqué l'attentat du club gay Pulse, réserve effectivement un terrible sort aux homosexuels sur son territoire, soit la lapidation à mort.]

On "fait tourner", bien sûr.

7 commentaires:

Jay a dit…

Depuis toujours j'éprouve une fière horreur à chaque fois que j'entends offrir en pâture l'amour gay. J'entends par là l'amour gay avec un A majuscule, celui "minuscule" je suis bien moins regardant, mais je ne trouve pas pour autant anodin non plus. Après, si c'est "pédagogique" l'origine de la manoeuvre, pour moi, il y aurait pédagogie en ne bradant surtout pas, ça. Mais je dois ne pas comprendre le but de l'initiative, puisque je me trouve bien seul (sniff).

André a dit…

Merci de répondre pacifiquement à ce qui réveille en nous des peurs et de très mauvais souvenirs. Il fut un temps où les artistes du Proche-Orient célébraient leur Dieu, l'amour charnel dans toutes ses orientations -- nord, sud, est, ouest -- et le vin avec talent, finesse et humour.

Silvano a dit…

Voilà deux commentaires qui reflètent deux angles de vue. Pour moi, Jay, l'initiative est pédagogique, oui.

C.S. a dit…

N'est-ce pas là une interprétation contemporaine d'une image qui a un autre sens ? Il se peut que la peinture médiévale arabe ait d'autres codes que ceux de l'occident à la même époque, mais que je sache le baiser sur la bouche est jusqu'à la renaissance au moins un symbole de confiance et d'égalité qui n'implique rien de charnelle (ce geste exista encore longtemps en Russie, c'est ce qu'on appelle un baiser de paix ).
D'autre part ce que le texte décrit comme un cœur n'est il pas tout simplement la réunion des deux auréoles ? Je ne connais aucune image de cœur stylisé comme cela avant l'époque contemporaine, sauf en héraldique où il n'a aucun sens amoureux.
Je comprends bien l'ironie de cette représentation face aux événement actuels, mais est il bien honnête intellectuellement de tordre le sens des symboles anciens et d'en tirer des arguments bien peu fondés ?

Silvano a dit…

C.S. :votre commentaire rejoint celui de Jay. Pas honnête, c'est probable. Je pense également qu'il y a détournement d'un autre message. Mais dans le contexte, c'est d'excusable-défense, à défaut d'être légitime. J'ai pris ça avec du recul, et un peu d'humour.

C.S. a dit…

Cela n'enlève rien à l'élégance des miniatures ottomanes et perses, qu'il est toujours agréable de revoir.

Silvano a dit…

Oui, C.S., absolument d'accord !