Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


dimanche 20 novembre 2016

Cachez ces fesses...

Le personnage de droite l'observe : comme s'il s'apprêtait à le rejoindre ?
Le musée d'Orsay présente actuellement (jusqu'au 5 mars 2017) une exposition consacrée au peintre montpelliérain Frédéric Bazille ( né en 1841, mort sur le champ de bataille en 1870).
Y figure notamment ce Pêcheur à l'épervier (1868) qui fut refusé au Salon de 1869. Le sujet principal offre à la vue une splendide paire de fesses qui est peut-être, outre le caractère jugé trop moderne de l’œuvre, la cause principale et non avouée de ce refus.

Le nu masculin, en effet, est fort peu représenté par les peintres de l'époque, ou seulement associé à des héros mythiques.
Selon l'historienne de l'art Claire Mangon (auteure de Scandales érotiques de l'art) "les attributs sexuels ne sont pas visibles pour le spectateur mais ils le sont sans aucun doute pour le second personnage masculin assis dans l'herbe, occupé à retirer ses chaussettes comme s'il s'apprêtait à le rejoindre ou à se baigner", et "cette scène de pêche virile entre homme nus, dans une nature idyllique, suggère l'expression d'un certain homo-érotisme", écrit l'historienne de l'art.
"Le reproche qu'on lui adresse est de ne pas avoir respecté l'ordre moral, de ne pas avoir réalisé une académie classique, mais aussi de faire un emploi non justifié du nu".


On ne sait pas grand chose de l'orientation sexuelle de Bazille, mort à 28 ans, si ce n'est qu'on ne lui connut aucune maîtresse et que son amitié avec le musicien, collectionneur et mécène Edmond Maître peut être sujette à supputations.
On remarquera aussi, dans l'une des œuvres les plus célèbres de l'artiste, Scène d'été, qu'il fait prendre au garçon de gauche, adossé à un arbre, l'attitude d'un Saint Sébastien débarrassé de ses flèches et de son drapé antique.

Scène d'été : à gauche, un moderne Saint Sébastien

Frédéric Bazille, la jeunesse de l’impressionnisme
Musée d'Orsay, Paris, jusqu'au 5 mars

En guise de catalogue :





6 commentaires:

estèf a dit…

Silvano, vous allez bien nous trouver le contrechamp !

Unknown a dit…

Je trouve que la partie la plus belle chez un homme sont ses fesses souvent musclées et galbées.

Celeos a dit…

Vos remarques sont pertinentes, Silvano, et Frédéric Bazille s'est certainement inspiré d'un regard vers l'antique pour les baigneurs que vous présentez, et son travail témoigne de sa formation classique.
Quitte à apporter un son détonnant aux louanges qu'on fait habituellement à Frédéric Bazille, je crois que l'exposition ne donne pas l'expression d'un talent hors normes, faute, me semble-t-il, d'une voie (d'une voix) qu'aurait pu trouver Bazille dans sa confrontation aux différents peintres qu'il fréquentait. Le voir comme mis à l'écart pour cause de représentations homo-érotiques me semble une véritable erreur : les nombreuses académies représentant des hommes nus ne sont vus comme homo-érotiques qu'avec le regard de notre temps, et les quelques peintures qu'il a pu faire représentant des baigneurs étaient regardées plus vraisemblablement pour ce qu'elles étaient : des adaptations de l'antique aux temps modernes. On est loin du Déjeuner sur l'herbe de Manet. C'est sans doute sa mort prématurée à la guerre de 1870 qui l'a privé d'aller plus loin dans une recherche où la peinture aurait pu lui donner la possibilité de dépasser son regard. Je retiens notamment que ses natures mortes restent peu inventives, et que son travail sur la couleur, à un moment où, justement, l'impressionnisme va essayer de penser différemment la couleur, reste, à mon sens, décevant. Son succès tient, me semble-t-il, davantage à l'opération marketing du Musée Fabre bien soutenu par le Musée d'Orsay, qu'au talent réel de Bazille.

Silvano a dit…

Merci Celeos : pour l'homo-érotisme, je me contentais de citer Madame Mangon. Cela dit, la moindre paire de fesses masculines bien représentée me tourneboule un tantinet.

Anonyme a dit…

Une petite digression: vous, Silvano, qui avez un langage tellement soigné, comment se fait-il que vous recouriez à une forme féminine aussi moche qu'auteure, lorsqu'il est possible de former le féminin suivant le mode classique dérive du latin (et très présent en italien): autrice?

Ange de feu

Silvano a dit…

@Ange de feu :vous avez raison, bien sûr. J'ai repris, sans m'y attarder, le terme employé dans la présentation par le Musée d'Orsay. Oui, "autrice" est mieux approprié. Ou, dans le contexte, "auteur", tout bonnement.