Au bord du lit de Georges, le Père de Trennes (le grand Michel Bouquet à côté d'un Francis Lacombrade bien terne).
Prix Renaudot 1945, "Les amitiés particulières" fit évidemment scandale dans la France de l'immédiat après-guerre : pour la première fois un écrivain parlait, sans avoir à recourir à l'incognito, de "l'amour qui n'ose dire son nom", ce qui lui valut, entre autres, l'estime d'André Gide dont l'œuvre recèle quantité de références à ses penchants, mais dont le "Corydon" avait dû être diffusé "sous le manteau" quelques années auparavant.
Avec le temps, on pourra sourire de ce qui pourra apparaître aujourd'hui comme des "enfantillages", car l'amour, l'amitié "particulière", qu'éprouvent Georges et Alexandre l'un pour l'autre, reste finalement chaste, même si l'on devine que leur géniteur littéraire, lui, a des pensées moins pures.
Finalement, on préfèrera nettement les œuvres de Jean Genet qui, lui, assume totalement sa sexualité et produit des pages nettement moins policées.
C'est pourtant ce roman qu'aux abords de l'adolescence je lisais fébrilement sous les draps, muni d'une lampe de poche, le cachant ensuite dans un tiroir secret dans ma chambre aux fins fonds d'une petite ville de province et qui me fit découvrir ma proximité avec ces "mœurs spéciales" comme on disait encore à la fin des années 60.
Le roman connut, malgré ou à cause de sa réputation sulfureuse, un immense succès : l'édition que je possède, datée de 1951, est celle du quatre-vingt-deuxième mille !
Par la suite, Peyrefitte produisit une œuvre pléthorique parmi laquelle on retiendra une biographie en trilogie très documentée sur "Alexandre le grand", un roman que j'affectionne sur le baron de Fersen (L'exilé de Capri) et "Notre amour" où il retrace sa relation avec Alain Philippe Malagnac qui devint sur le tard l'époux... d'Amanda Lear, et périt dans l'incendie de leur maison.
Dans les dernières années, l'écrivain était devenu un personnage quelque peu déplaisant, folle permanentée, invité de rigueur dans les débats télévisés sur "L'homosexualité, ce douloureux problème" (!)
Dans ses derniers ouvrages, Peyrefitte se veut contempteur de la France et des français de son temps, n'hésitant pas à pratiquer le "outing" en commère de quartier.
Oublions donc ce personnage très "réactionnaire" (c'est, du moins, le souvenir que j'en ai) pour revenir à ces "Amitiés" qui donnèrent naissance à un film de Jean Delannoy en 1964 dans une adaptation cinématographique de deux "grands" de l'ancienne vague, Jean Aurenche et Pierre Bost (lien imdb).
On verra le film, transféré sur une très belle édition DVD (chez René Chateau), sans enthousiasme tant il est l'archétype d'un cinéma français poussiéreux, celui-là même qui fut dénoncé par les jeunes loups de la "nouvelle vague".
Ce film "gentillet" (où, consolation, l'immense Michel Bouquet incarne le Père de Trennes), fut victime lors de sa sortie d'une interdiction aux moins de 18 ans qui fait sourire aujourd'hui, à l'heure de "Brokeback Mountain".
Bien qu'un peu "moisies", les "Amitiés particulières" reste une œuvre très importante de la culture gay, la nostalgie étant ce qu'elle est.
Bel article qui donne envie de lire ce livre, malgré les réserves exprimées.
RépondreSupprimerAhhhhhhhhhhhhh!... J'aurai bien aimé être avec vous sous la couverture à cette époque pour être votre copain , j'aurai tenu la lampe de poche , snifff . arf ! :(
RépondreSupprimer"L'exilé de Capri" est aussi un roman qui me tient à coeur. Grandeur et décadence d'un aristocrate uraniste et esthète bien attachant.
RépondreSupprimergwengil : j'ai consacré plusieurs billets, ici, à l'Exilé de Capri.
RépondreSupprimeril shock !
RépondreSupprimeril film toccante ha offeso molti con il suo argomento.
ormai un classico.
+ nera vedova