lundi 23 juin 2014
Instantané
Marc E. venait le matin vers 8 heures. La stridente sonnerie de l'interphone, un fa dièse qu'on eût cru sorti d'un mirliton (cet instrument pour non-musiciens d'où l'on tire un son nasillard en fredonnant dans l'embouchure), me sortait de mes rêves, me condamnant à me traîner jusqu'à la porte d'entrée pour actionner l'ouverture du portail métallique qui protégeait le lotissement des intrusions. Je retournais au lit après avoir entrouvert, me recouchais, attendant le rituel : l'arrivée à pas feutrés, puis le souffle de Marc qui se penchait sur moi dont il n'obtenait que grognements pour résultat de sa vigoureuse caresse. En dernier ressort, il ôtait son polo, sachant qu'alors je daignerais sortir la tête des draps, un œil curieux émergeant des limbes tel un périscope, prêt à donner l'alerte. Marc s'affairait dans la cuisine "américaine", faisait chauffer l'eau dans l'unique casserole, dosait méticuleusement le café lyophilisé dans le mug et me l'apportait.
"Je peux mettre un disque ?" demandait-il toujours, car jamais il ne l'eût fait d'autorité. Il veillait à régler le potentiomètre sur midi moins vingt, la seule puissance qui m'agréait au lever. Je consentais à m'extraire du lit, sans dissimuler la vigueur qui tendait le drap du caleçon blanc, me dirigeais vers la salle de bain pendant qu'il feuilletait le journal qu'il avait apporté. Quand j'en revenais, Marc avait disparu. Je savais qu'il m'attendait dans l'alcôve et qu'il faudrait prendre une nouvelle douche après les effusions. Dans les rayons des supermarchés, je ne peux voir un flacon de café instantané sans penser à ce garçon un peu voyou qui me manifestait une déférence teintée d'admiration, un respect, une attention, qui étaient peut-être de l'amour.
1 commentaire:
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