La nature fut plus clémente avec moi ces jours derniers, où, en compagnie d'un garçon pas gay mais très gai, féru d'escalade, s'appliquant à tirer la quintessence de ses vingt-cinq ans par tous temps et en toutes saisons, je trouvai en moi des ressources insoupçonnées, oubliant mes incapacités, mes maladresses d'intello (sobriquet désignant de nos jours toute personne s'efforçant d'échapper à la médiocrité érigée en valeur dominante), cette répugnance à tout effort physique éprouvée ces derniers mois : "c'est dans ta tête !" disait-il avec raison.
Il marche devant moi comme pour me frayer un chemin sur ces pentes vertigineuses qui me font penser "mon dieu, comment allons nous remonter ?", annonçant quelque rocher glissant, prenant ma main comme il le ferait pour une vieille dame, que je refuse de lui donner parce que, voyez-vous, on a sa dignité. Il chante à tue-tête des chansons de salle de garde, défiant les randonneurs croisés au hasard de notre progression. Je parviens même à lui en donner une version "homo" qui l'amuse tant qu'il la reprend avec la même énergie ! Tout en bas, le froid, près des chutes, contraste avec l'impitoyable fournaise que nous venons de traverser. Il s'immerge un instant dans l'eau glacée. Je dis "tu es fou, tu vas m'attraper une pneumonie !" ; il en rit encore, sans doute. Comme une mère juive, je pense "qu'il est beau et courageux, mon fils !" (dans le TGV du retour, le petit garçon d'une soprano de renom de retour du festival d'Aix-en-Provence me dit, le désignant "c'est ton fils ?" ; devant mes dénégations, il dit "c'est ton beau fils, alors ?", et lui lève alors les yeux de son bouquin pour répondre "exactement !", et je fonds de plaisir).
"Qu'il est beau et courageux, mon fils !" |
Caillettes |
Très joli billet, très touchant : pareille complicité est très rare. Vu (trop peu !) de dos dans l'eau fraîche, votre "fils-beau", comme vous dites, semble mériter ce surnom. Apparemment, il vous mérite aussi. On envie ses pérégrinations avec vous Silvano, éternel jeune homme.
RépondreSupprimerun détail gourmand m'échappe, les caillettes ne seraient pas des petites cailles? sinon cette randonnée montagnarde rappelle d'excellents souvenirs quoique parfois dangereux car la montagne en solitaire , si c'est le pied question découverte d'horizons à couper le souffle, réserve parfois un corps à corps douloureux quand c'est sur le flanc d'une paroi qui ne vous permet plus ni de monter ni de descendre....
RépondreSupprimerEt non, Joseph, ce ne sont pas des petites cailles : une caille, ce n'est déjà pas très gros ! Oui, nous avons croisé des grimpeurs téméraires.
RépondreSupprimerVos récits me sont souvent comme de douces poésies légères, Silvano. Ils nous élèvent dans des bulles de rêves.
RépondreSupprimerAu risque de vous lasser : merci.
Marie
Je le fais courtissimo :
RépondreSupprimerému.
Celeos
Mais a t-il fini par l'attraper, ce poisson qui l'a mis sens dessus dessous?
RépondreSupprimerEn plus de ce texte, merci pour la précieuse maison Teyssier, je ne pensais pas trouver des caillettes par correspondance.
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