mercredi 18 mars 2015

Le bel endormi

Au cours de ma onzième année, comme nous étions en vacances chez la grand-mère au cœur d'un août brûlant, je poussai un matin la porte de la chambre de mon grand-frère. Lui n'y était pas, mais un ange brun occupait le lit, un Jean-Jacques de dix-huit ans que le drap blanc couvrait à peine jusqu'à la naissance d'une brune toison. La peau était rose, pas encore brunie par le soleil du midi. Un bras était replié sur le front, les lèvres me semblèrent d'un rouge-vif, « purpurin » lirait-on dans un ouvrage désuet ; le haut de son corps, offert à mon regard, se soulevait lentement, métronomiquement, au rythme de sa respiration ; l'épiderme était souple, lisse, velouté, en appel irrésistible à la caresse.
Une jambe dépassait du lit, le pied reposant sur le sol de ciment brut ; la cuisse était ferme, épaisse, le genou était fort, où subsistait une trace d'un récent accident de "Solex" ; le mollet musclé s'abritait sous une fine couche de poils bruns qui bouclaient un peu si l'on remontait jusqu'où palpite le grand Mystère.
Pétrifié, j'ouvrais des yeux ronds, là, sur le pas de la porte.
Le jeune homme a ouvert brièvement les yeux, juste assez, je crois, pour m'apercevoir le détaillant avec émotion.
Devant le café noir, peu après, dans la salle commune, j'ai cru intercepter un clin d’œil qui me hante encore.

(c) Silvano Mangana - Gay Cultes

7 commentaires:

  1. Oh, Silvan ! de grâce, offrez à vos lecteurs d'autres textes de ce genre ! Fiction ou réalité, peu importe ; ils m'enchantent et me transportent.

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  2. Torride ! Mais une chose m'échappe...
    Le Grand Mystère en haut du mollet ? Moi je le voyais plutôt en haut de la cuisse !
    Jérôme

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  3. Vous chipotez, Jérôme : suivez mieux l'itinéraire ;)

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  4. Quel plaisir. Vos petites histoires sont comme des bonbons délicieux dont on n'aura jamais assez.

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  5. Quelle description magnifique ! S"agit-il d'un extrait d'un roman ou d'une autobiographie ?
    Z.

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  6. Un roman recèle toujours une part d'autobiographie.

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