mardi 10 novembre 2015

Déclinologuons

Lors du décès du grand Dietrich Fischer-Diskau, en 2012, un tout jeune homme me disait en substance : " Toutes ces vieilles personnes qui s'en vont, artistes, écrivains, hommes de science, je sens que c'est la fin de tout. "
Je fus quelque peu désarmé par tant de tristesse que je ressentais comme naïve, et, n'en laissant rien paraître, me lançai dans un discours sur les théories du déclin, de plus en plus en vogue, dont les pires d'entre elles, d'ordre idéologique.
Je m'égarais, en fait, ramenant mon point de vue à des considérations par trop "politiques", ce qui n'était pas dans l'essence-même des propos du garçon.
La diffusion, vendredi dernier (on peut y accéder en révision*), d'une émission intitulée Les vendredis d'Apostrophe a ravivé le souvenir de cette conversation.
Charles Bukowski sur le plateau d'Apostrophes
Pendant 15 ans, de 1975 à 1990, les français se passionnèrent pour l'émission littéraire animée par Bernard Pivot, ce qui peut paraître inconcevable en ces temps où le médiocre est notre lot quotidien.
L'émission se déroulait dans une ambiance parfois survoltée (ah, l'ineffable Roger Peyrefitte essuyant le mépris de Jean d'Ormesson !), surréaliste (un Bukowski complètement ivre, impossible à maîtriser !), ou, à l'inverse, en total état de grâce (Yourcenar, Duras, Modiano, Nabokov, et j'en passe) qui ne pouvait laisser indifférent. Les libraires de l'époque doivent s'en souvenir : ils n'ont jamais autant vendu d'ouvrages !
Aujourd'hui reléguées à horaires impossibles, souvent abritées (c'est le mot !) par des chaînes confidentielles, les émissions littéraires semblent réservées à des spectateurs considérés comme des dinosaures insomniaques.
Surnage heureusement l'excellente Grande Librairie de François Busnel (le jeudi sur France 5).
Mais l'empreinte d'Apostrophes sera bien difficile à effacer.

On peut donc revoir cette émission (pour peu de temps, attention !) ici : clique-moi dessus !

*Révision : "replay" pour ceux qui veulent.

4 commentaires:

  1. Le "c'était mieux avant" est de mise ; heureusement qu'il y a maintenant plus de disponibilités d'enregistrement d'émissions passant à des heures tardives , ainsi j'ai pu tout à mon aise visionner une superbe évocation de la vie du ténor Nicolai Gedda (Arte ) et je me réjouirais à l'idée qu'une telle émission puisse exister concernant Dietrich Fischer Diskau que vous avez le mérite d'évoquer dans votre billet!

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  2. "Le "c'était mieux avant" est de mise" : pas en tout, heureusement ! D'ailleurs, la seconde partie de votre phrase prouve le contraire.

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  3. Merci de m'avoir mis sur la piste de cette émission. Une heure et demi de grâce. Un Jouhandeau somptueux et émouvant. Une Elisabeth Badinter qui dit la vérité sur Sade. Et Yourcenar !

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  4. À peu près rien n'était mieux avant ! (j'en viens) ce qui ne veut pas dire que l'avenir soit réjouissant...

    Ceci dit, en ce qui concerne les arts et les artistes, ils se renouvellent, tout simplement - et ce n'est pas là pour moi un sujet d'inquiétude.

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