Après une semaine de pédestres pérégrinations sous un soleil dont on avait oublié qu'il pût être si implacable et bénéfique à la fois sous les chants galvanisants du jeune compère jamais éreinté, après les dégustations extasiées de pasta al ricci (oursins) où la Méditerranée toute entière submerge le palais, après la grappa nocturne obligatoire, après le constat que la misère la plus noire jouxte la magnificence des palazzi baroques où Luchino Visconti tourna les scènes mémorables de son Guépard, vieillard désabusé assistant à la fin d'un monde, après nos rires que l'on croyait inextinguibles quand nous rivalisions de pitreries, de salacités qui faisaient voler en éclats les frontières homo-hétéro à la con, après les tendres moqueries déclenchées par mes dérisoires souffrances - " allez, Maître, ne restent que cinq ou six kilomètres, tu peux le faire ! " - après cette semaine où l'entêtante, l'abrutissante information qui rythme nos vie trop connectées, s'est tue, miraculeuses parenthèses, juste une bouffée de chaleur, mais aussi d'oxygène, on reprend pied de la manière la plus brutale. On essaie d'encaisser le choc de l'horreur qui se répète, on apprend - c'est inévitable - l'Allemagne, Munich, et ce crime abominable en paisible Normandie : et l'on comprend que la paix, désormais, n'a plus de village où se réfugier.
Abasourdi, on entend, on lit, les déclarations de ces politiciens sans scrupules qui soufflent sur les braises, avec pour seuls honneurs, ceux, épinglés sur le revers de leur veston, qui sont les insignes de la seule chose qui les fasse bander : le pouvoir.
Il faut garder à l'esprit - ce n'est pas égoïste, dites ? - le soleil qui part se coucher dans la mer, à Cefalù, mais aussi l'image des jeunes siciliens sur la piazzetta, qui jettent leurs canettes, leurs mégots, leurs gobelets en plastoc sur le bitume, quand on a combattu une réaction très con de Français qui ne sait pas son bonheur : "c'est beau, mais qu'est-ce- que c'est sale !", qu'on expie les larmes aux yeux, troué jusqu'au tréfonds de l'âme - et c'est bien de redécouvrir qu'on en a une - par cette énergie du désespoir qui se traduit en cris, en apostrophes, en rires sonores, en virées à Vespa comme des tours de manèges, car on ne sait pas vraiment où aller ; mais on y va puisqu'il faut vivre.
Survivre.
Le soleil qui part se coucher... | Photo E.C pour Gay Cultes - Cefalù (Sicilia), juillet 2016 |
Vous êtes revenu avec votre bel art d'écrire, Silvano.
RépondreSupprimerCe qui me réconforte du monde.
A vous lire, il m'est venu à l'esprit que la paix avait un village où se réfugier : nos coeurs et nos âmes qu'il nous faut veiller à toujours laisser intègres.
Une tâche de chaque instant et sans cesse à renouveler.
Marie
Un retour "bousculé" par la terrible actualité qui nous frappe ; mais une détermination partagée à combattre pour nos valeurs.
RépondreSupprimerOui, Marie, nous ne devons jamais y renoncer.
RépondreSupprimerVous savez toujours si bien nous surprendre, Silvano, et exprimer ce que je ressens. Un merci qui vient s'ajouter à tous mes autres.
RépondreSupprimerIl m'arrive encore, Maxence, de me surprendre moi-même. Heureusement !
RépondreSupprimerVotre texte oscille entre larmes et sourires. Bravo et merci.
RépondreSupprimerMerci pour votre fidélité.
RépondreSupprimer... ♬♪♪♫ pour m'en souvenir à Paris ♪♬♫...
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