mercredi 28 décembre 2016

Un peu de Paul, après... (rediffusion)

Mon petit studio était sans cesse vrombissant des rires des jeunes gens qui l'investissaient à toute heure du jour et, parfois, de la nuit. C'est Jean-Charles qui délivrait les visas, car il était l'amant en titre et asseyait ainsi sa suprématie. Cette nuit-là, nous hébergeâmes Gilles, un joli garçon-à-filles qui me vouait une admiration naïve que je me refusais à exploiter. Joli et de conversation agréable, ce jeune homme avait l'heur de trouver grâce aux yeux de mon compagnon, un "vieux" de deux ans son aîné. Nous lui avons aménagé une couche de fortune sur l'épaisse moquette : on a étendu sur le sol la couette d'hiver qui n'avait jamais servi, car ici il ne fait jamais froid, et un drap d'un mauve criard détestable, mais c'était le seul drap propre dans le placard. Nous avons parlé et ri dans l'obscurité que trouait par intermittences le néon rouge du bar La Réserve, juste en face. Entre deux lueurs, Jean-Charles et moi, avons ôté nos sous-vêtements comme à l'accoutumée ; en maître des lieux, mon ami a dit "bonne nuit Gilles, bonne nuit, toi !", m'a embrassé et serré contre lui et là, il fallait dormir. Quelques minutes se sont égrenées avant que Gilles, d'une voix douce, tremblante, comme une plainte, ne chuchote "je peux dormir avec vous ?".
Peut-être avions nous un peu abusé du Gin dont on avait vidé la bouteille tous les trois au cours de la soirée. Nous avons dit "viens !" d'une seule voix, et le garçon-à-filles s'est glissé entre nous dans le lit, et il était nu. Sa soif de caresses était-elle que nous n'eûmes d'autre préoccupation, comme une mission : il fallait l'étancher, le mener à la jouissance qui apaise.
Quand cela fut fait, le garçon-à-filles nous embrassa tour à tour et s'endormit. Ni Jean Charles ni moi, ne pûmes fermer l’œil de la nuit. Le sommeil nous ravit aux premières heures de la matinée. Au réveil, l'ange s'était envolé. Sur la table, un mot, un seul, griffonné à la hâte : Merci. 

Louis Arjaillès/Silvano
(c) Gay Cultes 2014

3 commentaires:

  1. "Il y a des livres...qui lorsqu'on les lit, semblent luire,
    Chargés d'extase, délicieux d'humilité.
    Il y en a que l'on chérit comme des frères..."
    A. Gide
    Marie

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  2. buon girono carissimo Silvano
    ho letto tuo romanzo ieri...
    :)
    baci
    pepito

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  3. avec "Tombe Victor" nous vivions la naissance d'un écrivain, avec ce court extrait, d'un autre texte, nous en avons la confirmation ; bien plus qu'un romancier pour gay ou un public averti, le Sylvano confirme outre ses talents de musicien de toujours, une autre voie qui trace désormais son sillon. Son public naissant se forme, il va devenir exigeant....

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