lundi 1 mai 2017

Le chemin des contrebandiers (Tombe, Victor ! Livre 2) Extrait 4

" Ohé, ohé, Pompidou
Pompidou navigue
Sur nos sous ! "
La mezzanine hurle à tue-tête : Jean-Jacques Guglielmi, le seul « terminale » connu de nous comme militant de l’UDR vient de faire son entrée, déclenchant une bronca qui a raison des nerfs d’Eliane, la fille de la maison, qui ajoute ses « Arrêtez, arrêtez, j’en peux plus ! » au tumulte régnant sans obtenir – bien au contraire – le moindre résultat.
Guglielmi se distingue de nous par son allure. Sanglé dans un costume de bonne facture, sur la veste duquel il a épinglé une croix de Lorraine en argent, dûment cravaté de soie, il affecte une démarche gaullienne d’échassier, longue silhouette qui fait penser à un dessin de Bosc, mon caricaturiste préféré des pages « humour » de Match, lequel promène désormais sa maigre silhouette et sa déprime dans son refuge de la Résidence des fleurs, non loin de la maison des remparts où le peintre Nicolas de Staël abrita la sienne quelques années auparavant, avant de se donner la mort.

Le balcon de cet immeuble de luxe est le seul qui n’ait à offrir aux abeilles la moindre fleurette à butiner. « Tu verras, c’est facile, il n’y a pas de géraniums rouges. » m’avait-il indiqué en souriant tristement lors de la prise de rendez-vous.
Pour le journal du lycée, je suis donc allé l’interviewer et j’ai pris une photo à son idée : allongé tout habillé dans sa baignoire, visage impassible presque douloureux comme pour définir les limites du gag.
Là s’arrête le lien avec l’artiste, dont les opinions politiques seraient, selon moi, mieux symbolisées par un drapeau noir que par l’emblème du général : Guglielmi plastronne dans les cafés lors des campagnes électorales, faisant entendre à grand peine sa voix flûtée dans le vacarme des verres entrechoqués et les éclats de voix des autochtones empastissés. Il est pourtant en terrain conquis : cette ville est une place-forte des conservateurs, et ce depuis Louis XVIII au moins.
La fine moustache brune qu’il lustre constamment de ses longs doigts malingres l’apparente au baron de Charlus tel que je l’imagine.
Il se raconte dans la bande que c’est le départ du grand Charles qui est à l’origine de son désormais fameux complet noir. Le deuil.
Ce n’est nullement improbable, si l’on considère la scène à laquelle j’assistai, dans mon propre cercle de famille, le soir où le Président annonça son retrait à la télévision.

(À suivre)
(c) Louis Arjaillès - Gay Cultes 2017
Si vous avez manqué le début :
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Le "Maréchal" Bosc

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