mardi 31 octobre 2017

O tempora...

En ces temps pas si anciens, il fallait quelque audace pour draguer le garçon en terrain non spécialisé.
J'aurais pu, pour calmer un appétit irraisonné, descendre dans quelque club à minets et y trouver aisément pitance, mais je préférais me lancer des défis et chasser l'ange en des lieux plus ordinaires, m'abusant quelquefois d'un regard mal interprété, de ceux que vous lancent les garçons à Florence, qui ne sont que l'expression d'une curiosité exacerbée, rarement d'un désir fulgurant.
Dans les endroits sans pédés où je traînais alors, je comptais sur ma faconde, le charme qu'on voulait bien me prêter en mon jeune temps, pour enlever le morceau, et j'y parvins maintes fois après m'être épuisé en longues péroraisons pour convaincre.
Il ne s'agissait pas, à l'époque, de trouver l'âme-frère, celui qui pourrait cheminer longtemps avec moi. Non, ce jeu dangereux consistait à marquer des points, à remplir mon illusoire escarcelle, pour me glorifier ensuite d'avoir arraché un instant un jeune homme à sa prétendue normalité.
"...j'avais trop trop bu, oublie ça, on n'en parle plus, hein ?!"
J'affrontais en haussant les épaules les "oh putain, j'avais trop trop bu, oublie ça, on n'en parle plus, hein ?!" des petits matins dégrisés. Je faisais une croix sur le tableau et repartais vers la prochaine mascarade, distributeur de jouissance pour garçons sanguins — après tout, si personne le sait...
J'observe aujourd'hui les jeunes amis "gays" de mon entourage : point de cette témérité dans la recherche du plaisir qu'ils veulent associer absolument à la pureté des sentiments.
Ce désir de former un couple à l'âge de toutes les déraisons ne cesse de m'interroger, peut-être parce ce que je pensais, moi, dans mes jeunes années, que mon homosexualité était révolutionnaire.
Leur quête du grand amour passe par l'utilisation des moyens modernes que sont les réseaux spécialisés sur la toile et, de plus en plus, les "applications" qu'ils ont téléchargées dans leurs indispensables smartphones.
Dépassé, un temps, par cette évolution que je n'ai pas vu venir, je m'y fais peu à peu, tentant, à défaut de l'approuver, de la comprendre, de l'accepter.
Enfin, on croise de plus en plus d'homos dans les rues de mon quartier.
En couples.
      

2 commentaires:

  1. Photo de l'artiste belge Carl Vanassche .

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  2. Comme tu as raison. Cette obsession du couple a envahi totalement la société. Il semble que ce soit le seul refuge que les gens trouvent dans un environnement individualiste exacerbé ; et la déception est souvent au rendez-vous. L'homosexualité avait justement un caractère de subversion par rapport à cela. Aujourd'hui elle cherche plutôt la normalité, ce qui peut se comprendre dans un certain sens, quitte à en perdre son sel.

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