Dédé-le-plagiste m'accueillait d'un clin d’œil quand j'arrivais à Royal-Beach accompagné d'un "nouveau", l'un de ces "petits jeunes" qui ne savaient que m'admirer, avec lesquels je parvenais, dans les petits matins embrumés d'après-boîte, à quelque étreinte sans plénitude, garçons du hasard de la nuit, levés sur un claquement de doigts, parfois, ou, au contraire, au prix d'efforts surhumains, de ces calculs qui vous assèchent la matière grise, pompent ce que le dépassement de soi pour la distraction des oiseaux de nuit vous a laissé d'énergie.
J'étais de ces personnalités pour lesquelles Dédé-le-plagiste trouvait toujours dans l'urgence les deux matelas au bord de l'eau que d'aucuns lorgnaient en vain à l'accueil, se heurtant à un "c'est réservé" définitif.
Quand mon compagnon d'un jour jouait des muscles sur le plongeoir, dans ces moments où je dégainais le Nikon pour l'immortaliser ou pour me souvenir de lui, Dédé-le-plagiste, furtif, glissait entre les transats et me chuchotait "et celui-là, tu te l'es fait ?".
Dédé, ce beau Dédé pour lequel j'aurais donné tous les "petits jeunes" de la région n'était pas "comme ça", mais ma réputation de conquérant excitait son esprit à défaut de sa libido. Maintenant, il n'y a plus de Royal Beach, le vieil hôtel fin de siècle qui surplombait la plage a laissé la place à un immonde cube de béton et de verre, et les garçons des bords de mer sont devenus farouches. Dédé n'est plus là pour veiller, complice, sur les amours illicites d'un ami qui, secrètement, l'aima.
Silvano
Le "Dédé" de la photo s'appelle Agustin Bruno
Ce souvenir (très joliment partagé) semble une parenthèse spatio-temporelle, celle d'un monde où les élans d'un garçon amoureux des garçons attendriraient un plagiste hétéro, d'un monde où on l'on trouverait des amants dans des boîtes de nuit que je suppose non spécialisées, où on les prendrait en photo pour s'en souvenir et non pas pour les publier sur Instagram... Dites-nous Silvano, que faisiez vous donc pour que, de votre propre aveu, ils vous admirent ainsi ?
RépondreSupprimerLa nostalgie le meilleur moteur littéraire !
RépondreSupprimerBon dimanche,merci,Sylvano.
Pierre Sand : je leur apportais des plaisirs musicaux publics.
RépondreSupprimerVous leur apportez aujourd'hui une anonyme postérité par vos belles chroniques et peut-être par la publication un jour de ces précieuse photos.
RépondreSupprimerEncore, Silvano, c'est votre écriture que l'on préfère, ici !
RépondreSupprimerSuper bien écrit, respect !
RépondreSupprimerMerci.
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