lundi 12 août 2019

Après Palerme (2016)


[Je n'ai pas retrouvé, ici, trace de ce texte écrit à la fin de l'été 2016. Peut-être avais-je omis de le publier. Dans le cas contraire, on pourra passer à la suite.]

Après Palerme

On voudrait n'être jamais rentré de Palerme.
Après une semaine de pédestres pérégrinations sous un soleil dont on avait oublié qu'il pût être si implacable et bénéfique à la fois sous les chants galvanisants du jeune compère jamais éreinté, après les dégustations extasiées de pasta al ricci (oursins) où la Méditerranée toute entière submerge le palais, après la grappa nocturne obligatoire, après le constat que la misère la plus noire jouxte la magnificence des palazzi baroques où Luchino Visconti tourna les scènes mémorables de son Guépard, vieillard désabusé assistant à la fin d'un monde qui n’en finira jamais, après nos rires que l'on croyait inextinguibles quand nous rivalisions de pitreries, de salacités qui faisaient voler en éclats les frontières homo-hétéro à la con, après les tendres moqueries déclenchées par mes dérisoires souffrances - " allez, Maître, ne restent que cinq ou six kilomètres, tu peux le faire ! " - après cette semaine où les entêtantes, les abrutissantes salves d’informations qui rythment nos vie trop connectées, se sont  tues, miraculeuse parenthèse, juste une bouffée de chaleur, mais aussi d'oxygène, on reprend pied de la manière la plus brutale. On essaie d'encaisser le choc de l'horreur qui se répète, on apprend - c'est inévitable - l'Allemagne, Munich, et ce crime abominable en paisible Normandie : et l'on comprend que la paix, désormais, n'a plus de village où se réfugier.
Abasourdi, on entend, on lit, les déclarations de ces politiciens sans scrupules qui soufflent sur les braises, avec pour seul honneur, épinglé au  revers de leur veston, l’insigne de la seule chose qui les fasse bander : le pouvoir.
Il faut garder à l'esprit égoïstement pour ne pas s’effondrer le soleil qui part tranquillement se coucher dans la mer, à Cefalù, mais aussi l'image des ragazzi siciliens sur la piazzetta, qui jettent leurs canettes, leurs mégots, leurs gobelets en plastoc sur le bitume, quand on a étouffé une réaction très con de Français qui ne sait pas son bonheur : "c'est beau, mais qu'est-ce- que c'est sale !", qu'on expie les larmes aux yeux, troué jusqu'au tréfonds de l'âme - et c'est bien de redécouvrir qu'on en a une - par cette énergie du désespoir qui se traduit en cris, en apostrophes, en rires sonores, en virées à trois ou quatre sur une Vespa volée peut-être, comme des tours de manèges, car on ne sait pas vraiment où aller ; mais on y va : 
il faut vivre.

Ph. Silvano



1 commentaire:

  1. Comme c'est juste(hélas !) : lorsque j'entends que des français sont près de moi, je fais en sorte de ne plus parler français. Quitte à ne plus parler ... Il n'y a pas pire qu'un français à l'étranger. J'ai honte ... J'en ai entendu râler comme des putois, dans le sud, parce qu'il n'y avait ni frites, ni steak. MAIS RESTEZ CHEZ VOUS!!! Ne voyagez plus. F..... nous la paix. Je me laisse aller. Désolé.
    J'ai adoré Palerme (un peu polluée quand même). Et Naples. Ces villes du sud que les c... disent sales. Par manque de poésie. De culture. D'imagination. De coeur. Moi, quand je vois un palais en ruine, si détérioré, j'imagine sa splendeur passée. Pour un peu, j'entendrais les chevaux, et je verrais la calèche en sortir, venant d'un passé mort, mais glorieux. J'aime l'Italie depuis mon premier voyage, en 2008. Un véritable coup de foudre. J'ai trouvé MA terre. "Per Fortuna, sono Italiano". (de coeur). Je repars dans 15 jours, dans les Marches que je ne connais pas encore. J'ai hâte ... D.

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