"Les histoires d'amour finissent mal en général" chantaient les Rita Mitsouko dans la période.
J'écrivais hier sur la nostalgie, me plaignant qu'elle n'affleure jamais dans le nouvel opus d'un François Ozon dont il n'est pas de bon ton de se dire déçu. Parce que François Ozon a un statut dans le cinéma français, ou peut-être même une statue, indéboulonnable celle-là.
Que le cinéaste de Dans la maison, que je me permets de sacrer "meilleur film" de cette attachante personnalité, que le metteur-en-scène d'un Grâce à Dieu au scalpel, film essentiel, ou de la formidable Potiche, comédie où LA Deneuve révèle ses magnifiques beaux restes, échoue, à mon sens (et je ne suis pas Les Cahiers !), à faire passer l'émotion attendue dans cette histoire d'amour entre deux garçons - oui, ils sont mignons, branle-toi, papy ! - relève de l'inconcevable.
Pour avoir vécu un peu plus qu'intensément cet été-là, j'attendais peut-être trop de la "reconstitution d'époque", un peu moins ardue, pensé-je que celle de La guerre du feu. Las, on n'y est pas vraiment, si ce n'est, côté look, celui de la petite anglaise, très Bananarama, et l'on est très éloigné de celui de Robert Smith dont le Without you se veut étendard sonore de cette pellicule.
Un garçon rencontre un garçon, ils s'aiment, baisent, pour se déchirer enfin dans un drame de la jalousie (vous l'avez ?) qui surgit à la vitesse d'une Suzuki.
Le défaut majeur du film, c'est d'avoir choisi pour donner la réplique à ces deux souriceaux (bien moins bons que la promo nous l'a seriné, au demeurant) des acteurs "aussi souvent vus partout" qu'Isabelle Nanty, sans crédibilité dans le rôle de la mère d'Alexis, ou de Valeria Bruni Tedeschi, un peu moins horripilante qu'à l'accoutumée, il est vrai, dans celui de la mère de David.
Seul, dans les "connus", Melvil Poupaud parvient à faire totalement oublier qu'il est Melvil Poupaud, parce que, voyez-vous, c'est un très grand acteur (cf. Grâce à Dieu, tiens !).
L'appel à des obscurs, voire à des non-professionnels eût été mieux venu, pour redonner au film le réalisme qui lui fait cruellement défaut.
Mais voilà, (je sais, c'est facile) encore fallait-il qu'Ozon l'ose (n'applaudissez pas, c'est nullissime !).
1985, pour moi, c'est l'été des capotes, celui où l'on note, dans un milieu que je ne fréquentais pas vraiment pourtant, d'étranges absences, puis les premières crémations en catimini de garçons rentrés récemment des USA - et, tu sais, on était bourrés on a pas fait gaffe.
Que le sujet ne soit jamais abordé dans Été 85 a de quoi laisser pantois : on parlait déjà beaucoup du fléau, cette année-là, et pas seulement dans Match !
Mais Ozon a peut-être un problème, un vécu, une douleur, respectables avec cette maladie-là, lui dont le personnage principal du Temps qui reste (avec Melvil Poupaud et Valeria Bruni Tedeschi, déjà !) se meurt d'un cancer généralisé, et non du SIDA.
Et, peut-être, aussi, un déficit mémoriel de cette période qui a pour effet que rien ne sonne vraiment juste, en tout cas pour celles et ceux qui l'ont connue.
Il reste cependant, dans ces quelques instants de cinéma pas déshonorants, la scène où David caresse les fesses glabres d'Alexis.
Mais fait-ce (uh uh uh) un grand film ?
Pour moi, 84-85, c'était plutôt cette chanson.
Une homosexualité assumée, à cent lieues d'un Cure pour hétéros efféminés.
Me voilà prévenu mais j'avais déjà une prévention contre ce film et on dit que deux préventions valent mieux qu'une; Mais je m'efforcerai à une stricte impartialité entre moi et moi-même. Merci Silvano et bon mardi. Pourquoi n'y aurait-il que des "Bon dimanche". Je craque aussi pour le TShirt en brassière et pour le nez en trompette de l'éphèbe.
RépondreSupprimerC'est que je vous trouve un peu dur alors que je me trouvais déjà fort critique par rapport à mon entourage.
RépondreSupprimerJ'ai cru moi à une parodie de film de romance dramatique. Les scènes du sauvetage en mer, de la rencontre prof élève au restaurant (il pleut avec un grand soleil) sont... énormes !
Mais les acteurs m'ont au contraire convaincu. Au delà de son très joli minois, Alexis a la capacité de traduire sur son visage l'ascenseur émotionnel permanent des contrariétés de l'amour (en présence de Kate). Les mères sont caricaturales mais touchantes. Melvil Poupaud confirme une nouvelle fois que c'est un grand acteur.
La BO qu'on annonçait comme un fabuleux hommage à la période est en réalité réduite à la portion congrue et c'est aussi Bronski Beat que j'attendais, a minima.
Globalement un bon moment mais l'émotion n'a pas été là.
Eté 85 est un film beaucoup plus mystérieux qu’une vision superficielle pourrait le laisser penser. Il est plein de contradiction tant dans la forme que dans le fond. Ce film sombre a une fin optimiste et délivre un massage via une sentence: << Le plus important, c’est d’échapper à son histoire.>> qui offre bien des interprétations possibles; échapper aux contingences morales, à sa classe sociale, à son déterminisme sexuel…
RépondreSupprimerDans l’impossibilité de communiquer verbalement, avec qui? Alex échappe à son histoire en écrivant ce qui lui est arrivé comme le narrateur de « La recherche ». L’épreuve de son amour brisé aura fait accoucher l’écrivain qui était en lui. Mais si tout ce que l’on avait vu était une fiction inventé par Alex pour se réaliser en tant qu’écrivain et homosexuel. Cela expliquerait les personnages féminins caricaturaux à la limite du vraisemblable et de la misogynie. C'est je pense ce qu'a voulu faire François Ozon.
Vous vous trompez sur deux point, non hélas en 1985, en France tout du moins on avait absolument pas conscience du Sida. C'est réécrire l'Histoire que de dire cela. Dans son livre sur l'Histoire de la libération de l'homosexualité en France (à La découverte") l'a très bien démontré. Ce qui n'a pas plu lors de la sortie du livre (c'est un euphémisme).
Deuxième point où vous vous trompez, non François Ozon n'a pas "la carte" comme le dit Michel Ciment dans le milieu du cinéma français du moins ne l'avait car cela a changé depuis qu'il a réalisé "Grâce à dieu" un bon film mais qui lui aussi affiche des partis pris forts. On peut penser que "cette carte" a été obtenu pour des raisons douteuse mais Ozon n'y est pour rien. Le statut d'Ozon dans le cinéma français est un peu comparable à celui de Louis Malle, jadis.
Je précise que j'ai vécu l'année 1984. J'avais alors 34 ans. Mon petit ami d'alors est mort du Sida en 1990 et que pour des raison professionnelles j'ai rencontré François Ozon au début de sa carrière.
Bernard Alapetite
Je répondrai à ces commentaires, très intéressants, dès que possible techniquement.
RépondreSupprimerJe viens de voir le film en DVD, avec quelque appréhension, car je me rappelai la critique très argumentée de Silvano, lue sur ce blog à la sortie du film. J'ai ressenti la même déception quant à la reconstitution de cette année 85, qui est également l'année de mes 16 ans. Elle est à l'image d'une bande son bien pauvre, en tout cas pas à la hauteur de ce qu'on pouvait attendre. L'ensemble est assez pauvre, très film de télévision, on a du mal à croire que le film a coûté plus de 6 millions d'euros. Au final, aucune émotion, c'est bien cela qui pêche pour un tel film.
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