où vous avez
compris qui vous étiez ?
Longtemps fut occultée de ma mémoire la haute silhouette campée
fièrement sur ses jambes, devant le poste de police de la rue du Vardar à Rabat,
d’un jeune policier au corps élancé cultivé sans doute par une pratique sportive régulière.
Je
ne sais plus de quoi nous parlions en ces longues conversations d’après l’école ;
je sais qu’il écoutait, toujours attentif, le petit garçon ébloui par le
bel uniforme gris-vert et la casquette frappée de l’étoile chérifienne.
Un
sourire permanent adoucissait son beau visage brun aux traits réguliers, qu’ombraient
à peine quelques poils rétifs à la lame du rasoir. Je
ne pouvais m’expliquer alors le trouble, la sensation étrange qui m'habitaient quand
nous devisions sur ce bout de trottoir.
Je
sais qu’il me respectait, me traitait en grande personne, non parce que j’étais l’un de ces fils de
« français » qui coopéraient avec les marocains après l’indépendance,
mais parce qu’il savait exercer sur moi, peut-être, une fascination dont il
était fier.
Et
si c’était ce lieutenant magnifique qui me révéla à moi-même ?
J'y ai pensé, bien sûr, et retrouvé cette émotion, lors de la projection du film d'Almodovar Douleur et gloire : la fameuse scène où le petit garçon découvre la nudité triomphante de l'ouvrier auquel il apprend à lire et à écrire ne pouvait que réveiller ce souvenir enfoui.
" Un sourire permanent " voila qui nous changerait de tous ces anges graves qui de plus démentent la devise de Gaycultes : " La gravité est le plaisir des sots " .
RépondreSupprimerDe plus , à l'origine , gay signifie gai .
Joyeuse journée .
Vialatte, auteur de la devise de Gay Cultes a-t-il été inspiré par Montesquieu, qui a écrit "La gravité est le bouclier des imbéciles" ? Le sourire des anges n'a heureusement rien d'ironique.
RépondreSupprimerMontesquieu avait montré le mauvais exemple, se parodiant lui-même. Dans "Mes pensées", il écrit "La gravité est le bonheur des sots". J'ignore quelle citation est la première, car je n'ai pas trouvé la source de "La gravité est le bonheur des imbéciles."
RépondreSupprimerUn ami de mon frère a remarqué un emprunt sous la plume de Montherlant (lecture fort conseillée dans les années cinquante dans les collèges catholiques) et a lui a écrit à ce propos. Celui-ci s'est défendu en considérant que les grands hommes ne devaient pas s'arrêter à ce genre de vétilles.
On n'enverra pas d'ange à Montherlant. En revanche, Montesquieu mérite de nouveaux serviteurs. Vialatte n'est plus là pour se défendre.
Je suis curieux de lire la réaction de Silvano.
Cordialement.
Je ne vois pas, chers Pippo et "Anonyme" pourquoi vous faites référence à cette citation et ne commentez pas la teneur de ce billet.
RépondreSupprimerEn fait, c'est Jean-Pierre Marielle qui, dans une conversation, attribua cet aphorisme à Vialatte.
Et comme j'adorais et adore encore Marielle, je n'ai pas cherché davantage.
Sinon, vous souvenez-vous du jour où vous vint la révélation ?
Parce que, là est la question.
Il y a de quoi provoquer votre agacement, Silvano dans ces commentaires hors de propos. On le devine entre vos lignes rédigées avec la classe qui est la vôtre.
RépondreSupprimerJ'eus la révélation de mon identité sexuelle très tard. Je pense que je me la dissimulais à partir de l'adolescence : je vivais dans un milieu sportif très homophobe, où la promiscuité des vestiaires et des douches collectives étaient à chaque fois une souffrance, car certains de mes coéquipiers étaient très attirants. Je me suis marié il y a huit ans à contre coeur, et je me suis décidé l'an dernier à mettre un terme à tous ces faux-semblant. Séparation, réactions diverses dans ma propre famille, je vous épargne ce que j'ai pu entendre.
Vous écrivez un texte émouvant qui mérite d'être lu. Malheureusement, la tendance actuelle est au survol, et je salue votre courage de l'ignorer. C'est mon premier commentaire malgré mon assiduité à ce blog depuis très longtemps. Je me permets de vous saluer amicalement.
Luigi (en hommage à votre italianisme).
Je me suis juché sur les épaule d'uvdp, qui m'a fourni l'occasion de vous faire part de l'origine de la citation.
RépondreSupprimerLa révélation ? J'ai le souvenir d'une vive amitié entre rhétoriciens ; l'un d'eux avait cueilli une rose dans le jardin du collège et l'avait offerte à son ami qui l'a respirée ; nous, on rigolait.
Ma première émotion est venue de la beauté et de la finesse d'un étudiant de première candi en philo-lettres. Il a épousé une cousine musicologue et est devenu conseiller à la cour de cassation.
Bienvenue à Luigi.
Agacé, moi ? Jamais !
RépondreSupprimerUn peu, quand même, vous l'avez décelé.
Merci Luigi pour ce témoignage.
Bienvenue, et, surtout, revenez quand vous voulez !
JE VOUS envoie un peu de soleil dans l'eau froide car vous savez ce que c'est vivre dans la lumi7re, bonjour de MEKNES
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RépondreSupprimerL'image ci-dessus m'émeut et la scène évoquée du film d'Almodovar en fit autant. Comme S., je ne comprends pas bien les disgressions écrites en commentaire.
Ma révélation eut lieu vers 8-9 ans. Sur un site de baignade, je fus fasciné, ébranlé, par la vue d'un groupe de garçons de 15-18ans, en bikinis échancrés et gonflés par une puberté déployée. Les plongeons, sauts périlleux et cabrioles ajoutaient à mon envoûtement.
Ce fut comme une "annonciation". Depuis ce jour, c'est en slip que les garçons me plaisent le plus.
Et bien, Jacques, vous vous lâchez !
RépondreSupprimerDésormais, nous vous appellerons " Son Eminence ".
Anoustous, merci pour votre lumière.
Pippo : 'y a pas de mal.
Ah, ces rhétoriciens sensibles...
Bon, quand j'ai vu Crin Blanc,vers 1959...j'ai hésité. Le cheval était pas si mal non plus
RépondreSupprimerMerci pour vos billets de si bel esthétisme
En 1959 ?!
RépondreSupprimerCe n'est certainement pas notre Jules habituel.
Ah, Crin blanc, quel étalon !
Bonjour Silvano,
RépondreSupprimervoici quelques années que je regarde et lis le blog chaque matin. L'équipement ayant évolué, je me connecte sur le courriel reçu chaque nuit. Et la taille de l'écran et surtout du clavier qui favorise les coquilles les plus ridicules m'ont retenu de donner mes avis et réactions sur l'espace prévu.
La timidité de l'âge et le règlement du pensionnat m'ont interdit l'aveu à moi-même et à mon entourage de cet émoi et de la curiosité devant la beauté des garçons. Les voisins du dortoir puis les chambres individuelles ont permis les explorations des désirs puissants de l'adolescence.
Les interdits religieux, familiaux et sociaux ont fait le reste. J'ai attendu la majorité -- à 21 ans à cette époque -- pour commencer à m'avouer que le désir du même qui est aussi un autre avait droit de cité.
Merci d'avoir évoqué les badernes qui entouraient VGE et ses commettants.Des grands prédateurs nuisibles qui ont remis un étouffoir sur la société. On ne rendra jamais assez grâce aux gendegôches d'avoir fait bouger la société. On oublie les J-L. Bory de ces années qui osaient braver le regard des animateurs de TV des Dossiers de l'écran et les théorie de Docteur Amoroso qui étaient rameutés par la bien-pensance de l'ORTF;
Bref, je me sers de ce blog pour délier ma mémoire engourdie.
Cher Silvano, merci de votre blog... désolé de squatter ainsi votre espace d'expression.
Je donnerai un conseil de lecture demain ou plus tard.
Bien des amitiés à vos visiteurs et à vous
Merci, cher Silvano, de me rassurer. Mon dernier billet a attendu ; sa publication me fait plaisir. Votre dernière réaction également. Il est évident que j'aurais dû faire précéder mon premier commentaire de la mention "Hors sujet".
RépondreSupprimerJe confesse avoir emprunté les mots "juché sur les épaules" à Marcel Proust quand il raconte une colère jupitérienne de Charlus sur le narrateur qui lui dit ne pas avoir voulu l'offenser.
Silvano, vous vous moquez !!
RépondreSupprimerQue l'on m'excuse de n'avoir pas écrit correctement le mot digression.
C'est le mot "annonciation" qui vous permet de me qualifier d'un grade du clergé.
Après tout, si l'on substituait le mot "saint esprit" au mot "Eros" dans cette citation de Cavafy: C'est là qu'Eros s'était emparé de mon corps avec sa délicieuse vigueur. Alors, ce pourrait être une légende pour un tableau de Fra Angélico.
jacques : non, ce n'est pas le mot "annonciation", cherchez donc.
RépondreSupprimer:)
artener52 : merci pour votre témoignage. Pour les compliments aussi. Amitiés.
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RépondreSupprimerOui Silvano, mes neurones sont un peu engourdis. Je ne suis pas le seul dans ce fantasme, vu les commentaires après l'image récente des deux garçons en slip penchés sur leur téléphone.
J'ai beaucoup apprécié le texte de artener52. J'ai vécu un internat similaire; et c'est exprimé avec élégance.