Que d'appréhension en entrant dans la salle (idéale) du Max Linder !
J'ai vu un nombre incalculable de fois la version aux 10 Oscar de Wise/Robbins que je connais par cœur.
D'en faire une nouvelle version relevait de la gageure (prononcer "gajure", le saviez-vous ?) : Spielberg, qui, on le sait, n'est pas manchot, relève le gant avec une maestria confondante.
Certes, il faut vider son cerveau de ce qu'il a engrangé de souvenirs (récents, puisque j'ai montré il y a peu le film à un ami) et se laisser happer par ce maelstrom d'images, de sons et de musique ; pas n'importe quelle musique, mais celle du maestro Bernstein, dont on a gardé les orchestrations, plus vigoureuses que jamais sous la baguette, ici, du grand chef Gustavo Dudamel qui "revisite" à peine les arrangements primitifs, nous faisant découvrir des perles musicales insoupçonnées, dont, par exemple, la mise en valeur du vibraphone, un peu noyé dans la première version cinématographique.
Pour la chorégraphie, qui reprend les bases tracées par Robbins, Justin Peck muscle le jeu, ménageant des moments de grâce féline avant les scènes de violence : celle de la bagarre tragique est émaillée de coups à l'estomac du spectateur.
L'adaptation par Spielberg se rapproche davantage de la comédie musicale telle qu'elle fut créée en 1957 à Broadway : l'aspect Shakespearien du drame est, à mon sens, mieux mis en valeur dans la nouvelle mouture.
Ansel Elgort : je craque ! |
Rita Moreno, de retour dans le "west side" |
David Alvarez (Bernardo) prend la relève de George Chakiris, en parangon de virilité de nature à effacer la prestation de son prédécesseur, lequel, vous savez bien...
En outre, amis gaycultiens, on pourra s'émoustiller un tantinet de la composition des deux bandes rivales, où chacun fera son miel des physiques avantageux des protagonistes, où brillent quelques anges diaboliquement gay-addictifs.
La maîtrise "Spielberguienne" est patente, le grand cinéaste renonçant (quelle intelligence !) à singer les plus belles scènes de l'original : belle attitude toute d'humilité que de renoncer à en faire des tonnes lors de l'ouverture (le "road-show" des années 60 en 70MM), ou choisissant la sobriété pour la rencontre de Tony et Maria lors du bal (l'une de mes rares déceptions, quoique...). Un montage plus nerveux bien que sa version soit un peu plus longue (on trouve que c'est court, bravo !), un choix de lieux plus sombre font la différence avec le film de Wise.
Enfin, l'accent est mis sur le conflit interracial, qui entre en résonance hautement politique avec les préoccupations majeures de notre époque : l'Amérique trumpiste et les actuelles gesticulations franco-populistes vomitives de notre douce France en prennent plein la gueule.
Une réussite totale.
(...) quelques anges diaboliquement gay-addictifs... |
Au centre, Anita, incroyable Ariana DeBose ! |
David Alvarez (Bernardo), plus viril que Chakiris |
Me voilà rassuré. Belle et solide chronique. Merci Silvano. Je vais sans doute aller le voir. Pour ce qui est d'effacer le souvenir de l'effet dévastateur que le "bellâtre" Richard Beymer opéra sur le garçon de 13 ans que j'étais, je demande à voir d'autres preuves que les photos de son successeur ci-dessus. Pour ce qui est de faire oublier Natalie Wood, nous sommes d'accord, c'est impossible.
RépondreSupprimerLudovic : votre commentaire est désormais à sa place. Tapez le nom de l'acteur dans votre moteur de recherche et vous trouverez de nombreuses photos de ce garçon. Quoi qu'il en soit, je l'ai trouvé plus convaincant que son prédécesseur.
RépondreSupprimerAnsel Elgort : "Où diable l'a-t-on déniché ?" ... Eh oui !
RépondreSupprimerPour ceux qui ne sauraient plus s'en passer, allez voir "Baby Driver" où il crevait déjà l'écran, en 2017.
Bernard : dans un genre de cinéma bien différent, semble-t-il.
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Merci pour cette critique dont je partage grandement la teneur. J'ai adoré et je le relate sur mon site perso de fan absolu de Spielberg et donc partial ( https://www.drjones.fr ). Je n'ai pas votre talent d'écriture mais j'espère y faire ressentir le plaisir que j'ai éprouvé à la vision du film qui parviens à s'affranchir de la version de 61 et rester fidèle à la comédie musicale d'origine de Broadway.
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