Le promeneur du Palais Royal**
C'est, par temps chauds, l'une de mes évasions rituelles en solitaire. Au débouché de la station de métro, je m'installe un moment au Nemours, d'où l'on peut voir la façade de la Comédie Française. C'est un excellent poste d'observation : il y a toujours quelque beau gosse à manger des yeux, des touristes français que l'enseigne prestigieuse indiffère, des visiteurs étrangers qui photographient tout et n'importe quoi et, l'autre jour attablées, des jeunes femmes noires ultra maquillées et "lookées" qui s'instagramaient, en occupation essentielle du quotidien. Je passe ensuite le porche qui mène aux colonnes de Buren qui font la joie des enfants qui peuvent s'y percher à loisir tels des oiseaux, migrateurs en l'occurrence, tours de Babel. Un adolescent à la moustache naissante s'y posait vendredi. Son italianité ne faisait pour moi aucun doute. Quand il eut rejoint papa, maman et la petite sœur, la langue de Dante résonna à mes oreilles en bel canto, corroborant ma première impression. Je rejoins enfin les jardins, où il y a toujours un banc ou une chaise de métal vert pour m'accueillir. Je lis, ce jour-là, Qui je suis de Pasolini, où le poète, écrivain et cinéaste livre, entre autres, ses impressions sur son arrivée à Rome, avant que n'advienne la notoriété... et les emmerdes :
"Mais c'était l'Italie, l'Italie nue et fourmillante,
avec ses garçons, ses femmes,
ses "odeurs de jasmin et de pauvres soupes",
les couchers de soleil sur les champs de l'Aniène, les tas d'ordures,
et, pour ma part,
mes rêves intègres de poésie."
J'ai mon petit carnet de l'Oiseau Comète pour prendre des notes. Pour mon roman en gestation. Pour ce genre de chronique, aussi.
Lisant Pier Paolo, j'ai pris soudain conscience que les héros de Mon amant... sont nés la même année que lui. Jules, Claude et PPP seraient aujourd'hui centenaires. Sur mon carnet, je note ces pensées qui m'assaillent : Je lis, j'écris. Plutôt mal que bien, mais j'écris. Je suis musicien. Je réfléchis tout le temps, aussi. Pour beaucoup, je suis donc un intellectuel. Je suis destiné au bûcher.
Incorrigible
Il y a, rue de Beaujolais et alentours, un tournage de film en préparation. C'est un film "d'époque" *. Gardés par des vigiles paradoxalement aimables, des meubles, des tentures et des costumes qui fleurent bon leur siècle dix-huit. Une femme grassouillette m'aborde sans la moindre civilité (les civilités ne sont plus d'actualité) : "M'sieur, c'est quoi, ce truc ?". Je lui ai répondu que c'était pour une vente aux enchères qui aurait lieu le lendemain. Pas de merci, juste un "ah, ok !". Je narre l'anecdote à mon jeune ami P., lequel, travaillant dans le quartier, m'a rejoint pour une brève déambulation dans les jardins en retour vers la case départ. Je l'étonnerai toujours, me dit-il. Le garçon qui occupe mon cœur, celui qui est absent actuellement tout en étant présent en permanence, est friand de ces "sorties" dont je suis coutumier. Quand nous sortons tous deux dans Paris, nous nous lançons des défis, des "chiche !". Je suis souvent plus jeune que lui.
*On tourne à Paris ces jours-ci Benjamin Franklin (photo), avec Michael Douglas. Une netflixerie, je pense : les costumes et décors aperçus lors de ma dernière promenade semblent "raccord".
** Référence cinématographique. Vous l'avez ?
Nous aimions Pasolini, que grandeur
RépondreSupprimerC'est un très beau billet. Merci :-) des promenades parisiennes et des propos divers, c'est très agréable.
RépondreSupprimerLa veste de ce monsieur de la première photo est en harmonie avec le décor environnant. Quelle heureuse surprise pour le photographe...
RépondreSupprimerLe promeneur du Champ de Mars ? le Président Mitterrand
RépondreSupprimerMa culture cinématographique est beaucoup moins foisonnante que la vôtre, Silvano, pour autant j'ai reconnu la référence de ce dimanche sans aucune seconde d'hésitation.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup Robert Guédiguian, avec ou sans sa "tribu", en ou hors "l'Estaque"; et que dire de mon admiration pour Michel Bouquet.
Joël