Un baiser furtif et nous repartions... |
Les jeunes gens varient souvent, défaut ou qualité que l’on prête, en préjugé populaire (et masculin) aux femmes. Ainsi avais-je décidé – avec l’assentiment d’Émile, cette fois – qu’il fallait nous séparer en classe. Nous ne voulions éveiller le doute de nos condisciples sur la teneur de notre relation et pensions tous deux qu’une promiscuité de tous les instants nous porterait préjudice. « Je suis d’acc’ : de plus, on banderait tout le temps, on ne pourrait pas éviter de se toucher, ce serait une torture » avait approuvé l’ange pervers. Nous avions la ferme intention de recommencer, de nous découvrir davantage. La stricte observance que nous eûmes des consignes de Marcel plaidait en faveur d’un nouveau geste de sa part ; néanmoins, il ne fallait en abuser, d’autant que des mouvements inaccoutumés dans le petit immeuble seraient de nature à attiser la suspicion.
Nous nous étions tout juste accordés des rencontres dans un jardin
laissé en jachère, sur les hauteurs du faubourg, où proliféraient orties et herbes
mauvaises. Quand nous étions sûrs de n’être pas observés, après avoir
consciencieusement balayé les environs du regard, nous osions des frôlements de
nos intimités comme des gosses curieux des choses de la vie. Le summum du
contentement était de nous étancher mutuellement en scrutant les alentours, ce
qui avivait notre excitation, et de mélanger nos semences sur la pierraille. Un
baiser furtif et nous repartions chacun de notre côté. Ce pis-aller était
toutefois plus satisfaisant que les plaisirs nocturnes que je m’octroyais dans
ma chambre jusqu’alors. La seule différence, et non des moindres, était que Jules, dans ces
moments, était étranger à mon plaisir.
Au lycée, je faisais de jour en jour des progrès qui me valaient force compliments de mes professeurs et remplissaient d’aise l’oncle Octave. Mes parents, au risque de mettre à mal des finances maigrelettes, se faisaient un devoir d’envoyer un mandat chaque mois chez les Rochs. L’oncle avait eu beau dire que c’était hors de question, tant je fournissais un travail scolaire de bon niveau, ils s’obstinaient. Mon bien-aimé parent encaissait les mandats dont il mettait le montant de côté avec l’intention d’ouvrir à mon nom un livret à la caisse d’épargne de Rondelet.
Dans nos conversations susurrées, le soir, Magali avait pris l’habitude de m’appeler « Saint Claude ». Elle savait. Mais je m’étais gardé de lui conter mon aventure avec le jeune Boisselier. Bien qu’il fût de quelques semaines plus âgé, je veillais sur Émile, dont je savais qu’il était peu vigilant. Ce fut dramatiquement avéré quand, un lundi matin, il arriva au lycée le visage tuméfié.
Au lycée, je faisais de jour en jour des progrès qui me valaient force compliments de mes professeurs et remplissaient d’aise l’oncle Octave. Mes parents, au risque de mettre à mal des finances maigrelettes, se faisaient un devoir d’envoyer un mandat chaque mois chez les Rochs. L’oncle avait eu beau dire que c’était hors de question, tant je fournissais un travail scolaire de bon niveau, ils s’obstinaient. Mon bien-aimé parent encaissait les mandats dont il mettait le montant de côté avec l’intention d’ouvrir à mon nom un livret à la caisse d’épargne de Rondelet.
Dans nos conversations susurrées, le soir, Magali avait pris l’habitude de m’appeler « Saint Claude ». Elle savait. Mais je m’étais gardé de lui conter mon aventure avec le jeune Boisselier. Bien qu’il fût de quelques semaines plus âgé, je veillais sur Émile, dont je savais qu’il était peu vigilant. Ce fut dramatiquement avéré quand, un lundi matin, il arriva au lycée le visage tuméfié.
(À suivre)
© Louis Arjaillès - Gay Cultes 2022
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Silvano , transmettez ma compassion à Emile . De nos jours on dirait qu'il a été tabassé par des loubards de La Paillade .
RépondreSupprimerJe signale , aux incultes comme moi et pour nos amis étrangers , que "étancher" en argot , signifie dans ce contexte : "Faire jouir (un homme) sexuellement".
Pour moi, ce n'est nullement de l'argot. On peut étancher différentes sortes de soif.
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