(...) pour la plupart en tenue d’Adam... |
Montpellier, cité bourgeoise et étudiante, bruissait bon
an mal an de mille rumeurs fantaisistes ou avérées. La plus inouïe, de celles
que l’on eût accueillies d’un haussement d’épaules si elle n’avait concerné,
justement, l’élite qui faisait la gloire de la métropole languedocienne, se
révéla exacte quand éclata un scandale de nature à faire les choux gras de L’Éclair,
torchon de la droite la plus extrême, toujours disposé à pourfendre la moindre atteinte
aux bonnes mœurs. Au Colombier, nous avions eu vent de cette histoire quand
elle n’était pas encore justifiée, comme tant d’autres, lesquelles, un temps,
réchauffaient les gorges des commères avant de sombrer dans l’oubli.
Mais cette fois,
sous la fumée, il y avait du feu, que la feuille maurrassienne se fit un plaisir
d’attiser, jusqu’à provoquer un embrasement national. Jean Poirier, directeur
de la succursale locale des Dames de France, l’un des plus estimés commerçants
de la ville, marié, père de trois enfants, était au cœur du scandale.
Dans une
villa qu’il avait prise en location à Saint-Jean de Védas, il organisait des
soirées fines en compagnie d’autres messieurs, friands de chair fraîche. Il
approvisionnait ces ballets bleus en garçons recrutés parmi les étudiants, tous
mineurs, de première année des facultés, dont celle de pharmacie, qui fournissait
l’essentiel du contingent, faisant dire au potard Marcel « Je dois être
trop moche ! », ce qui était loin d’être vrai, « ou trop vieux »,
lui qui atteindrait la majorité en juin.
Il était remarquable que le petit
milieu des invertis montpelliérains ne fût en aucune manière concerné par l’affaire :
Poirier, n’étant nullement connu en ville pour ses inclinations, avait sans
doute jugé qu’il était plus discret de pêcher en eaux présumées moins troubles.
C’était sous-estimer la tendance au bavardage de certains petits vantards, trop
heureux d’exhiber les cadeaux reçus en remerciements de leur participation à
ces illicites festivités : montres, vêtements de prix, maroquinerie de
luxe et autres prébendes en papier-monnaie. Les recrues avaient pour mission de
faire part du filon à des camarades estimés sûrs. Pure folie ! Le tuyau
fut percé en peu de temps, un père de famille ayant découvert dans la chambre
de son fils le produit de la débauche. L’homme s’empressa d’alerter la police,
qui n’eut aucun mal à remonter à la source du pactole.
Les journaleux de L’Éclair
rivalisèrent de manchettes et d’articles de nature à offusquer le citoyen. Rien
ne fut occulté des découvertes de la police, qui était intervenue un samedi
soir pour établir le flagrant délit. Les scribouillards n’hésitèrent pas à
donner tous les détails de ce qu’avaient découvert les pandores, ne se privant
pas d’en rajouter. Ainsi put-on lire que le Champagne coulait en cascades sur
les participants que les policiers avaient trouvés pour la plupart en tenue d’Adam
et dans des postures sans équivoque. On allait même jusqu’à évoquer l’utilisation
d’objets divers, dont des pilons à aïoli en guise d’olisbos ! « Il est
vrai, se gaussa Marcel, qu’on ne trouve pas ce genre de marchandise dans le
grand magasin du sieur Poirier ! Soit dit en passant, il pourra rebaptiser
Les Dames de France en Au bonheur des hommes ! ».
Le Petit
Méridional, moins racoleur que son rival, mena une enquête sérieuse d’où il
ressortait que les amateurs de jeunes gens qui fréquentaient la « maison
du vice », telle qu’on la définissait à présent, faisaient tous partie de
la bonne société de la ville et de ses alentours. Certains noms furent donnés
en pâture à l’opinion, dont celui de Paul Maffre, jusqu’alors respectable chef
de service de la Préfecture et, bien sûr, de Poirier, aussitôt incarcéré. D’autres coupables surent user de leur entregent,
et, sans doute, de leurs moyens financiers pour que leurs patronymes n’apparaissent
point ou, mieux encore, pour n’être nullement inquiétés. Mon grand-oncle, par sa position, n’ignorait rien, et dut faire montre de fermeté à l’égard de
solliciteurs pris de panique.
Dans notre petit cercle, l’affaire résonnait tel
le tocsin. Nous devions redoubler de discrétion, prendre garde de tous côtés :
la police avait mené ses investigations jusque sur les bancs de l’université et
Marcel, comme nombre de ses camarades, fut soumis à des questions sur ses
éventuelles suspicions. Les "deuxième année", heureusement, furent rapidement
ignorés des enquêteurs. Notre ami ne laissait pas, cependant, d’être
surpris du mutisme de l’imprévisible Désiré Boisselier. La duplicité du frère d’Émile
devait nous réserver d’autres surprises.
À suivre
© Louis Arjaillès - Gay Cultes 2022-2023
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ὄλισβος : belle trouvaille !
RépondreSupprimeruvdp : il y en a plusieurs. Vous ne les avez pas trouvées ? Moi, si, et c'est jouissif ! Merci à nouveau, Silano !
RépondreSupprimerJoachim : uvdp parle sans doute de la carte postale.
RépondreSupprimerJoachim : oui j ai joui à l évocation du pilon qui me sert à faire le pistou l été pour la soupe
RépondreSupprimerSilvano : peuchère ces Dames de France de Montpellier ; si vous aviez vu celles de Marseille : un chef d oeuvre Art Déco de 1928 avec un ascenseur et son liftier ...