Willem Dafoe, une performance |
Las, on en restera sur sa faim : truffé d'idées inabouties (les scènes "fantasmées" avec Ninetto Davoli...), de digressions grotesques (ah, ces pipes sur les bords du Tibre !), Pasolini est émaillé cependant de quelques fulgurances qui en font une œuvre à part entière, quand, notamment, PPP lève le ragazzo ultime devant un bar jusqu'à l'aboutissement tragique. La maraude, tout d'abord, puis la balade jusqu'au lieu du supplice, où s'intercale une belle scène dans une trattoria, sont de vrais moments de cinéma. Sur le crime, Ferrara se fie (un peu trop) aux dépositions contradictoires de Pelosi, tente de trouver un compromis, et laisse le spectateur qui ignorerait tout de l'affaire dans l'incertitude. Traquenard politique - Pasolini disait en savoir long sur les commanditaires de l'assassinat d'Enrico Mattei* - ou meurtre homophobe, le cinéaste semble hésiter à épouser l'une ou l'autre thèse. Pour finir, le cinéaste nous donne à voir l'annonce du décès à la mère du poète : la scène, frisant le grotesque, gâche les moments de grâce qui l'ont précédée. On retiendra aussi de ce film imparfait mais utile la performance de Willem Dafoe, lequel, hélas, s'exprime en anglais, y compris quand il s'adresse à ses proches, quand il eût été simple de parfaire la post-synchronisation. On savoure, belle idée de distribution, le plaisir de retrouver un Ninetto Davoli toujours angélique et funambule malgré les années. Si Pasolini ne peut laisser indifférent, on en sort frustré, rêvant du film qui reste à faire sur la vie et la mort de saint Pier-Paolo, poète et martyr.
Pour connaître mieux Pier-Paolo Pasolini, on lira (si tant est qu'on puisse encore le trouver) les entretiens avec Jean Duflot (Belfond 1970) et le roman de Dominique Fernandez Dans la main de l'ange (Grasset)
Le ragazzo ultime |
... une belle scène dans une trattoria... |
* Enrico Mattei était un fonctionnaire, patron d'une société d'hydrocarbures, dont la mort, présentée
par les autorités comme résultant d'un accident, serait plus vraisemblablement d'origine criminelle.
La mafia, mais aussi la Démocratie Chrétienne au pouvoir, y seraient impliquées.
L'affaire Mattei a été le sujet d'un film de Francesco Rosi considéré comme un chef-d’œuvre, où la victime est incarnée par l'immense Gian Maria Volonte. Le film a connu un énorme succès lors de sa sortie en Italie en 1972.
Rachetée par la Paramount, cette œuvre reste, depuis la main-mise par cette major, invisible sur tous supports. Ce qui ne manque pas de questionner les cinéphiles du monde entier...
Rachetée par la Paramount, cette œuvre reste, depuis la main-mise par cette major, invisible sur tous supports. Ce qui ne manque pas de questionner les cinéphiles du monde entier...
Merci pour cette intéressante recension. Je n'ai pas encore vu le film, mais les derniers films de Ferrara étaient tous très confus, avec parfois quelques beaux moments, et il semble bien, d'après ce que vous nous dites, que ce soit également le cas de ce "Pasolini". L'abus de substances plus ou moins licites a peut-être fini par embrumer quelque peu le cerveau de Ferrara...
RépondreSupprimerSur "L'Affaire Mattei", le film passe assez souvent à la télévision en Italie ; je l'ai revu il y a quelques mois sur une des chaînes de la RAI ; toutefois, il est vrai qu'il n'est pas disponible en DVD (mais on le trouve assez facilement en téléchargement, même si évidemment cette pratique ne doit pas être encouragée !)
Oui, Emmanuel, c'est bien le cas ici : confus, et sans doute abscons pour qui découvre l'univers pasolinien.
RépondreSupprimerJ'étais au courant pour la possibilité de téléchargement, mais j'y suis opposé. Cela dit, faire la nique à Paramount peut être excitant !
Le film de Rosi est aussi visible intégralement sur YouTube, dans une version originale non sous-titrée.Voici le lien.
RépondreSupprimerMerci pour le lien Emmanuel F.
RépondreSupprimerJ'ai vu Pasolini. Il faut avoir les clés pour tout comprendre, ce qui n'est pas mon cas. Mais ça donne envie de s'informer. Antonin.
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