Apéritif à Lucca, Duomo (centre historique, donc) - 5 euros |
Chaque séjour au-delà des Alpes me réserve son lot de nouveautés, heureuses ou malheureuses. J'apprécie toujours autant le service italien dans les bars et restaurants, toujours aimable, attentif sans obséquiosité. La générosité qui veut qu'une boisson alcoolisée soit toujours accompagnée de comestibles, (en abondance, souvent) nous éloigne beaucoup de la coupelle de cacahuètes ou de chips servie (et pas toujours !) avec l'apéritif hexagonal.
Las, je l'ai noté ici maintes fois, force est de reconnaître que l'Italien est excessif dans le positif comme dans le négatif.
Ainsi, j'ai été sidéré de l'arrivée massive des tatouages sur les épidermes de nos voisin transalpins : ici, on ne fait pas dans le détail, certain(e)s ayant choisi d'être ainsi décorés de la tête au pied, par des motifs d'un goût souvent douteux.
Port d'Ischia après la pluie |
De même, la "connexion" permanente via les smartphone et les tablettes est devenue vice national.
Dans un restaurant sur le port d'Ischia, où il était si bon d'écouter le clapotis des vagues, d'admirer un coucher de soleil irisé d'après la pluie, un trio de jeunes s'installa à la table voisine : deux filles ultra "fashion" et un garçon sensible très (mal) "looké" à peine assis, se mirent en devoir de s'auto-portraiturer pour leurs "insta." respectifs en prenant des poses de top modèles, moues "kimkardashiées" à l'appui. Je les observai en scrutateur des mœurs du temps, sans laisser paraître mon effondrement. La séance dura environ une quinzaine de minutes, jusqu'à l'arrivée des pizze, lesquelles eurent droit également à leur immortalisation par "pic" véhiculée jusques aux foules d'adeptes en extase supposée.
Adepte de Mister Bean, je me mis en devoir d'exécuter une série de "selfies" très "moi aussi, na nanère !" me livrant à un medley de mes grimaces les plus immondes, pour le plus grand plaisir de mes voisins, hilares, et d'Amedeo, maître des lieux*.
Les trois stars ne levèrent pas les yeux sur ce show exceptionnel, et pour cause : chacune d'elle engloutissait machinalement sa pizza les yeux rivés sur son précieux petit rectangle magique.
Le comble me fut asséné deux jours plus tard chez Coquille (oui, avec un q), restaurant "à la mode", et qui le mérite : cuisine raffinée et décor somptueux sous les étoiles.
Une grande table me faisait face où avaient pris place des filles très "bimbo" néanmoins mères de familles avec leur progéniture.
Un môme de six-sept ans tournait autour de la table, portable en main, absorbé par les images diffusées sur son appareil, ou un jeu peut-être.
Mon regard se portait alors sur une poussette garée à droite, en bout de table, où un bébé de quelques mois faisait glisser son doigt avec dextérité sur une tablette !
Si, oui, parfaitement, tout à fait, absolument : je le prouve avec une photo de mauvaise qualité, certes, mais révélatrice !
Elle est pas géniale, cette époque ?
Pendant que maman consulte son écran, bébé, dans sa poussette en bas à droite... |
"fashion" = mode
"insta" = abréviation pour Instagram, réseau "social"
"pic" = abréviation de "picture", pour photographie
"kimkardashier" = (néologisme de mon cru) verbe du premier groupe : imiter en tous points la madone des réseaux, une dénommée Kim Kardashian (comme son nom l'indique).
* Par respect pour mes visiteurs et pour ne pas polluer ce blog hautement esthétique, je m'abstiens de diffuser ces photos, euh, redoutables.
N'aviez-vous pas pensé, cher Silvano, que si l'Italie votait si mal ces temps-ci, ce n'était pas forcément étranger à ce que vous observez avec un si noble dépit quant à la dégénérescence des mœurs affectant jusqu'aux plus jeunes. J'admire votre courage. Moi, heureusement, l'âge m'interdit de retourner sur les lieux de mes crimes et de mes amours.
RépondreSupprimerCher Ludovic, l'Italie vote mal depuis fort longtemps. Les périodes de lucidité sont à mettre entre parenthèses.
RépondreSupprimerLorsqu'on donne le biberon (ou le sein) à un enfant on le regarde, c'est instinctif. Il faut croire que cet instinct du fond des âges n'a pas résisté à l'envahissement par les écrans puisque les sages-femmes doivent désormais avertir les jeunes mères qu'allaiter son bébé tout en envoyant des messages avec son téléphone n'est pas du meilleur effet sur le développement psycho-cognitif de son enfant et l'établissement du lien entre le bébé et sa mère (sans parler du risque d'une fausse manœuvre). On pense avoir tout vu en matière d'asservissement à l'écran mais cette vision d'une mère qui snapchate tout en allaitant me parait le summum de l'abrutissement. Rassurons nous quand même, nombreux y échappent.
RépondreSupprimerPierre Sand
Pierre Sand, vous me donnez l'occasion de vous dire à quel point je suis votre blog "Adolescere" avec plaisirs, émotions, et sentiments de toutes sortes mêlés. Je suis flatté que vous m'ayez emprunté une photo, mais je crois que votre blog n'a pas besoin d'illustrations. Gardez-lui sa belle sobriété ; vos textes feront le reste.
RépondreSupprimerSuper bien écrit !
RépondreSupprimerJ'ai le même ressenti que vous. Je pense aussi qu'il y a de nombreux réfractaires
RépondreSupprimerLe Titan GAFAM s'est emparé de la technologie.
RépondreSupprimerRoger