vendredi 30 juin 2023
jeudi 29 juin 2023
La vie est ainsi faite
Chez mes nouveaux
voisins, des fanions
du PSG ont remplacé
la bibliothèque de leur
prédécesseur.
Lequel s'est installé dans
mon cœur, et m'offre des
livres et des fleurs.
mercredi 28 juin 2023
De Wilde à Brando, l'Hôtel
À "L'Hôtel", Oscar est omniprésent. |
Pour peu que votre budget le permette, vous pourrez y louer une chambre "Mignon" (ça ne s'invente pas !) et réserver la piscine-hammam pour un usage privé dont vous ferez ce que bon vous semblera.
C'est ici qu'en novembre 1900 mourut un Oscar Wilde esseulé, criblé de dettes, mis au ban de la société britannique à la suite d'un scandale demeuré fameux.
L'hôtel propose, d'ailleurs, un parcours dans les rues de la capitale intitulé Dans les pas d'Oscar Wilde qui se conclut par un déjeuner dans son restaurant étoilé (85 € par personne) : un joli cadeau pour les fêtes.
Marlon Brando et Christian Marquand : plus qu'une amitié |
La chaîne Arte diffusa, il y a quelques mois, un excellent documentaire, Marlon Brando, un acteur nommé désir, qui ne faisait pas l'impasse sur les amours masculines de la star.
La chambre d'Oscar Wilde, où séjourna le beau Brando, est demeurée en l'état : au mur, encadrées, les lettres de la direction à l'écrivain et auteur lui réclamant ses arriérés !
Un moment intime dans la piscine-hammam, à la lueur des chandelles ? |
Aujourd'hui en salles
mardi 27 juin 2023
lundi 26 juin 2023
Mon amant de Saint-Jean | Épisode 78 : L'ignorance tue
Il était peu probable que les villageois
aient lu le roman de Jean Giono Jean le bleu, dont Marcel Pagnol avait
écrit l’adaptation, qu’il tournait depuis le printemps au Castellet avec Raimu,
sous le titre La femme du boulanger. Était-ce la crainte de manquer de
pain, comme dans cette nouvelle dans laquelle le cocu cesse son activité, qui les incita à
assister, en si grand nombre, aux obsèques du jeune Clément ? Le bon sens
paysan leur avait-il chuchoté que l’évènement pouvait se produire ? Toujours
est-il que le ban et l’arrière-ban de Saint-Jean avaient formé un cortège qui s’étirait
de la mairie jusqu’au cimetière, au bas de la rue principale, dans un silence
que rompaient seulement le martèlement des sabots d’un vieux percheron fatigué
d’attendre, entre deux décès, de pouvoir reprendre du service, et le grincement
des roues du fourgon mortuaire dont on usait depuis la fin du siècle précédent.
Si leur Sainte Mère l'Église réprouvait le suicide et ne pouvait accueillir le
défunt entre ses murs, ses fidèles se mêlaient aux bouffeurs de curés dans le défilé
funèbre. Même l’abbé Duquesne en était, revêtu de sa soutane, en civil, en
somme.
Le sort avait voulu, avec cette ironie cruelle qui, souvent, l’inspire, que
la mise en terre de Clément ait lieu une semaine avant le mariage de ma sœur.
Les grandes vacances débutaient dix jours plus tard, mais, grâce à l’intervention
de mon grand-oncle et à mes excellents résultats scolaires, j’avais obtenu de
quitter Montpellier avec quelques jours d’avance et j’étais arrivé juste avant
cette procession surréaliste. Je me revois avec les miens, cheminant sous l’implacable
soleil d’un été tout neuf, ma mère et mon père sincèrement affligés, Madeleine
et son futur, celui-là même qui avait fait la macabre découverte, partagés entre la
douleur du jour et la perspective joyeuse des épousailles.
Jules nous devançait,
encadré par ses parents : mon bel ami, d’ordinaire si vigoureux, si
alerte, ployait sous le poids du chagrin. Le chêne semblait s’affaisser, pliait
à se rompre, vacillait sur sa base, agité par une bourrasque intérieure.
À Saint-Jean, il n’avait plus personne, hormis notre vieil Étienne qui fermait la
marche, arborant son éternel nœud-papillon à pois, claudiquant encore, des
suites de l’accident qui avait failli lui prendre la vie. On se souviendra que
c’est Clément qui l’avait trouvé, inerte, au bas des marches renégates de son
refuge et lui avait prodigué les premiers soins. Leur vieux complice allait
avec dignité, un vague sourire aux lèvres, qui paraissait vouloir faire barrage à
ce torrent de larmes dans lequel il pourrait se noyer sitôt l’intimité retrouvée.
Au cimetière, c’est notre instituteur, Monsieur Benoît, qui prit la parole. La
voix, tout d’abord doucereuse, s’enfla peu à peu. C'était une leçon aux hommes de
mauvaise volonté :
« C’est l’ignorance qui a tué notre Clément. La sienne, quand il a commis
une faute dont il n’a pas mesuré les conséquences ; et la nôtre, surtout. Il
y a quelque temps, je me suis plongé dans mes livres jusqu’à la réponse aux
questions que je me posais sur l’affection dont souffrait ce garçon : qu’était
cette lèpre, cette peau de serpent qui en faisait une sorte de renégat, celui que l'on évitait, qui s’excluait lui-même de notre petite et misérable société ? Cette maladie qui couvrait son épiderme de cette sorte de croûtes dont le nom
savant est squames, s’appelle le psoriasis. Elle atteint un grand nombre de
personnes, de petite condition ou illustres, couvre, selon les cas, une plus ou
moins grande partie de leur corps. Elle peut, ou non, occasionner des démangeaisons,
et nuit gravement à la santé morale de ceux qu’elle affecte. On pense qu’elle n’est
pas héréditaire. Dans tous les cas, elle n’est pas contagieuse. Pas
contagieuse, répéta-t-il en articulant chaque syllabe. S’il a été un gentil
cancre, que je regardais sans égards du haut de mon estrade, ce dont je prie
ses parents de m’excuser, car je me suis beaucoup reproché mon attitude pitoyablement
condescendante, Clément, ces derniers temps, m’avait étonné, enfin curieux,
intéressé quand je parlais des grands auteurs, des savants qui, au fil du
temps, actionnent le moteur du progrès. J’assistais à un prodige qui m’émerveillait.
Monsieur l’abbé, je ne suis qu’un mécréant, et je sais que vous verrez là
quelque miracle divin. Je pense plus simplement que le petit Chaumard a su
écouter et observer les meilleurs d’entre mes élèves, que des conversations
avec les deux seuls qui ne l’ont pas traité en paria, l’ont galvanisé. Je
projetai de le présenter au certificat d’études, lui qui, tant de fois, aurait
mérité de revêtir le bonnet d’âne. Monsieur l’abbé, votre église excommunie les
suicidés. En d’autres temps, on refusait l’extrême onction aux comédiens, on
les enterrait la nuit, comme le grand Molière. Aujourd’hui, votre présence est un signe encourageant. De
la mort que Clément s’est donnée, nous pouvons tous, ici présents, nous sentir
fautifs. Vous devez, nous devons, réfléchir avant de réprouver. Plus jamais
nous ne condamnerons les êtres différents de nous. Adieu Clément. Au nom de
tous, je te demande pardon. »
Le cercueil fabriqué par Goupil père, que les Chaumard avaient voulu blanc, pareil à celui des petits
enfants, glissa dans la tombe. L’une des deux cordes destinées à l’opération
était-elle celle qui l’avait tué ?
Jules s’était redressé pendant le discours du maître. Il me regarda et
je vis qu’il m’adressait un clin d’œil qui ne m’étonna guère, malgré les
circonstances.
Il s’approcha de moi, et me souffla : « Tes parents m’ont invité au
mariage. Je t’aime. »
Non loin de nous, l’instituteur était en vive
conversation avec son père.
(À suivre)
© Louis Arjaillès - Gay Cultes 2022-2023
Épisodes précédents : cliquer
Si vous êtes perdu(e) : clic
NB : Un regain d'activité professionnelle ne me permettra pas d'écrire la suite avant le lundi 10 juillet.
dimanche 25 juin 2023
samedi 24 juin 2023
Les raboteurs de parquet en chair et en os
Gloire du passé
Serge Lifar dans Le ballet de Boris Kochno |
Le ballet en France du quinzième siècle à nos jours, véritable somme de 378 pages, fut édité en 1954 par Hachette.
En frontispice, une lithographie originale de Pablo Picasso.
On trouve encore l'ouvrage à un prix peu accessible (de 300 à 1000 € selon l'état) ; dans les premiers prix, il faut s'assurer que la litho de Picasso n'a pas été retirée.
Pour un amateur plus argenté que je ne le suis, on en trouve un exemplaire ici : clic
vendredi 23 juin 2023
Quand Karol Szymanowski photographiait son cousin
Karol Szymanowski, un gay de génie
Karol Szymanowski à 15 ans - Bibliothèque universitaire de Varsovie |
C'est au cours de ses voyages en Sicile et en Algérie qu'il découvre son homosexualité. Rentré en Europe après cette révélation, il tombe amoureux de Boris Kochno qui devient son amant avant de collaborer (et plus encore) avec Serge Diaghilev.
Szymanovski ne fera jamais mystère de ses inclinations, dédiant à son cher Boris tout un chapitre de son roman Efebos, chapitre intitulé Symposion.
Suite à un incendie, le roman a été détruit ; seul le chapitre concernant Kochno (auquel il dédia deux poèmes en français : a été sauvé.
Pour écrire son roman, Szymanoski s'éloigne de la composition pendant deux ans, de 1917 à 1919.
Boris Kochno à l'époque de sa liaison avec Szymanowski, qui lui dédia 3 poèmes en Français : Ganymède, Baedecker, Vagabond et N'importe où |
Né en Ukraine, mais de nationalité polonaise, c'est à Lausanne que, tuberculeux depuis l'enfance, ce grand musicien (de grands critiques et musicologues le tiennent pour un génie méconnu !) s'éteint en 1936.
Malgré son homosexualité assumée, Karol Szymanovski eut droit, de son vivant, à la reconnaissance de ses pairs et de son pays, où lui fut décernée, à titre posthume, la Grand Croix de l'ordre Polonia Restituta, l'équivalent de notre Grand Croix de la Légion d'Honneur.
Pour l'anecdote, il avait prévu de placer son cœur près de celui de Chopin en l'église Sainte Croix, mais le cœur fut brûlé lors de l'insurrection de Varsovie en 1944.
et un peu plus tard. |
Diverses sources pour ce billet, dont l'important travail de Colin de la Motte-Sherman pour Erato.
Les erreurs éventuelles seraient dues à ma piètre maîtrise de la langue anglo-saxonne.
J'ai fait appel à mes souvenirs scolaires pour traduire les textes en langue germanique.
Pour l'italien, ce fut plus facile.
La notice de Wikipédia ne contient pas d'erreurs flagrantes, semble-t-il.
C'est ici : clic
Silvano
Voici un Prélude, le n°2 de l'opus 1, interprété par le grand Krystian Zimerman. Cette œuvre de jeunesse tient d'un romantisme très fin de siècle. Par la suite, sa production sera nettement plus "moderne".
jeudi 22 juin 2023
mercredi 21 juin 2023
La voix de son maître
Si le retour du phonographe se fait encore attendre, on constate, en revanche, celui des platines pour disques vinyle ; elles séduisent de plus en plus. À preuve : ces derniers mois, les ventes ont explosé.
Bien qu'ouvert aux nouvelles technologies, j'ai conservé ma bonne vieille Thorens et l'utilise fréquemment.
Les plus âgés d'entre vous ont connu les tourne-disques Teppaz qui firent florès dans les surprise-parties de nos aînés des années soixante :
Electrophone Teppaz |
(...) j'ai conservé ma bonne vieille Thorens |
mardi 20 juin 2023
lundi 19 juin 2023
Mon amant de Saint-Jean | Épisode 77 : Le goût amer des chaussons aux pommes
C’était une lettre de quatre pages, rédigées d’une écriture serrée, comme
est inscrite l’indication « stretto » dans une partition de musique. Ainsi en est-il de ce passage d’un prélude de Chopin que j’avais écouté, retransmis
par le pavillon du phonographe, haletant, suffoquant, à vous briser le cœur.
J’ai posé les feuillets. Une sourde angoisse infusant tout mon être, j’appréhendais
la lecture des derniers paragraphes. Je pressentais la suite, tentant de
conjurer la funeste, l’impensable prémonition. Ce ne pouvait être.
Et ce fut,
pourtant, lorsque mes yeux parcoururent les phrases écrites à l’encre bleue que
des larmes avaient lessivée, presque. Le cinquième jour après l’entrevue, la
mère, à grands renforts de hurlements de bête blessée, avait réussi, non sans
mal, à rassembler la population de Saint-Jean. Tous étaient de cette partie de
chasse à l’enfant, le Maire, le curé, le pasteur, les paysans, et même -ils en étaient tous stupéfaits- ce vieux cinglé de Jacob, dont nul ne savait qu’il
était pour le fugitif un mentor, un maître, qu’il était l’hôte compatissant, l’homme
de la maison des Aspres où « peau de serpent » se lovait, tel un chat,
quand les petites haines du quotidien l’avaient accablé, une fois de plus jusqu’à
la fois de trop, inéluctable.
La petite troupe, conduite par le garde - on appelait ainsi le garde-champêtre - avait battu et
rebattu les chemins de traverse, les champs et les vignes, le bois de pins,
là-haut, où l’on savait qu’en été l’adolescent avait délimité une illusoire contrée
où ne régnaient que bienveillance et tolérance, où les arbres, généreux, se
penchaient pour écouter sa lancinante plainte, où, allongé sur la mousse, à
leurs pieds, il jouait entre ses doigts avec la lumière, où l’oiseau de passage
lui chantait un joyeux refrain pour qu’enfin, il sourie.
Oh, Chaumard Clément n’était pas de
ceux que la méchanceté anime. S’il était victime des vilénies infligées par des
humains qui n’en avaient que le nom, il était la bonté faite homme. C’est par
bonté, sans mesurer les effets de son larcin, qu’il avait agi, pensant
préserver notre amour.
Les recherches, jusqu’aux eaux de la Dourbie,
apaisées en cette saison, ne donnèrent aucun résultat. Et l'on renonça.
Le sixième jour, Jean-Paul Raynal, le promis de ma sœur Madeleine, reprit son
travail d’homme-à-tout-faire de la municipalité. Remontant le chemin où Delmas,
chaque jour que qui l’on veut fait – le diable, parfois – menait son troupeau, il vit que la porte
de la remise dans laquelle on gare le corbillard du village était à demi ouverte. Comme
il était de son devoir, il voulut s’assurer que rien d’anormal ne s’était
produit. C’est lui qui découvrit l’inimaginable : Clément Chaumard était
là. Il était monté sur le fourgon mortuaire, avait enroulé autour d’une poutre l’une
des cordes dont se sert le fossoyeur pour descendre les cercueils et s’était
pendu avec méthode, certain de ne pas être dérangé en ce lieu où personne ne vient
à s’aventurer, quand tous, au village, vivent de leur belle vie.
Mon atroce pressentiment se confirmait. Je m’assis sur le petit lit où je me
recroquevillai, incapable de pleurer, de penser, d’être. Les sanglots ne
vinrent que plus tard, soudain irrépressibles, convulsifs. Magali, jaillissant
de la chambre voisine, ne put m’approcher. J’aurais frappé violemment quiconque
aurait voulu s’apitoyer, tenté de partager ma douleur. Je haïssais la
compassion, je me haïssais, je haïssais Jules et tout l’amour du monde.
(À suivre)
© Louis Arjaillès - Gay Cultes 2022-2023
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