Comme pour beaucoup d'entre nous, "Les amitiés particulières" ont accompagné mes premiers émois, lu à 15 ans à la lueur d'un lampe-torche sous les draps de mon lit d'adolescent.
J'y eus la révélation que l'amour entre garçons n'était pas "mon" exception ; cela me rassura.
Rien que pour ça je voue une reconnaissance éternelle à son auteur.
Par la suite, je lus à peu près tous ses ouvrages où jamais je ne retrouvai la grâce, l'émotion, qui nimbent ce premier roman.
"L'exilé de Capri" (biographie romancée) mis à part, qui me passionna, contant l'itinéraire d'un vrai "sulfureux", j'allai de déconvenues en déconvenues ; bien sûr, les pseudo-révélations de "Propos secrets" ou de "Des français" m'émoustillèrent quelque peu, en nouvelle confirmation que "nous" étions bien plus nombreux que je ne le pensais.
Je finis cependant par me lasser (comme son lectorat, si j'ai bien lu Deléry) de ce qui se voulait "brûlots" mais n'était en somme que ragots et petites vengeances mesquines d'un vieil écrivain aigri, bon "client" de la télévision de l'époque quand elle voulait aborder le "douloureux problème" (sic) de l'homosexualité dans quelque "Dossier de l'écran" que je regardais, si jeune encore, avec ma mère qui y apprenait que "cette chose" existait, oui !
Le problème était que l'objet des attentions de Roger Peyreffite était le jeune garçon à peine pubère.
Déjà, je ressentais que ces inclinations-là pouvaient prêter le flanc à toutes sortes d'amalgames.
A cette époque, où l'enfant n'était pas "roi", ce qu'il faut bien appeler la pédophilie -le mot "pédéraste" étant par trop vague et... pratique- n'était pas encore le sujet hautement réprouvé, et à juste titre, qu'il est devenu de nos jours (je ne parle évidemment pas des crimes afférents).
L'amour entre deux garçons d'âges voisins des "Amitiés" n'est en rien comparable à celui de "L'enfant de chœur" qui, lui, oui M.Deléry, justifie le titre de votre biographie.
Le lisant à l'époque, j'en ressentis un véritable gêne.
Peyrefitte, en fin de carrière, subit la foudre des critiques, y compris de ceux qui l'avaient jusqu'alors soutenu.
Nous contant la vie d'un personnage douteux comme "Manouche" (quel intérêt ?) ou tombant dans la pornographie avec "Roy" (ah, la machine à sodomiser !), l'écrivain brillant des "Amitiés particulières" ne devenait que l'ombre de lui-même en commère libidineuse si réactionnaire que c'en était pitié.
Fricotant avec l'extrême-droite comme le cinéaste Claude Autant-Lara, il put encore compter sur quelque bienveillance de la part d'une certaine presse, du "Crapouillot" à "Minute", soutiens habituels de cette tendance (très marginale alors) de l'échiquier politique.
Le doute semble tenailler l'auteur de "Roger Peyrefitte le sulfureux" : ne voulant jamais tomber dans l'hagiographie - on lui en sait gré-, il éprouve cependant une certaine tendresse pour le personnage qu'il a peut-être connu (ce n'est pas dit ou j'ai mal lu).
Le problème vient du fait que Peyrefitte s'est beaucoup raconté dans ses romans et essais : si, comme moi, on les a lus en leur temps, on n'apprend rien de nouveau sur cette personnalité.
Sans doute Deléry veut-il faire œuvre de réhabilitation d'un écrivain que seul "Les Amitiés particulières" peut, à mon sens, sauver de l'oubli total.
Son ouvrage, fort bien écrit au demeurant, pourra intéresser les jeunes générations désireuses d'appréhender une certaine part de l'histoire de l'homosexualité, celle du siècle précédent en particulier.
De là à les passionner...
Silvano/Gay Cultes
Roger Peyrefitte Le sulfureux
H&O éditeur
2 commentaires:
Les Amitiés particulières restent un moment de notre histoire. Roger Peyrefitte restera également pour sa biographie d' Alexandre le grand. La postérité a déjà fait un premier tri. Les jeunes générations devront l'approcher avec la distance nécessaire.
@Roland : "La postérité a déjà fait un premier tri. Les jeunes générations devront l'approcher avec la distance "
C'est très juste.
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