Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.
"La gravité est le plaisir des sots"
vendredi 27 mai 2022
jeudi 26 mai 2022
Nouvel Elvis
Posant pour les photographes, à Cannes,
l'acteur Austin Butler incarne Elvis Presley
dans Elvis, de Baz Luhrmann.
Charmant, non ?
Homophobie ordinaire
Quatre ados de seize ou dix-sept ans dans le métro.
L'un d'eux leur montre sur son "smartphone" une photo peu ragoutante d'une victime de la "variole du singe", cette affection nouvellement arrivée en France.
L'un d'eux, alors :
- Beurk ! D'façon, c'est pour les gays, euh j'veux dire, les homosexuels (trop "sympa", gays ?), c'est pas pour nous, on est pas du même bord, on s'en fout.
mercredi 25 mai 2022
mardi 24 mai 2022
lundi 23 mai 2022
"Mon amant de Saint-Jean" | Chapitre II | Épisode 12 : Nous sommes des roses
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" Nous, nous sommes des roses. " |
Septembre 1937
Claude Bertrand (le narrateur) vient d'arriver à Montpellier. Il a quitté Saint-Jean, son village de l'Aveyron, pour la grande ville, où, accueilli chez son grand-oncle Octave, il va suivre des études que ses capacités lui permettent d'envisager comme brillantes. Pour fêter son arrivée, un dîner est organisé chez son parent. Un couple d'amis de la famille a été invité avec son fils qui n'est autre que Marcel, l'un des deux jeunes hommes que Claude avait surpris s'étreignant fougueusement au début de l'été, chez Étienne Jacob, un universitaire retraité qui abrite chez lui des amours que la majorité de ses concitoyens réprouverait. À Saint-Jean, le jeune Claude a dû se séparer de son amant Jean Goupil, contraint de travailler dans la menuiserie de son père qui souhaite en faire son successeur, rejetant le projet d'études de son fils.
Pour l'heure, Claude vient de découvrir Montpellier et la grande maison de ville où il sera hébergé. L'accueil qui lui a été réservé est des plus cordiaux, l'arrivée de Marcel Fabre venant de raviver son enthousiasme.
Ne dites jamais à une Sétoise que la bourride (1) est « une sorte de
bouillabaisse » comme je le fis imprudemment sous le regard courroucé de
Mélanie pendant que les autres convives riaient sous cape. J’étais très impressionné par
la grande table ovale autour de laquelle nous avions pris place. Les coupes
en cristal qui scintillaient sous le lustre à pampilles et les jolies fleurs des
champs que ma grand-tante avait disposées sur la belle nappe passementée de fils d'or me firent penser à cette nature
morte d’un peintre ancien que j’avais admirée dans un livre d’art chez Étienne Jacob.
Je m’étais tenu du mieux que je pouvais, mon convive en vis-à-vis m’adressant
force clins d’œil à la dérobée. Tout au long de ce souper, Marcel avait su
détendre mon atmosphère. Il avait ressenti à quel point le trac s’était emparé
de moi. Magali n’était pas en reste ; elle pépiait aimablement, m'interrogeant sur mes centres d’intérêt, la littérature, le cinéma, la musique. Pour ce qui relevait de ses propres goûts, elle évoqua notamment une chanteuse nommée Marianne Oswald, dont la chanson La chasse aux enfants lui donnait des frissons. Je ne connaissais pas cette artiste ; le
phonographe d’Étienne Jacob nous avait habitués aux chansons folles de Charles
Trénet, aux roucoulades d’Yvonne Printemps, pleurant parfois avec la môme Piaf,
révélation de l’année, qui chantait Mon légionnaire. Jeannot disait
que sa version était plus moderne que celle de Marie Dubas et que la cire du phonogramme allait fondre de douleur, tant
la voix de la chanteuse était déchirante.
La soirée prit bonne tournure ; le
jeune trio de la table s’animait crescendo, nos rires fusaient, avec une
retenue polie, toutefois ; la curiosité de l’autre allait croissant. Il
faut dire que la Suze et le Picpoul – Marcel disait drôlement picpouille – participaient
à l’euphorie ambiante. Ma grand-tante et ma cousine sétoise – elle avait
fièrement revendiqué ses origines en servant le plat principal – se bornaient,
elles, à s’amuser de la conversation des enfants. Pour de nombreuses femmes,
maternelles par essence, dès lors qu’on n’a pas atteint une bonne trentaine,
nous sommes des enfants ; pis, mais de nature à m’inonder de tendresse, ma
propre mère nous désignait, ma sœur et moi, comme étant « les
enfants » quand nous abordions la cinquantaine.
Quant aux deux hommes de cette petite
assemblée, ils conversaient entre adultes dignes de ce nom : d'affaires
(Fabre était un client d’Octave, dont j’appris qu’il possédait des vignes à Saint-Drézéry), et
de politique. Mon grand-oncle, du parti radical (mon père disait « les radsoc » et plus "social-traîtres" depuis 36),
était donc partie prenante du Front Populaire. Entre deux phrases, il se tourna
en ma direction et m’asticota : « Et ton père, toujours aussi
rouge ? », me le mettant aux joues. Marcel se pencha vers moi et me
glissa, gloussant, « Nous, nous sommes des roses, hein ! ».
Magali faisait mine de n’avoir rien entendu, mais je supposais qu’elle
connaissait suffisamment le jeune Fabre pour se livrer à des supputations sur
mon propre compte, ce qui me contraria. C’était par bonheur la seule allusion
qu’il se permit au sujet de ce qui reliait nos intimités. Je tâchai de me
convaincre que le sous-entendu avait échappé à ma cousine. Magali m’observait
de ses noires prunelles depuis que nous avions pris place autour de la nappe
blanche où scintillaient des couverts en argent semblables à ceux de la
ménagère que ma mère ne sortait d’une commode qu’aux grandes occasions. Elle
avait souri quand j’avais demandé à voix basse des explications à Marcel :
pourquoi ces deux verres et ces couverts de tailles différentes ? Marcel
prenait au sérieux le rôle de mentor que lui avait attribué d’emblée mon
grand-oncle.
Avant que cette bonne compagnie ne se quitte, il me donna rendez-vous pour le
lendemain à dix heures devant le grand théâtre. Nous allions pouvoir converser
en totale liberté.
Dans ma chambrette, j’eus à peine le temps de mettre de l’ordre dans le
bouillonnement de mes pensées qu’un sommeil salvateur m’entraîna dans ses
abysses. Le premier dimanche de ma nouvelle vie s’annonçait
prometteur.
(À suivre)
© Louis Arjaillès - Gay Cultes 2022
(1) La bourride de lotte (ou baudroie) se prépare avec les ingrédients suivants : aioli blanc de poireau, carottes, croûtons, échalotes, fenouil, fumet de poisson, lotte, safran et vin blanc.
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Bourride à la sétoise |
dimanche 22 mai 2022
Duo immortel pour deux (vrais) génies
Et puis, Gulda + Fournier, quel tandem !
samedi 21 mai 2022
"La femme de Tchaïkovski" à Cannes
J'ai maintes fois évoqué ici (donnez-vous la peine de chercher) le "cas Tchaïkovski" dont l'orientation sexuelle est tabou en Russie, quel que soit le régime politique en vigueur (vigueur est un euphémisme).
J'avais également rédigé des billets sur le film quelque peu grandiloquent de Ken Russel La symphonie pathétique (Music Lovers) qui, finalement, reste tout à fait regardable de nos jours, même si le cinéaste prend des libertés (inhérentes à son style) avec l'Histoire. Et puis, Richard Chamberlain, dans le rôle du compositeur, était d'une beauté renversante.
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Le couple Tchaïkovski. Mariage de raison. |
Pour son quatrième film sélectionné à Cannes et après plusieurs années d'interdiction de sortie du territoire, c’est un Kirill Serebrennikov libre qui se retrouve sur la Croisette pour la projection de son film La Femme de Tchaïkovski, où il saisit toute la "rhétorique homophobe russe".
Dans le film de Russel, Antonina Miliukova, l'épouse du compositeur, lequel est dans l'incapacité de consommer le mariage (la scène dans le wagon-lit est explicite), va finir ses jours dans un asile d'aliénés.
Je ne sais pas ce qu'il en est dans le film de Sebrennikov dont la date de sortie en France n'est pas encore connue.
Je suis à mon poste de vigie.
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La femme de Tchaïkovski de Sebrennikov |
En guise de synopsis :
Russie, 19ᵉ siècle. Antonina Miliukova, jeune femme aisée et brillante, épouse le compositeur Piotr Tchaïkovski. Mais l’amour qu’elle lui porte tourne à l’obsession et la jeune femme est violemment rejetée. Consumée par ses sentiments, Antonina accepte de tout endurer pour rester auprès de lui.
Les critiques, sans être dithyrambiques, ont réservé un très bon accueil au film de Sebrennikov.
Le Monde avertit que "La Femme de Tchaïkovski n’est pas davantage un plaidoyer féministe qu’un biopic mélomane."
Ci-après la bande-annonce (sous-titres anglais) :