Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


lundi 5 septembre 2016

Du Marais parisien à la "rue gay" de Rome, 'y a pas photo !

Je fais de rares incursions dans le Marais, si ce n'est pour dénicher un livre rare aux "Mots à la bouche" (où l'on peut acheter Tombe, Victor !, le saviez-vous ?). Ma dernière visite remonte à ce jour d'août où, en compagnie d'un ami, je pris place à la terrasse (agréable pour la contemplation de la faune) des Marronniers qui, tout allant à vau-l'eau ma bonne dame, ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes : le service y est d'une rare désinvolture, à la limite de la goujaterie. Ce jour-là, on m'y rendit la monnaie de mes 50 euros en petites pièces et, de plus, avec une erreur de 10 euros en ma défaveur ! Il fallut protester auprès de celui qui semblait être le "chef" pour que notre serveur nous jette, sans un regard, la somme manquante ! Je dus à une serveuse compatissante de pouvoir changer mon stock de piécettes contre un billet de vingt.
Je m'interrogeai : peut-être ne correspondais-je pas au "dress code" de l'établissement. Je mets pourtant un point d'honneur à soigner ma mise lorsque je sors en ville. L'absence de barbe "hipster" de rigueur, peut-être ? L'âge ?
Un ami décrétait l'autre soir que "le Marais, c'est fini !", qui me disait également que les rassemblements à l'extérieur des établissements étaient toujours d'actualité, même si l'actualité, précisément, n'encourage guère ce mode de vie. Notre "population" n'est-elle pas une cible privilégiée des terroristes ? Si vous fréquentez ces lieux, éclairez-moi sur ce point pour le moins effrayant.
Quelques jours plus tard, à Rome, malgré la réticence initiale de mon compagnon de voyage aussi fan des lieux dédiés que je peux l'être, nous avons passé une soirée sur le petit lopin d'asphalte, derrière le Colosseo (Colisée), où se retrouvent les garçons sensibles : deux ou trois bars avec terrasses, et basta !
Au Coming Out, le premier bar en arrivant dans la rue San Giovanni in Laterano, j'avais déjà été surpris, au cours de précédents séjours, de la gentillesse du personnel : ici, on est loin du jeunisme méprisant qui sévit dans notre capitale à nous ; le mélange y est permanent, de couples hétéro, de garçons-fleurs parfois un peu défraîchis, ou quelquefois de premier choix, d'hommes plus âgés aux cœurs de jouvenceaux (je ne cite personne), de "trans" plus ou moins "réussis" que personne, apparemment, ne vient jauger d'un regard condescendant. De même, ici, nulle attitude soupçonneuse quand, comme c'était le cas, s'attablent un garçon encore tout jeune (lui) et un monsieur d'âge mûr (moi).
À la table voisine, une assemblée hétérogène (américains, hollandais, italiens, allemands, chilien... de Toulouse, si !) distille, outre moult breuvages plus ou moins alcoolisés, une joyeuse ambiance. Un américain volubile qui n'est pas insensible au charme de mon compagnon, a vite fait d'opérer un rapprochement, et nos tables font de même : conversation un peu chaotique où les langages se télescopent, l'un traduisant pour l'autre. Mais l'humour et la gaité ont raison rapidement des barrières linguistiques, et nous voilà plaisantant, entonnant des chansons, trinquant de grappa et d'amaretto, riant à gorges déployées, nous aimant le temps d'une chaude soirée d'été.
Le retour pédestre à notre hôtel, à une heure avancée de la nuit, est périlleux pour votre serviteur qui n'avait pris pareille "cuite" depuis des lustres.
Aucun regret : me reste pour longtemps le souvenir de George, le cinéaste gitan, de Marteen le Hollandais, du trio teuton, du jeune chilien en veston - avec cette chaleur ! -  et nœud-papillon ("vous comprenez, j'étais au concert !"), de La vie en rose chantée à tue-tête ("Non, George, ce n'est pas Grace Jones qui l'a créée, c'est Edith Piaf !"), et du serveur (trop) tatoué gagné par l'euphorie de notre petit groupe.
Attention : au Coming Out, on n'est pas chiche sur la grappa !

Photos du site Coming Out

En 2010, je racontais une soirée dans ce même lieu, où j'avais fait une rencontre émouvante.
Vous pouvez relire ce billet (Le Monsieur du Coming Out) ici : clic
Les dernières phrases en sont toujours d'actualité.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne me lasse pas de vous lire, Silvano.
Vous décrivez parfaitement les ambiances vers lesquelles nous nous trouvons transportés, souvent avec émotion.
Par ailleurs, à chaque fois que vous écrivez "garçon sensible" pour désigner un gay, je ne peux m'empêcher d'être touchée.
Il y en a,sensible jusqu'à l'exacerbattion...qui sont hétéros...

On ne peut, en réalité, enfermer aucun être dans aucune boîte.
C'est d'ailleurs ce que décrit votre joyeuse soirée.
Marie

Silvano a dit…

Merci, Marie, pour vos avis toujours constructifs.
J'ai emprunté l'expression "garçons sensibles", qui m'amuse beaucoup, à Gérard Lefort qui en usait, le samedi matin, dans son émission de France Inter, il y a quelques années.
Je connais un comédien hétéro que je n'ai aucun mal à définir comme "garçon sensible". Je garderai toutefois l'expression, juste pour le fun ; mais aussi en souvenir d'une émission qui fit mes délices ("Passées les bornes, 'y a plus de limite").

Cyril a dit…

A propos de livre rare, si vous avez aimé "Tombe, Victor !", je vous conseille vivement "Les Boîtes en carton", de Tom Lanoye. Roman traduit du néerlandais (Belgique) par Alain van Crugten, Editions de la Différence, Littérature étrangère.