Isabelle Huppert et Finnegan Oldfield |
On fera fi des petits ricanements du milieu-cinoche-parisien qui essaie de répandre (raté, il y a du monde dans les salles !) que le film fut très très très très mais alors très mal accueilli à Venise et qu’Édouard Louis l'aurait renié (alors qu'il n'a jamais été question d'une collaboration entre la réalisatrice et lui).
Bref, on laissera de côté ces minuscules polémiques corporatives pour regarder le film sans à priori, tel qu'on se doit de visionner une œuvre cinématographique : objectivement.
On s'amusera, après coup (jamais avant), de lire les deux critiques contradictoires de Télérama dont on pourra moquer les excès dans l'un et l'autre cas (comparer Grégory Gadebois à Harry Baur, arrête le pastaga, Pierre Murat ! De même que parler de "désastre", Louis Guichard, est outrancier comme l'époque).
Gregory Gadebois et Jules Porier |
Certes, le film comporte quelques maladresses, notamment quand il nous plonge dans le milieu du gay-Paris by night et fourre son jeune héros dans le plumard d'un quinqua (tiens, salut Berling, comment vas-tu depuis Nettoyage à sec ?), clichés que l'on qualifiera de superfétatoires quand le sujet principal est tout de même vachement bien traité, avec deux comédiens qui crèvent l'écran, Finnegan Oldfield (Marvin/Martin jeune adulte) mais aussi, et presque surtout, le très jeune Jules Porier qui porte sur ses frêles épaules la tâche d'incarner Marvin dans les moments les plus durs de son existence, et dont j'attends, au lieu de chercher un nouvel Harry Baur, qu'on lui rende justice, car il émeut à fendre les cœurs les plus endurcis.
On retrouve ici Vincent Macaigne, actuellement inévitable, lequel semble avoir eu quelque difficulté à se glisser dans la peau d'un personnage gay, avant de s'y trouver plus confortablement à l'aise quelques séquences après sa première apparition.
Enfin, il y a Isabelle Huppert dont on peut se demander s'il est ou sera possible un jour de dire du mal. Ici, elle crève sobrement l'écran. Comme d'habitude.
La sortie du film d'Anne Fontaine tombe à pic, en cette période où le harcèlement sous toutes ses formes fait la une des médias. Il participe utilement à la réflexion. Rien que pour ça, on passera sur ses défauts pour n'en retenir que l'essentiel et se féliciter qu'il attire un public des plus variés.
Et rien n'empêche de lire ou de relire l'excellent En finir avec Eddy Bellegueule d’Édouard Louis.
De Marvin (J. Porier) à Martin (F. Oldfield)
4 commentaires:
J'ai beaucoup aimé, avec les mêmes réserves que vous.
Jules
Merci pour ce commentaire qui rend justice au film.
C'est un film qui m'a particulièrement ému, émotion qui me rend indulgent vis-à-vis des rares faiblesses. A mon avis, la plus grande de ces faiblesses est l'image caricaturale, voire stigmatisante, des classes populaires. Chez Edouard Louis, cela s'expliquait par le discours politique qui enveloppait tout cela. Anne Fontaine a supprimé tout cet aspect du livre d’Édouard Louis (il y a seulement quelques allusions qui ne sont perceptibles que par ceux qui ont lu le livre d’Édouard Louis). L'extraordinaire performance du Marvin jeune (Jules Porier) et la plus inégale performance du Marvin jeune homme (Finnegan Oldfied) transcendent tout cela.
Film très honorable, souvent émouvant, plein de belles images et de bons sentiments. Mais est-il utile et à qui ? Aux gosses au bord du suicide à qui il pourrait redonner espoir ? Mais le verront-ils ? Combien de jeune gay d’aujourd’hui croiseront une principale de collège comme celle-ci et a fortiori une Isabelle Huppert ? Ou utile aux vieux gay rangés comme moi à qui il tend à prouver que ça va mieux que dans leur jeunesse, que tout s’arrange à la fin pour peu qu’on y mette un peu du sien ? J’aimerais le croire. J’aurais aimé le vivre en tout cas. Eddy Bellegueule était plus violent. Trop sans doute. La famille Bijou est trop attachante finalement. Je crains que ce film ne remue pas grand-chose et reste simplement un joli film qu’on aime bien parce qu’on a aussi besoin d’y croire. C’est déjà ça.
Je n'ai pas beaucoup aimé. J'ai trouvé que les "pauvres" étaient caricaturaux, surtout le père, très excessif ; j'ai détesté la relation entre le quinqua joué par Berling et le jeune Martin. Je n'ai pas aimé le jeu de l'actrice qui joue la principale. Déçu.
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