Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


lundi 3 août 2020

Ces années-là

Nombre de jeunes rencontrés par ces temps délétères m'expriment, au fil de nos conversations, la nostalgie de ces années 70 qu'ils auraient aimé vivre, celles qui pourraient servir de toile de fond à une (hypothétique) suite de Tombe, Victor ! .
C'est révélateur de l'angoisse qui les étreint face à un avenir des plus incertains.
Publicité pour une marque de luxe faisant feu de ce bois-là
La crise que nous traversons va laisser dans le fossé nombre d'entre eux, qui envient ceux qu'ils nomment les "boomer" dont je suis, les tentatives de ringardisation n'ayant vécu qu'un hiver.
Les plus curieux ont découvert par YouTube et autres "docs" musicaux d'Arte, la soif de vivre d'une époque de liberté à laquelle une autre pandémie devait donner, au début des années quatre-vingt un mémorable coup de frein, ne manqué-je pas de leur rappeler.
Les années Hair, la formidable succession de chansons optimistes occultant la tragédie de la guerre du Vietnam qui vient assombrir les dernières images du film de Forman, exercent sur eux une véritable fascination.
Certains ne manquent pas de souligner l'insouciance qui émanait des émissions "de variétés" que distillaient les trois (!) chaînes de télévision, en opium du peuple, où, sous une pluie de paillettes, s'agitaient les vedettes de la période, les Claude François, Sylvie Vartan et autres Dalida, dont les chansons font encore les beaux soirs des mariages, et furent les fonds de commerce de discothèques aujourd'hui à l'arrêt pour cause virale.
La manière de se vêtir et de se mouvoir reflétait, elle aussi, une insouciance dont certains d'entre nous, avec lucidité, pensent qu'elle faisait fi de l'état catastrophique d'une planète en piteux état laissée en héritage à ceux-là même qui, de nos jours, avec raison, manifestent l'urgence d'une prise de conscience générale qu'il faut agir pour préserver ce qui peut encore l'être.
C'est le revers de la médaille qui miroite encore, dans leur esprit, pour les alouettes que nous fûmes.
Demeurent les "pattes d'ef", les chemises-à-fleurs, les colliers et tuniques, les semelles à talons compensés, les sabots noirs venus du Nord, le khôl qui soulignaient les regards et autres signes de ces temps révolus.
Qui ne reviendront jamais, ou peut-être sous une autre forme.
Ce que l'on souhaite ardemment aux générations futures.


Une voix étrange, une allure, un son, qui symbolisent bien la période.


Note
J'ai rédigé ce billet juste avant d'assister à une projection du nouveau film de François Ozon 
Un été 85, d'où il n'affleure aucune nostalgie des années passées, en l'occurrence années 80 en leur mi-temps qui furent pour la famille gay le début de l'ère du latex ; à laquelle il n'est fait la moindre allusion dans le scénario. Le film a des qualités, mais aussi pas mal de défauts.
Je laisse décanter et j'y reviendrai.

2 commentaires:

Ludovic a dit…

Très belle chronique une fois encore. Il est important de rappeler à nos anges que nous n'avons pas toujours vécu au paradis et que chaque époque a ses nostalgies et ses espérances à vivre. Et puis il y a toujours l'effet de balancier: quand on atteint le pire c'est qu'il y a du mieux à venir. J'entends aussi des jeunes être confiants tout en étant lucides.
Je n'ai pas vu le film d'Ozon. je vais essayer de le voir mais sans en attendre des prodiges. Je ne pourrais qu'être agréablement surpris.

Anonyme a dit…

Sans avoir pu voir le film encore, je cite en confiance, au nombre des qualités du film d'Ozon, l'indéniable joliesse des deux principaux protagonistes. Pour tout le reste, je brûle de lire votre avis éclairé, Silvano !
Yama Zek