Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


lundi 24 mai 2021

La lecture est un acte de résistance

Aujourd'hui plus que jamais, lire, c'est résister à la médiocrité qui plombe l'époque que nous traversons. 
Celle de la facilité, de la connaissance qui s'acquiert d'un clic et s'oublie aussitôt.
Celle des chaînes dites d'information en surenchère, où les divagations d'un Zemmour font "un carton" diraient les tenants d'audience à n'importe quel prix. L'un de ces canaux, celui où sévit cet olibrius, assume un populisme en gémellité avec la chaîne américaine qui encensa à longueur d'émissions le sinistre Trump.
Ailleurs, la tendance est désormais à la dérision de tout sujet qui demande un minimum de sérieux, à la dégénérescence d'une langue française qui fut autrefois admirable, respectée de par le monde. Le règne du "quoi", ce pronom interrogatif qui conclut à présent les questions de journalistes dont on se dit qu'ils ont oublié les préceptes enseignés dans leurs écoles.
Pour fuir ces nuisibles écrans, notre seule voie de salut est la lecture. Par elle, un condamné à la mort par décérébration peut s'échapper. 

Je lis - trop peu - à un tempo adagio ; au lit, souvent, avec une préférence pour les auteurs qui usent du... point-virgule.
Je plaisantais, quoique...
Mes lectures d'avril-
mai : 

C'est l'ouvrage déjà ancien (2013) de la pianiste Zhu Xiao-Mei qui ne parvint à la notoriété qu'à l'âge de quarante-deux ans. Et pour cause : victime et actrice malgré elle de la "révolution culturelle" dans la Chine de Mao, elle eut une vie de merde - je ne trouve pas d'expression mieux appropriée - jusqu'à son arrivée dans une France où le mot "culture" avait encore tout son sens.
Connue, reconnue, pour ses Variations Goldberg et son Clavier bien tempéré du Dieu Bach, son livre est bouleversant de bout en bout.





Publié en France cette année, Le dernier été en ville de Gianfranco Calligarich parut en Italie en... 1973 !
C'est l'histoire d'un amour impossible entre le narrateur, Leo Gazzara, milanais installé à Rome, vivant de petits boulots, dont des piges pour un journal de sports, et une belle jeune femme inconstante qui ne saura le sauver de l'ennui d'une existence aléatoire dans une capitale qui lui paraît hostile : de rencontres mondaines sans intérêt, d'errances dans la ville tour à tour suffocante et glaciale selon lui, l'homme se réfugie dans l'alcool et renonce à la "réussite".
Un roman du désenchantement admirablement écrit.
(Gallimard éd.)






Conversations... sur mon balcon.
Conversations dans un jardin de Bernard Pignero, dont j'avais beaucoup apprécié en son temps le roman Mélomane et, les hasards de la vie aidant, avais pu le lui faire savoir, est un recueil de six nouvelles : le genre semble en résurgence, qui connut une inexplicable désaffection des éditeurs ; plus que des lecteurs me semble-t-il. D'emblée, peu abordée dans les précédents ouvrages de l'auteur, l'homosexualité est ici au cœur de ces six histoires, mais subtilement, en permanent filigrane, plus affirmée dans celle qui donne son titre à ce livre élégant, rédigé dans un français irréprochable.
Le lecteur en quête de "roman LGBT" sera quelque peu décontenancé toutefois, tant le propos semblera distancié.
Il faudra donc savoir lire entre ces lignes toujours pudiques. On ne s'étonnera pas que j'aie immédiatement été aimanté par la nouvelle intitulée Un pianiste (la dernière), l'avantage du genre étant que l'on peut vagabonder d'un récit à l'autre.
(Encretoile éd.)

À écouter en lisant... ce que vous voulez :


Jean-Sébastien Bach Variations Goldberg BWV 988 Zhu Xiao Mei

5 commentaires:

Antoine a dit…

Nous gardons dans l'oreille la version "gouldienne" des Goldberg. Ici, c'est une redécouverte. Merci de l'avoir partagée. Je suis d'accord à cent pour cent avec votre ressenti de l'époque. J'en discute fréquemment avec mes étudiants. La majorité d'entre eux sait ce que lire veut dire : tout n'est pas perdu, luttons !

Eric D a dit…

Je partage avec effroi vos remarques concernant l’olibrius. Il incarne la pointe d’un furoncle rempli de haine, c’est effrayant, Pourtant des chaînes comme France 5 et Arte nous rappellent souvent l’histoire et la fragilité de nos démocraties. Même France 2 a diffusé ce dimanche 23 mai un documentaire remarquable sur l’histoire de la toile « Guernica » (4 épisodes successifs de 13h15 le dimanche).
Vos conseils de lecture me donnent envie de relire « Lettre à un jeune poëte » de Rainer-Maria Rilke ainsi que toute l’oeuvre de Hermann Hesse, sur fond des Variations Goldberg.
Merci, bonne journée

Anonyme a dit…

Merci pour ces idées de lecture !

Seb

filidor a dit…

Tengo muchas versiones de las "Goldberg". Esta de Zhu no ocuparía puesto entre las diez mejores.

Ludovic a dit…

Si le petit Godberg avait joué avec cette énergie , je doute que son royal quoique insomniaque auditeur se fût endormi; Mais peut-être n'était-ce pas là l'effet escompté par le souverain : on dit que le petit claveciniste était fort gracieux...