Malgré nos échanges en vidéo du dimanche matin, tu me manques.
Apprendre à devenir grand dans ce pays qui m'est ô combien étranger, quelle drôle d'idée !
Je te vois encore sur le balcon d'à côté, ce jour d'épidémie où nous ne pouvions que converser aimablement à distance. Ce fut de musique, une évidence. C'est elle qui nous a réunis quand ces nuages noirs se dissipèrent. Tu as dit "affinités électives". Oui. Sept cents jours à jamais gravés. Et puis, ta jeunesse t'a mené ailleurs. D'abord pas très loin, où nous pouvions nous rejoindre en quelques tours de locomotive. J'avais même fini par trouver à la gare d'Austerlitz, si laide, des airs de victoire sur l'attente de chaque nuit d'insomnie. Enfin, tu m'as dit "que me conseilles-tu ?" et j'ai dit "vas-y, c'est ton avenir". Tu es parti. Tout se passe pour le mieux et tes succès me font paraître la vie plus douce. Douces, si douces, étaient ces attitudes quand, chez moi, tu prenais tout l'espace. Ta démarche de félin pour les simples gestes du quotidien : mettre la table, la débarrasser, servir un alcool, trinquer les yeux dans les yeux. Je guette le son agaçant de l'interphone. Tu avais fait un si beau dimanche le voyage et tu m'avais surpris, cachant ton visage derrière un énorme bouquet de fleurs d'été. C'est si loin, déjà. De savoir que j'ai ma place dans ton cœur embellit chaque heure que je vis. J'ai mille souvenirs de toi, que je sais partagés : le cinéma ; une collation au bord du canal ; un standard de jazz joué à deux ; un "je t'aime", une seule fois, mais pour l'éternité. Je t'ai dit l'autre matin : "tu ne me manques pas". Tu sais, comme Danielle Darrieux dans Madame De... hurlant doucement, sur le pas de la porte, après le départ de l'amant :
— Je ne vous aime pas, je ne vous aime pas, je ne vous aime pas.
S.
Je te vois encore sur le balcon d'à côté, ce jour d'épidémie où nous ne pouvions que converser aimablement à distance. Ce fut de musique, une évidence. C'est elle qui nous a réunis quand ces nuages noirs se dissipèrent. Tu as dit "affinités électives". Oui. Sept cents jours à jamais gravés. Et puis, ta jeunesse t'a mené ailleurs. D'abord pas très loin, où nous pouvions nous rejoindre en quelques tours de locomotive. J'avais même fini par trouver à la gare d'Austerlitz, si laide, des airs de victoire sur l'attente de chaque nuit d'insomnie. Enfin, tu m'as dit "que me conseilles-tu ?" et j'ai dit "vas-y, c'est ton avenir". Tu es parti. Tout se passe pour le mieux et tes succès me font paraître la vie plus douce. Douces, si douces, étaient ces attitudes quand, chez moi, tu prenais tout l'espace. Ta démarche de félin pour les simples gestes du quotidien : mettre la table, la débarrasser, servir un alcool, trinquer les yeux dans les yeux. Je guette le son agaçant de l'interphone. Tu avais fait un si beau dimanche le voyage et tu m'avais surpris, cachant ton visage derrière un énorme bouquet de fleurs d'été. C'est si loin, déjà. De savoir que j'ai ma place dans ton cœur embellit chaque heure que je vis. J'ai mille souvenirs de toi, que je sais partagés : le cinéma ; une collation au bord du canal ; un standard de jazz joué à deux ; un "je t'aime", une seule fois, mais pour l'éternité. Je t'ai dit l'autre matin : "tu ne me manques pas". Tu sais, comme Danielle Darrieux dans Madame De... hurlant doucement, sur le pas de la porte, après le départ de l'amant :
— Je ne vous aime pas, je ne vous aime pas, je ne vous aime pas.
S.
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Photo Richard Kranzin, 2023 |
12 commentaires:
Tellement intime et tellement universel, très cher Silvano!
Absence de l'auteur de ce beau texte . Silvano ?
Quand il y a le libellé "écrits", c'est moi-même.
Je fréquente virtuellement Silvano depuis mes 18 ans. Je le reconnais bien dans ce texte si émouvant.
Les libellés n’apparaissent pas en version téléphone et je doute que le jeune uvdp nous lise sur un ordinateur ou en mode web.
Très beau texte en tous cas qui me remémore de jeunes amants.
cela me fait mal au cœur de manière si douloureuse et si belle...
@estèf : merci pour cette précision technique. Pour ujdp, j'ai ajouté mon initiale au bas du billet. Et merci.
@ Ludovic, Brad, Maxence : merci pour votre fidélité et votre gentillesse.
"S" ne suffit pas à identifier Silvano ; "S.M." serait déjà mieux .
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé !
Bien fidèlement
F.
Très ému par ce texte, Silvano. Je n'ai pas d'autres mots. Trop ému, peut-être...
Très touché, Alexandre. De votre part...
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