Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


mercredi 16 avril 2014

Cachez ce corps...


Ce crucifix, que l'on peut voir à Florence (église San Spirito) fit scandale en son temps : le Christ y est représenté nu, pensez !
Michel Ange lui donne, de surcroit, un corps d'adolescent peu... orthodoxe.

Or, Jean, l'apôtre préféré parait-il, nous dit : 
« Alors les soldats, quand ils eurent crucifié Jésus, prirent ses vêtements et firent quatre parts, à chaque soldat une part, et aussi son habit : désormais la tunique était sans couture, tissée tout au long depuis le haut. Après discussion ils décidèrent de ne pas la déchirer mais de la tirer au sort, ainsi fut accomplie l'Écriture qui dit : « Ils se sont partagé mes habits entre eux et ma tunique a été tirée au sort. Voilà ce que firent les soldats. » »
— Jean,Bible, psaume 22/18




12 commentaires:

Pierre a dit…

D'un point de vue historique, les Romains comme les Juifs étant très pudiques, il est assez probable qu'un linge ait caché le sexe, comme on le voit dans les représentations courantes.
Ceci dit, de ce fait, l'art sacré catholique a beaucoup exalté la nudité masculine (un tantinet SM). Certains doivent s'en souvenir. Et ne parlons pas de saint Sébastien !
ni de Silvano qui a sûrement de quoi faire "pénitence". Miserere nobis...

Unknown a dit…

Oublions un instant qu'il s'agit d'un homme en croix, n'y voyons pourquoi pas qu'un symbole : il est très beau et touchant. C'était probablement l'intention de l'artiste. Dans la même veine mais un peu plus vieux et sanglant,la crucifixion de Vélasquez http://fr.wikipedia.org/wiki/Christ_crucifi%C3%A9_%28V%C3%A9lasquez%29.
Pierre

Silvano a dit…

On en est très loin : le beau Christ en croix de Velasquez, "douloureux" est beaucoup plus fidèle à la tradition. Celui de Buonarroti, ci-dessus, est plus serein. On constate bien la différence de conception entre italies et espagnols. Entendons-nous bien (pour les commentateurs suivants) : nous ne parlons ici que de l'aspect artistique.

Alexis de Savoie. a dit…


La nudité du Christ sur la Croix –


Michel-Ange Christ nu sur la Croix – Crucifix de Santo Spirito à Florence

"Je demande pourquoi Notre Seigneur voulut être tout nu sur la croix. La première raison fut parce que , par sa mort, il voulait remettre l’homme en état d’innocence, et les habits que nous portons sont la marque du péché. Ne savez-vous pas qu’Adam tout aussitôt qu’il eut prévariqué commença à avoir honte de lui-même, et se fit au mieux qu’il put des vêtements de feuilles de figuier? car avant le péché il n’y avait point d’habits et Adam était tout nu. Le Sauveur par sa nudité même montrait qu’il était la pureté même, et de plus, qu’il remettait les hommes en état d’innocence.

Mais la principale raison fut pour nous enseigner comment il faut, si nous voulons lui plaire, nous dépouiller et réduire notre coeur en la même nudité qu’était son sacré corps, le dépouillant de toutes sortes d’affections et prétentions, à fin qu’il n’aime ni désire autre que lui.

Un jour le grand abbé Serapion fut trouvé tout nu dans une rue par quelques uns de ses amis ; ceux-ci, émus de compassion, lui dirent : qui vous a mis dans un tel état et qui vous a ôté vos habits. Oh, dit-il, c’est ce livre qui m’a ainsi dépouillé , parlant du livre des Evangiles qu’il tenait.

Et moi, je vous assure que rien n’est si propre à nous dépouiller, que la considération de l’incomparable dépouillement et nudité du Sauveur crucifié."

Sermon pour le Vendredi Saint , 28 mars 1614 par François de Sales.

Maxence 24 a dit…

Moi, pour pécher, je me déshabille toujours entièrement.

Pierre a dit…

À propos de la différence de vues entre Italie et Espagne, je rappelle que le Christ en croix "serein" fut la norme de la peinture byzantine, et que ce sont les primitifs italiens qui les premiers l'ont représenté souffrant.
Si Michel-Ange y a mis de la sensualité, c'est qu'il en mettait dans tout ce qu'il faisait.

Silvano a dit…

J'ai un peu raccourci ma pensée, Pierre. Ce que vous dites est exact.
Maxence : il faudrait qu'on se voie. :D

Lucas a dit…

Le pauvre Michel-Ange est coutumier des Christ nus cachés ensuite:
Son Christ portant la croix de Santa Maria sopra Minerva à Rome (en face de l'éléphant du Bernin) a été affublée d'un voile au XVIIe.
Et évidemment l'épisode du Jugement dernier, avec ses personnages "reculottés" par Daniele da Volterra. Les nus héroïques chrétiens n'ont pas souvent marché malheureusement.

Maxime a dit…

Bonjour Sylvano,

parce que GayCultes ne souffre pas l'approximation, je me permet cette petite rectification concernant la dernière citation : il ne s'agit pas d'un psaume, mais de l'Evangile selon Saint Jean (chapitre 19, versets 23 et 24).
Tu peux abréger ainsi : Jn 19:23-24

Joyeuse Pâques à tous !

Silvano a dit…

@Maxime : la même réflexion me fut faite au cours du diner par un mien ami, sous-diacre à St Eustache, auquel je rétorquai qu'il s'agissait d'un copié-collé à la source, car, bien qu'élevé au goupillon, je ne maîtrise guère le sujet. Mais du Christ de ce "bougre" de Michel Angelo, que pensez-vous ?

Charles a dit…

Il n'y a qu'à regarder ses dessins notamment de l'Albertina (v1530) de Pietà et de Déposition, où sa très belle poésie, pour comprendre que ses nus n'ont rien d’homo-érotiques (même si la sexualité est présente, puisqu'il parle du pinceau comme une sarbacane, donc comme un pénis). Ce serait du moins une erreur, je crois, de ne voir dans la nudité, que le corps en laissant de côté l'absence (de vêtement, de péché, etc...)

Maxime a dit…

@Sylvano : excusez ma réponse tardive et mon tutoiement (trop ?) facile.
Je trouve ce Christ très beau, longiligne et juvénile, même si je préfère le fameux (et peut-être insurpassable) David.
Quoi qu'il en soit, je ne peux m'empêcher de jalouser le talent et les modèles, réels ou fantasmés, du maestro !