Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


dimanche 28 juin 2020

Glacé, glaçant, jouissif

Je me souviens de la première projection, à l'adolescence, du film d'Eisenstein au ciné-club dont j'étais l'un des animateurs.
J'en sortis exalté : jamais je n'avais pu apprécier autant la fusion entre la musique et l'image. D'Eisenstein, je connaissais Le cuirassé Potemkine, film muet dont la scène historique du landau dévalant les marches fut reprise maintes fois en clin-d’œil par nombre de metteurs en scène de cinéma, comme De Palma dans ses Incorruptibles.
Alexandre Nevski fera naître quelques sourires devant la pauvreté d'effets spéciaux balbutiants, mais aussi, sans doute, des mines admiratives d'une réalisation virtuose (notamment dans cette scène dite de "la bataille sur la glace"), et d'un jeu d'acteurs totalement impliqués jusqu'au plus obscur figurant.
Nevski, personnage symbolique de la lutte contre toutes les oppressions était en l'occurrence "récupéré" par le régime soviétique, la défaites des horribles teutons grâce à une stratégie des plus originales, des plus ingénieuses, pouvant sonner comme un avertissement face aux velléités de conquête du IIIème Reich.
La scène se révèle prophétique, préfigurant l'enlisement des armées nazies qui devait sonner le glas des ambitions d'un Führer dont on sait aujourd'hui qu'il fut un piètre stratège.
J'ai choisi un extrait du film avec sa bande-son d'origine, fatiguée par 82 ans de lecture optique, tel que j'ai découvert ce chef-d'oeuvre.
Ensuite, sur les images originales, on pourra apprécier la musique quasi hallucinée de Prokofiev enregistrée de nos jours par le Philharmonique de St. Petersburg sous la baguette de Yuri Temirkanov.
J'avais une version russe, vinylique, éditée par "Le chant du monde", disparue à la défaveur de mes pérégrinations. Aujourd'hui, j'écoute, en CD, l'admirable version du Chicago Symphony, enregistrée pour RCA Victor sous la direction de Fritz Reiner à la fin des années 50.
Je recommande.
Et puis, bien sûr, il y a le film, en vente dans toutes les bonnes pharmacies.

Avec la bande-son originale :



Bande-son récente sur les images d'Eisenstein

5 commentaires:

Ludovic a dit…

Après avoir vu ce film, Prokofiev a longtemps été mon musicien préféré.

Anonyme a dit…

Il est étonnant de voir tous les artistes exceptionnels,
que ce pays qui n’a jamais connu la démocratie a su engendrer.
Pour le couple, Eisenstein Prokofiev je crois que je préfère Ivan le Terrible :
lien ici
et en particulier le début de la deuxième période qui est en couleur :
lien ici

Bonne journée
Jean-Paul

Silvano a dit…

Jean-Paul : je préfère Nevski. La réaction des jeunes spectateurs de l'ère moderne devant Ivan est négative : trop long, ennuyeux, surjoué... disent-ils.
Personnellement, je trouve que ça reste un grand film.

joseph a dit…

Et moi je préfère la musique du film "Lieutenant Kijé" , mais surtout ses concertos pour piano - Concours Reine Elisabeth et Abdel Raman El Basha en particulier -

Silvano a dit…

Joseph : "Lieutenant Kijé" n'est pas une musique de film, c'est une suite orchestrale.