“J'aimerais te donner une joie que ne t’aurait
donnée encore aucun autre. Je ne sais comment te la donner, et pourtant,
cette joie, je la possède. Je voudrais m’adresser à toi plus intimement
que ne l’a fait encore aucun autre. Je voudrais arriver à cette heure
de nuit où tu auras successivement ouvert puis fermé bien des livres
cherchant dans chacun d’eux plus qu’il ne t’avait encore révélé ; où tu
attends encore ; où ta ferveur va devenir tristesse, de ne pas se sentir
soutenue. Je n’écris que pour toi ; je ne t’écris que pour ces heures.
Je voudrais écrire tel livre d’où toute pensée, toute émotion
personnelle te semblât absente, où tu croirais ne voir que la projection
de ta propre ferveur : Je voudrais m’approcher de toi et que tu
m’aimes.”
— | André Gide, Les nourritures terrestres |
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Mais il ne faudrait pas oublier que le même Gide dit à son interlocuteur : "Il faut, Nathanaël, que tu brûles en toi tous les livres", ou à la fin : "Nathanaël, à présent, jette mon livre. Emancipe-t'en". Deux choses que, en tant que lecteur forcené et amoureux de la prose de Gide, je n'ai pour ma part jamais su faire... Je ne suis pas parvenu à cette liberté ni à ce désabusement devant l'écrit. Et, si je l'admire littérairement, je ne me rends toutefois pas non plus, dans aucun de ses deux éléments, au vers de Mallarmé: "La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres".
Comme vous, Palomar, je ne me rallie à aucune de ces deux exhortations.
C'est pourquoi j'ai choisi cet extrait et non celui que vous insérez ci-dessus.
on parle bien de Gide, pas de guide ! même si ce texte pourrait servir notre cause pour obtenir les faveurs de l'être aimé!
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