Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


jeudi 6 avril 2017

Printâneries

 Mystère du Palais Royal : qui donc t'a mutilé ?
Je suis en vacances.
Quand le temps est clément, je marche dans Paris.
J'aime les jardins du Palais Royal qu'arpentaient, au temps des rois, les dames de petite vertu.
D'année en année j'y retrouve mes traces. Je viens de la rue de Rivoli, m'arrête au Nemours - mais hier, Louis Garrel n'y était pas - qui vient d'être rénové avec bonheur, puis traverse la cour où les colonnes de Buren n'offusquent plus personne ; rapidement, car il y a des cris d'enfants semblables à ceux qui ponctuent mon quotidien des journées actives, et, enfin, j'arrive dans les jardins où les gens sont le plus souvent silencieux : est-ce le respect dû à l'Histoire qui nous entoure ?
Je lis, ou relis, plutôt, Si le grain ne meurt. Je suis passé ce matin aux Mots à la bouche où j'ai acquis Mes parents, d'Hervé Guibert dont le grain est mort trop tôt, et Montrez-moi vos mains, du pianiste Alexandre Tharaud.

Je sais pourtant fort bien que je ne dois pas lire quand j'écris, mais les vacances sont si brèves où je peux veiller plus tard, livre en main, laissant passer l'heure du sommeil pour subir trop de nuits blanches. Chez le libraire m'a rejoint F., avec lequel je suis allé déjeuner. F. est jeune, doté d'un solide appétit, ce qui me fait dire " toi, vaut mieux t'inviter au cinéma qu'au restaurant " en leitmotiv depuis longtemps déjà ; c'est une phrase à nous, qu'on aime bien, et qu'il énonce à chaque fois avant que j'ai eu le temps de la dégainer, et on en rit quand même nonobstant* la redondance. Un code. Des yeux gourmands de garçons pas hétéros pour un sou se posent sur mon convive. Je suis fier comme un père ou un grand frère. Je ne me dis jamais qu'ils pourraient penser que c'est un vieux qui se tape un jeunot, parce que ma gayté n'est pas des plus voyantes, je crois, et que la complicité qui nous unit est trop évidente. Mais je le regarde parfois avec des yeux mouillés de mère juive.

Le reste du temps, j'écris, sporadiquement, la suite de mon premier roman.
J'attends sans attendre la relance de Tombe, Victor ! que j'ai confiée à un spécialiste. Lequel m'assure que le livre mérite mieux que ses premières ventes. Saura-t-il amplifier ce qui, pour l'heure, n'est qu'un succès d'estime ? J'avoue que ça me galvaniserait pour ressusciter mes personnages et les mener au cœur des années 70, où soufflait un vent de libération jailli de mai soixante-huit, que les années sombres de la décennie suivante viendraient terrasser.
J'ai eu envie de retrouver Victor et Paul, de découvrir comment ils allaient se mouvoir dans leur vie de jeunes adultes, depuis leurs dix-sept ans ; le plus bel âge, non ?

Le plus bel âge, non ? (Photo Toyin Idipabo)
*J'ai préféré à "malgré". J'adore ce mot désuet, rigolo.

12 commentaires:

Hersaint a dit…

Je suis aussi très sensible au charme des jardins du Palais Royal,
Ses boutiques surannées,les arcades sous lesquelles Bonaparte fut
déniaisé ,le Grand Vefour dont je n ai jamais osé pousser les portes
mais dont j ai abondamment traversé du regard les fenêtres...
Un air de province ,hors du temps ....,les chats de Colette sur les
ballustrades...Le hazard de peut être vous y croiser en compagnie de
votre fouloulou,augmentera désormais la magie des lieux...

Jules D. a dit…

J'aime ces petites chroniques de la vie. Merci Silvano !
Jules

Celeos a dit…

Jolie flânerie. Elle m'a rappelé mes parcours plus pressés dans ces mêmes lieux au moment où l'Etat restaurait les colonnes de Buren ; elles m'ont donné l'envie de pisser dessus lorsque le travail fut achevé. Complaisance et connivences du chenil de la culture pour cet artiste surfait.

J'ai senti un peu de vague à l'âme, de doute, dans les pas qui vous accompagnent à l'écriture. Douter n'est pas perte de temps, pourvu que le doute lui-même soit la traduction fidèle de la recherche de la bonne route. Le sympathique Siddharta Gautama avait même défini qu'il pouvait y avoir un "noble octuple sentier". Vous voyez, il y a de quoi hésiter ! Je sais que vous saurez vous laisser conduire. Les anges bordent le sentier...

Silvano a dit…

Hersaint, on s'est peut-être déjà croisés... (votre commentaire était tombé bizarrement dans les "spams", je l'ai repêché.

Jules D. : vous êtes bienveillant.

Celeos : comme souvent, vos mots savent panser mes petites blessures.

Hersaint a dit…

Merci,Sylvano...de m avoir repêché!
La hazard ,qui est bien-faisant et bienveillant
nous fera peut être croiser dans cet delicieux écrin...

Kigou a dit…

A Hersaint : Le déjeuner au Vefour n'est pas si ruineux et le souvenir gastronomique en vaut la peine !

anoustous a dit…

après Victor, ici, on monte d'un cran. L'évidence littéraire, du talent non plus naissant mais s'épanouissant déchire la plume. Je me retrouve, même très partiellement, dans ce récit, ces pages de "journal", ces références tant littéraires que environnementales. Bien Sur Cocteau, Colette, mais aussi Nicole N... pas très loin. Le temps ne suspend pas que son vol, parfois il garde des niches où il est bon de se réfugier.

Silvano a dit…

anoustous : je vais tenter de survivre à vos compliments. N'est-ce pas plutôt Nicole C. que vous évoquez ?

Hersaint a dit…

Plus que la cuisine,c est le décor du Vefour qui hypnotise l amoureux du
Directoire que je suis...murs et plafonds quelles merveilles!!!

Maxence 27 a dit…

Coucou Silvano, je ne commente plus beaucoup (le boulot) mais je viens faire un tour dans GC chaque samedi. Figurez-vous que c'est dans ces jardins que j'ai dévoré Tombe Victor en août dernier ! Je serais heureux que vous nous donniez une suite.

Silvano a dit…

Coucou Maxence, pour être dévoré par vous, j'envisage de donner suite.

Celeos a dit…

Je n'aurais jamais imaginé qu'il y avait tant de pédés au Palais royal. Je vais y retourner.