Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


mercredi 8 août 2018

Le monstre

Le monstre avait réussi à gâcher mon petit-déjeuner. Il tournait autour de ma table en hurlant, bousculant à maintes reprises la chaise en vis-à-vis, faisant mine de chaparder mes lunettes ou mon chapeau. Le monstre avait choisi sa victime : moi. J'ai adopté une attitude indifférente, laissant promener mon regard au loin, feignant de détailler les bateaux ancrés dans le port d'Ischia. Sans que réagissent ses géniteurs, rivés à leurs écrans, le gosse s'enhardissait à présent, m'invectivant en italien, tirant la langue, et, enfin osa l'invraisemblable : il s'empara soudain de ma fourchette, la saisit à deux mains et la planta avec une violence inouïe dans ma main gauche d'où jaillit aussitôt un geyser d'hémoglobine.
Avant de perdre connaissance, j'eus tout juste le temps de voir le papa, penché sur moi avec un grand sourire et de l'entendre me dire :  " Scusa, signore, è un bambino !(1) "


Certes, cette scène à la Dino Risi est le fruit de l'imagination un tantinet perverse de votre serviteur, mais elle provient de l'observation du comportement de nos voisins italiens envers (et contre tout !) leur progéniture, dont ils ne sauraient se séparer où qu'ils aillent, restaurant, musée, cinéma (quel que soit le film), le "baby-sitting" semblant réservé à la frange la plus aisée de la population, telle qu'on l'appréhende, entre autres, dans le film de Comencini L'incompris. Si le concept français de "l'enfant-roi" semble entré (enfin !) en désuétude, il m'est donc apparu que l'Italien, lui, avait définitivement sacralisé son rejeton en "enfant-dieu", libre de courir et de vociférer en tout lieu où l'on serait en droit de bénéficier de quelque tranquillité, surtout, quand, comme moi, on exerce une activité qui met toute l'année en relation avec des... enfants. Que j'adore, sans l'ombre d'un doute.

(1) Excusez-le, Monsieur, c'est un enfant !

5 commentaires:

Hersaint a dit…

« L enfant roi » en désuétude ?vraiment?
L enfant branché,absent car connecté,totalement étranger à ce qui
se déroule autour de lui,absorbé qu il est par ses écouteurs,ses programmes,
ses vidéos....abruti! Merci ,Sivano d essayer de sauver quelques uns de ces zombies !
Y parvenez vous?

Thibault a dit…

Argh, je visualise, c'est gore, j'adore !

Thibault a dit…

Et je l'aurai noyé dans le port le monstre :)

Anonyme a dit…

Lasciate che i bimbi vangano a me! a dit J. Cristo. C'èst e core valide?
Catania

Alex H a dit…

Quelle horreur que ce récit si drôle !
@Catania : Silvano n'est pas Jésus Christ !