Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


mercredi 17 avril 2019

"Ma" cathédrale

Cette photo est de Markus Bollingmo

Il n'est pas nécessaire d'être catholique pratiquant pour avoir le cœur brisé, d'autant que ce magnifique édifice appartient au patrimoine national, donc un peu à chacun d'entre nous. Quelle tristesse ! Dans la médiocrité ambiante, il aura fallu cette catastrophe pour qu'un peuple trop souvent frappé d'amnésie quant à sa propre culture, reçoive une leçon d'histoire, grâce aux références à Hugo, à la diffusion des notes obtenues par le grand orgue, au rappel des grands moments où la nef de Notre Dame a accueilli, réunis pour un hommage à telle ou tel, des femmes et des hommes de toutes origines et de toutes religions. La dernière fois où j'y suis entré, c'était en mars 2004 pour l'adieu à Nougaro. On a joué ce matin-là des musiques profanes transcendées par l'espace, réverbérant les notes de Toulouse ou Les mots (texte ci-dessous) du poète chantant. Le mécréant que je suis, entre ces murs, se sentait chez lui.

X


Les mots

Les mots divins, les mots en vains,
Les mots de plus, les motus
Les pour rire, les mots d’amour
Les mots dits pour te maudire
Les mots bruissants comme des rameaux
Les mots ciselés comme des émaux
La faim de mots, la soif de mots
Qui disent quelque chose
Les mots chéris qui sur mes lèvres
N’ont pas trouvé leur place
Les mots muets, les mots buée
Comme un baiser sur la glace
Les mots bouclés, clés de l’espace
Les mots oiseaux qui laissent des traces
Les mots qui tuent, les mots qui muent
Les mots tissant l’émotion
Les mots pâlis, les mots salis
Les mots de prédilection
Les mots qui te caressent comme des mains
Les mots divins, les mots devins
Les premiers mots
La faim des maux
Paroliers : Daniel GOYONE / Claude NOUGARO
Paroles de Les Mots © Les Editions Du Chiffre Neuf

5 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai bien sûr, partagé, cette émotion collective qui mettra très peu de temps à être récupérée.
J'ai aimé la puissante sobriété de votre "billet-recueillement" d'hier.
Mais, bien sûr, une ombre dans mon esprit. Pourquoi ne sommes nous pas capables du même élan d'"Amour" pour nos Frères qui sont tombés au sol, désespérés pour beaucoup d'entr'eux, venus échouer dans cette grande ville comme dans tant d'autres. Ne pourrait on pas diriger un peu de ce qui va être donné, un peu de cette beauté du geste vers eux.
Marie

Silvano a dit…

Comme souvent, Marie, nous nous comprenons comme si nous conversions en vis à vis.
J'écoutais hier soir, sur une télévision, la philosophe Adèle Van Reth qui exprimait son émotion personnelle... ou ne voulait vraiment l'exprimer, se méfiant de l'émotion collective exhibée par les caméras.
Quant à l'ombre qui ne peut qu'obscurcir ces élans de générosité, je n'ai pas manqué de me poser la même question que vous.
Le patron de la CGT, ce matin, suggérait qu'on fasse "ruisseler" un peu de cette manne sur les miséreux (j'emploie, moi, ce terme que je qualifierai d'Hugolien). Je sais quelqu'un, à Rome, que ce genre de propos honorerait.
Amitié,
Silvano

Ludovic a dit…

Comme beaucoup, sans doute, en entendant que les grosses fortunes de France allaient donner des millions, j’ai pensé que c’était bien gentil de leur part mais que ça ne leur coutait pas cher puisque l’état en prenait 60 voire 66% à sa charge sous forme de déduction d’impôt ; que c’était donc encore une niche fiscale. J’avais tort. Une niche fiscale, c’est un cadeau fait par le fisc à un particulier s’il accepte d’investir dans un domaine qui intéresse l’Etat (l’immobilier, les Dom Tom, l’isolation…) Au contraire la déduction fiscale que doit concéder le fisc à un mécène est une disposition qui permet à un particulier ou à une société d’obliger l’Etat à soutenir une cause à laquelle il n’avait pas l’intention de s’intéresser. Cette disposition relève donc de la démocratie participative puisqu’elle permet à un citoyen d’intervenir pour une part minime ou, dans le cas présent, non négligeable, dans les choix budgétaires de l’Etat et donc dans l’affectation de nos impôts. On sait que Bercy n’est guère enclin à lâcher ses tunes pour le culturel ou le social mais nous avons ainsi la possibilité de l’y obliger à condition d’y mettre un peu de notre poche. Dans ce cas, le cadeau de l’Etat ne va pas au mécène mais au bénéficiaire du don. La nuance est subtile. On peut également dire que ce n’est pas un cadeau fait aux riches mais un abondement consenti par l’Etat à la générosité des citoyens.

Ludovic a dit…

J’ajoute qu’en l’occurrence, la cathédrale appartenant à l’Etat qui est son propre assureur, il est tout à fait légitime que les donateurs aient renoncé d’emblée à la défiscalisation de leurs dons car dans ce cas précis, ils ne viennent pas au secours d’une cause dont l’Etat risquerait de se désolidariser mais au secours de l’Etat, c’est-à-dire du contribuable, qui est obligé de faire face au coût des réparations.

Silvano a dit…

Effectivement, Ludovic. J'abonde à mon tour, mais dans votre sens.