Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


mardi 15 septembre 2020

Le chemin des contrebandiers (extrait 2)

 Ange ou démon ?


 ...sa peau qui fleurait bon le sel d’une récente baignade.
Ils ont vu tous les bateaux du port, bu tant de bolées dans les troquets avoisinant que la nuit vint, puis les premières lueurs de l’aube.
Yann lui a demandé s’il pouvait dormir chez lui, « en tout bien tout honneur ».

« Défense de toucher ! » avait-il prévenu avant de sombrer dans le plus profond des sommeils.
Ce fut un délicieux supplice d’être allongé, là, aux côtés de ce jeune dieu vêtu d’un simple slip blanc.
La jambe rampait sous le drap, millimètre par millimètre ; se rapprocher, être au contact de sa peau, sentir son souffle, veiller à ne pas brusquer les mouvements, souffrir.
C’était bon.
Le sommeil ne vint pas apaiser cette agréable douleur.
Au lever, le Breton balbutia un « bien dormi ? » qui appela un mensonge.
Il fit un bond hors du lit.
Bill, à son tour éveillé, jappa et montra son bonheur de retrouver son maître.
Paul vit son camarade en petite tenue se diriger vers la salle de bains ; Yann se savait observé, détaillé de pied en cap ; peut-être souriait-il.
On n’entendit pas le bruit du verrou de la pièce d’eau avant que le ruissellement sur la peau de Yann ne soit perceptible, finissant d’achever la victime.
Le brunissime surgissait maintenant à toute heure du jour, « pour parler » ; il avait trouvé en Paul l’interlocuteur idéal, le complice auquel il racontait ses histoires de cœur, inconscient des souffrances qu’il lui faisait endurer.
Parfois, lorsque il était trop tard pour repartir, Yann dormait chez Paul ; et chaque fois recommençait ce jeu dont on ne sait s’il était innocent ou pervers ; le beau noiraud eut quelque temps cette attitude ambiguë ; quelques siècles pour Paul s’écoulèrent.

Yann sortait alors avec une fille blonde, de celles qui font rêver les jeunes mâles aimantés par le sexe opposé.
Josepha était membre d’une famille corse qui possédait quelques-unes des plus belles affaires de bars, restaurants et autres night-clubs de la contrée.
Pour ses camarades, admiratifs et envieux à la fois, elle était « la fille G. ».
Au premier abord, on pouvait penser qu’elle était une fille à papa frivole ; quand elle se déhanchait, short en jean effrangé, chemise nouée au-dessus du nombril, devant le Jukebox de la plage des Grandes Rives, mille cœurs masculins battaient de concert.
Yann l’avait conquise d’un seul regard, tant l'archange celte irradiait parmi le tout venant des baigneurs.
Jo l’aimait, comme elle le gardera au cœur pour toujours, avec cette gratitude que l’on éprouve pour qui vous a fait découvrir l’amour à seize ans.
Sûr du pouvoir qu’il exerçait sur un Paul envoûté, une réelle amitié unissant à présent les deux garçons, Yann en vint, un été, à solliciter le prêt de son studio pour héberger de temps à autre ses amours avec la belle lycéenne.
La remise des clés se faisait au bar de la plage et l’on convenait d’une heure limite, en fin d’après-midi, où Paul pouvait regagner la garçonnière.
Il rentrait à l’heure prévue, trouvant les deux amants rassasiés conversant sur le canapé de simili cuir.
Un jour, ce jour, le garçon, ponctuel pourtant, les surprit sur le lit, nus, en grande conversation.
Interloqué, Paul n’était pas au bout de ses surprises.« Ah, Paul, tu vas pas me croire, ricana l’archange, Jo est nulle en fellation ! »
Josepha levait les yeux au ciel, gestes de dénégation à l’appui.
« Je lui ai expliqué pourtant cent fois, pas moyen ! Comme si ça la dégoûtait.
Montre-lui ! 
Oui, montre-lui comment on fait, je suis sûr que tu fais ça super bien. Et toi, ma chérie, tu regardes et t’apprends, c’est pas compliqué ! »
L’embarras de Paul, qui n’était plus à un supplice près, n’était pas feint, bégayant à son ami « d’arrêter ses conneries ».
Inconscient de l’incongruité de la situation, Yann insistait, avec une soudaine fermeté.
Jo souriait ; son regard s’était fait interrogateur : c’était clair, elle consentait.
Paul finalement chavira, se penchant sur son ami et fit se redresser le membre inopportunément alangui.
Yann ne donna à entendre le moindre son, yeux clos, sourire aux lèvres, pendant que son ami le menait à l’extase ; Paul sentit que pendant qu’il s’en occupait, Jo les observait, pétrifiée.
Yann jouit à flots tumultueux sur sa peau qui fleurait bon le sel d’une récente baignade.
Souriant, admiratif, extatique, il dit :
« Eh ben voilà : ça c’est une pipe ! »

(à suivre)
(c) Louis Arjaillès pour Gay Cultes

Illustration : le plongeur Takeshi Katana photographié par Ken Kasuga 

8 commentaires:

Hadrien a dit…

Merci! L'attente continue...

André a dit…

Illustration : le plongeur Takeshi Katana photographié par Ken Kasuga (sur Flickr et Pinterest)

Silvano a dit…

Merci André.

Antoine a dit…

Ces tranches de vie joliment rédigées sont elles autobiographiques ?
Je viens de commander votre roman dont j'attends la réception avec impatience.

Silvano a dit…

Antoine : on peut les considérer comme étant de l'autofiction.

Mellitus a dit…

Quel régal de vous relire à nouveau! C'est toujours aussi agréable et plaisant ! Vivement la suite !

joseph a dit…

Mellitus a si bien résumér mon plaisir de lecture que je ne piperai plus mot

joseph a dit…

résumé , ah ce clavier trop peu tempéré