Alléluia, un acteur est né !
Je confesse volontiers que je n'avais guère aimé Été 85, le film de François Ozon où je retrouvai fort peu ce que j'ai gardé en mémoire de ces années-là.
J'y avais néanmoins décelé le potentiel de Benjamin Voisin, auquel échappa, cette année, le César du meilleur espoir masculin.
À charge de revanche : sa prestation dans Illusions perdues de Xavier Giannoli devrait lui permettre de récolter des lauriers amplement mérités.
Au premier plan d'une distribution sans défaut, le jeune acteur, qui aura 25 ans la veille du prochain Noël y est impressionnant de fougue, de beauté, de talent.
Le pari, quand on est entouré de tels comédiens, ici à leur meilleur, est gagné.
Fils d'un professeur de l'école Florent, l'acteur porte au plus haut niveau l'expression "enfant de la balle", incarnant un Chardon/de Rubempré qui imprègnera longtemps l'histoire du cinéma français.
Illusions perdues : un espoir loin d'être déçu
Voisin et Lacoste |
C'était un vrai bonheur de se mêler aux spectateurs d'une salle presque comble (un lundi après-midi !) et de ressentir les mêmes émotions, les mêmes sourires en réaction aux dialogues savoureux de Jacques Fieschi et X. Giannoli, leur adaptation mettant l'accent sur une intrigue étonnamment prophétique, anticipant les réseaux sociaux, le complotisme, l'absence de déontologie de certains médias (" Ton métier, c'est d'enrichir les actionnaires du journal " Lousteau dixit) et le matraquage publicitaire caractéristique de notre époque.
Ils sont nombreux à s'être cassé les dents en adaptant Balzac au cinéma : il se dit par exemple que l'Eugénie Grandet de Marc Dugain (je ne l'ai pas vu, mais ne le sentais pas) est une adaptation empesée du roman. J'ai en mémoire cependant le Vautrin équivoque joué par Michel Simon dans un film de Pierre Billon tourné sous l'occupation que j'ai découvert sur une chaîne à péage vouée aux "classiques" et l'excellente prestation de Depardieu (déjà !) dans Le Colonel Chabert d'Yves Angelo en 1994.
Dolan à son meilleur en frère ennemi |
Le film de Xavier Giannoli suscite l'enthousiasme pour de multiples raisons : son rythme jamais relâché, la reconstitution du Paris de la Restauration admirablement photographié par Christophe Beaucarne (le film déploie vraiment ses qualités lors de l'arrivée de Lucien dans la capitale et ne nous lâchera plus), l'intelligence de la mise en scène et une distribution des rôles d'une indéniable justesse. Si le film révèle le grand talent de Benjamin Voisin et celui de Salomé Dewaels (Coralie) qui crève tout autant l'écran, on jubile de l'interprétation de ce cher Vincent Lacoste (Lousteau), de celle, étonnante, du Québécois Xavier Dolan en Raoul Nathan, du dernier rôle de Jean-François Stévenin, et des retrouvailles avec Gérard Depardieu (Dauriat), simplement immense et, enfin, de celles, irréprochables, de Cécile de France (Marie Louise) et d'une Jeanne Balibar en Marquise d'Espard venimeuse à souhait, magistrale.
Pas la moindre fausse note, non plus, dans le choix des musiques, faisant la part belle, et ô combien méritée, à Schubert (Sonates, Sérénade), mais aussi à Purcell, Vivaldi revu par Max Richter, Guillaume Lekeu (fallait y penser !) ou, enfin, à Jean-Philippe Rameau avec le prélude de l'acte troisième d'Hippolyte et Aricie.
En résumé, Illusions perdues, en grand spectacle, redore le blason du cinéma français et laisse espérer le retour du grand public (enfin !) dans les salles obscures.
Le film de Giannoli le vaut bien !
Salomé Dewaels, Voisin, André Macon, Cécile de France, tous impressionnants ! |
En annexe : Rameau, bien sûr !
Je me creusai la tête en sortant du cinéma.
Le générique de fin avait déroulé trop vite la liste des œuvres musicales qui sublimaient les images.
Cet air m'était pourtant familier, qui ne cessait de résonner en moi : je l'avais écouté mille fois à la maison dans cette belle version des Musiciens du Louvre dirigés par Marc Minkowski.
Ouf, la voici !
4 commentaires:
Toujours en phase avec vos articles. C'est un film prodigieux.
C'est vrai, le générique défile trop vite; j'ai reconnu aussi les Indes Galantes, une chaconne de Bach, un quatuor à cordes ( Schubert? ) tout cela mêlé aux pulsions charnelles,on ressort étourdi.
Vincent : et, en final musical, le Concerto pour 4 pianos de Bach.
Vincent : sans doute le Quatuor en sol Majeur de Guillaume Lekeu.
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