Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.
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"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


vendredi 5 décembre 2025

Pasolini et les taudis de Rome

Pasolini dans le Mandrione par Henri Cartier-Bresson

Je me souviens d'un jour où, traversant Mandrione en voiture avec deux amis bolonais, j'étais bouleversé par le spectacle. Devant leurs masures, des petits garçons, âgés de deux à quatre ou cinq ans, gambadaient dans la boue immonde. Vêtus de haillons, l'un d'eux portait même un manteau de fourrure trouvé on ne sait pas où, tel un petit sauvage. Ils couraient partout, sans règles, ils bougeaient, s'agitaient comme des aveugles, dans ces quelques mètres carrés où ils étaient nés et où ils avaient toujours vécu, ne connaissant du monde que la petite maison où ils dormaient et les deux parcelles de boue où ils jouaient. […] La vitalité pure qui anime ces âmes est un mélange de pur mal et de pur bien : violence et bonté, méchanceté et innocence, malgré tout.
Pier Paolo Pasolini
I tuguri, dans "Viaggio per Roma e dintorni" su "Vie Nuove", n.37, 24 mai 1958, p.37.

Mandrione - Photo de Franco Pinna (1956)

(1) Dans les rues de Rome se cachent des histoires et des cultures d'une richesse inouïe, comme celles du Mandrione. Autrefois des prairies dans lesquelles paissaient des troupeaux, cette zone du Municipio Roma VII a vu son histoire façonnée par les événements. Particulièrement touchée par le bombardement de San Lorenzo en 1943, elle a vu naître des installations spontanées de déplacés sous les arches de l'ancien aqueduc Felice. Dans les années 50, la région est devenue célèbre pour la présence de communautés rom et pour l'activité de prostitution, des thèmes explorés par l'anthropologue Franco Cagnetta et immortalisés par l'objectif du photographe Franco Pinna. Le travail de ces deux professionnels a contribué à créer un précieux document du néoréalisme italien. Pier Paolo Pasolini, figure emblématique de cette époque, fréquentait le Mandrione et en parlait dans ses œuvres, laissant une empreinte indélébile dans la perception culturelle du lieu. Au fil du temps, une conscience civique est née parmi les habitants, également grâce à l'intervention de Linda Zammataro, qui, avec sa psychoanimation, a contribué à surmonter les conditions de dégradation. Aujourd'hui, le Mandrione s'est transformé, mais conserve des traces de son passé, entre vieux baraquements et nouvelles constructions qui racontent une Rome toujours en évolution. Il ne manque pas de références dans la littérature et le cinéma, qui continuent de célébrer et de raconter ce coin de ville chargé d'histoire et d'humanité. 

Traduit de Loquis-Georadio

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