Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


vendredi 29 mai 2015

Gay mais pas vraiment gai : "Nuits d'ivresse printanière", beau film méconnu


Synopsis : 
La femme de Wang Ping le soupçonne d'infidélité. Elle engage Luo Haitao pour l'espionner et découvre l'amour que son mari porte à un homme. C'est avec lui que Luo Haitao et sa petite amie, se jettent à corps perdu dans une folle équipée amoureuse.


Attachant, le héros de "Nuit d'ivresse printanière", qui fait naître le désir chez les garçons incertains d'eux-même.
Malgré lui, ou par négligence, il sèmera le drame sur sa route.
Réduire cette histoire à "une folle équipée amoureuse" comme le fait le synopsis ci-dessus (Allo Ciné), c'est négliger les multiples thématiques de You Le, tourné à la dérobée en Chine peu démocratique.
On effet bien loin de l'agréable et finalement inoffensif Y tu mama tambien d'Alfonso Cuaron chroniqué il y a (déjà !) longtemps ici-même.
Il y a à la fois du Truffaut (dans la manière de filmer) et du Fassbinder dans ce beau film plus automnal que printanier.
La confusion des genres y règne qui dévaste Luo Haiatao, l'espion fasciné par l'objet de son enquête.
Ce n'est pas rien pour une femme, chinoise de surcroît, d'apprendre que son époux la trompe avec un garçon.
On en connaît (et même personnellement, chut !) en terres occidentales qui s'en accommodent (tant que c'est pas une nana !); là-bas, c'est différent car on touche à l'ultime tabou.
Le film de Lou Ye est hautement homosexuel, nous laissant stupéfaits qu'il ait pu être tourné.
Rien que pour cela, il mérite qu'on fasse l'effort de se le procurer (DVD France Télévisions), en acte quasiment politique.
Il nous laissera le goût amer de l'homosexualité "maudite" chère à une certaine littérature : que veux-tu, lecteur, nous sommes voués aux flammes de l'enfer et faut faire avec ça !
Il y a, au coeur de ces nuits, des étreintes entre garçons dont le cinéaste ne nous cache quasiment rien, dont une scène "sous la douche" d'une torride crudité.
On perçoit, cependant, que ces scènes ne sont pas placées ici pour allécher le chaland.
Elles crient : "je baise avec des hommes, j'aime ça, j'emmerde toutes les censures !"
Tout le film est un cri, d'ailleurs, beau film désespéré, beau film de liberté ou d'aspiration à la liberté.
A méditer.



Amours cachées en dictature rampante...


Première publication : 22 novembre 2010

2 commentaires:

joseph a dit…

analyse remarquable qui n'appelle aucun commentaire , mais comment écrire un silence admiratif?

JC Heckers a dit…

J'ai découvert ce film il y a quelques mois. Effectivement, le synopsis induit en erreur, à prendre un raccourci. Quant aux ivresses du titre, elles restent bien amères. De l'excellent cinéma, sans artifices et sans vulgarité, sur lequel il faut s'attarder.