Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


lundi 23 septembre 2019

Automneries 2019, numéro un

Rome vue de haut - Photo Silvano Mangana
Mon dix-huitième arrondissement étant multicolore, j'étais si étonné de la foule monochrome qui envahissait le parvis du théâtre l'Odéon par une après-midi de septembre ensoleillée, que j'amusai l'ami que j'avais au téléphone d'un "c'est blanc de monde !".
Le ciel, aujourd'hui, par-dessus les toits de Paris, est moins d'azur qui va  virer au gris-argent ; s'y installera comme en urgence je le pressens, un automne qui me met bon an mal an dans les meilleures dispositions.
Les rues autour de moi bruissent d'une fourmilière affairée autour du vide-grenier de saison, et je sais ce qu'a d'incongrue la dénomination "grenier" dans une capitale où le moindre espace doit être rentabilisé, tant la fièvre immobilière qui s'est emparée de la ville ces dernières années l'a rendue inaccessible au commun des citoyens.
"Le ciel... qui va virer au gris-argent" - Photo instantanée, S.
"Citoyen", tiens, encore un terme devenu désuet, que l'on n'entend quasiment plus prononcer dans ces médias qui font la loi beaucoup plus, en fin de compte, que le législateur, ou du moins, qui en soufflent à ce dernier la teneur en fonction des  faits-divers ou de l'impatience des foules !
Chaque fois que m'oppressent  - et c'est de plus en plus fréquent - la malveillance, les incivilités, les affrontements de toute nature entre "citoyens" (le mot est peut-être obsolète, finalement), sans omettre ce qui touche à la vie publique - ce que l'on appelle aussi "politique" -, je me réfugie dans une Italie pourtant toujours prête à basculer dans le pire, et malgré tout accueillante et (j'ose !) "gionesque", presque identique, des décennies plus tard, à ce qu'en dit Jean, et, plus près de nous, à ce qu'en ressent Dominique Fernandez.
Je n'arrive pas à concevoir que c'est à Salvini que le signore affable qui m'offre une grappa bianca Nardini, celle que l'on vend à prix d'or chez nous, a peut-être, et même sans doute, apporté son suffrage à Salvini, ce fantoche qui vient de se tirer une balle dans le pied, ce dont on a jubilé, mais, je le crains, permettra juste au peuple italien de reculer pour mieux se faire sauter.
Le blog, j'en suis conscient, a cédé ces derniers temps à la facilité ; j'y trouve moi-même quelques médiocrités, des photos dont j'ai décidé de le débarrasser, car ne correspondant plus à mon état d'esprit du moment - mes amis vous diraient que je change avec la lune tout en soulignant - ce sont mes amis - que c'est chez moi une qualité, ce dont je suis de moins en moins sûr.
Clara Haskil (...) aimait les chats (...) en les vénérant.
Il y a un ami comédien tourmenté qui me rend visite avec moins d'assiduité qu'auparavant, mais il a maintenant une petite fille à élever, aussi belle qu'extraordinairement aimable. Nous avons renoué l'autre soir avec notre rituel qui consiste à écouter de la musique, religieusement posés sur le canapé, jamais vautrés, pour rester en alerte, pour partager nos trouvailles : lui avait apporté des vinyles dont un Bill Evans en public où il ravive des "feuilles mortes" tant ressassées, et un Mozart toujours en vie sous les doigts de Clara Haskil, laquelle aimait les chats comme on doit les aimer, en les vénérant. Je lui fis découvrir cet Alexandre Kantorow que j'ai glissé ça et là dans Gay Cultes ces derniers temps, et me fis confirmer ce que je clame ici ce faisant, qu'un immense pianiste est en devenir, qui nous console des duretés d'un monde devenu quasiment inhabitable.
Ceux qui viennent ici chercher autre chose que des photos de jeunes gens - il en est ! - ont peut-être compris que j'avais eu un été végétal.
Mes mains se sont subitement verdies, avec un désir irrépressible de m'entourer de fleurs et plantes dans un environnement bétonné chaque jour plus oppressant.
Une chaîne de télé a diffusé l'autre soir un film documentaire (ce n'est pas le terme qu'il faudrait) intitulé Sur les toits de Rome : les documents filmés ne manquent pas qui célèbrent souvent dans une tonalité "dépliant touristique" les beautés de la capitale italienne. Celui-là est différent, qui nous montre la grande cité vue du ciel, mais surtout de ses terrasses semblables à celles du film de Sorrentino La grande bellezza. J'ai souvent arpenté Rome le nez en l'air, repérant en effet ces jardins suspendus au cœur de l'effervescence latine (de "latium" s'entend). Le film de Morad Aït-Habbouche est à voir et revoir sans tarder et vaut bien que l'on supporte l'interminable minute de publicité qui le précède. C'est ici : clic.
Mais attention, ces images sont vénéneuses : elle inoculent en vous un besoin de charger illico le coffre de votre Fiat 500 ou de la 4 Chevaux de Mestre Giono et de filer tranquillement vers le Pincio.
Je vous souhaite une bonne semaine.


Rédigé dimanche 22 septembre
vers 10 heures du matin. 


5 commentaires:

Ludovic a dit…

Je ne sais pas, cher Silvano, si votre blog a cédé à quelques facilités et s’il y a vraiment des photos à exclure (à part celle des trois affreux que je mentionnais dans mon dernier commentaire) mais moi, je trouve qu’il ne cesse de s’améliorer, avec vos belles photos de « touriste » exigeant et attentif, avec vos légendes humoristiques, vos coups de gueule mérités, vos conseils cinématographiques avisés, vos cadeaux musicaux et surtout l’éclectisme de vos goûts qui assure une diversité esthétique visuelle et auditive dont peu de vos « confrères », enfermés dans leurs obsessions se montrent capables. Pleine lune ou premier croissant je vous suis en confiance et amitié.

Arrow a dit…

Merci Silvano pour cette jolie prose.
Bonne semaine à vous aussi.
Un citoyen du monde.

Silvano a dit…

Merci à vous, je persévère sans m'interdire d'évoluer. Amitiés.

Anonyme a dit…

Buongiorno.
Je relis ce matin cet article sur lequel j'étais passé (trop?) rapidement.
1) "Chaque fois que m'oppressent - et c'est de plus en plus fréquent - la malveillance, les incivilités, les affrontements de toute nature entre "citoyens" (le mot est peut-être obsolète, finalement), sans omettre ce qui touche à la vie publique - ce que l'on appelle aussi "politique" -, je me réfugie dans une Italie pourtant toujours prête à basculer dans le pire, et malgré tout accueillante et (j'ose !) "gionesque", presque identique, des décennies plus tard, à ce qu'en dit Jean" => Rien à redire. J'aurais pu écrire ce paragraphe dans les mêmes termes. PS : je suis plongé dans "voyage en Italie" ;-)

2) "Ceux qui viennent ici chercher autre chose que des photos de jeunes gens - il en est !" => Ben ... oui, je pense qu'on cherche ici principalement - et qu'on le trouve - autre chose que des photos !

3) "Mais attention, ces images sont vénéneuses : elle inoculent en vous un besoin de charger illico le coffre de votre Fiat 500 ou de la 4 Chevaux de Mestre Giono et de filer tranquillement vers le Pincio" => Oh que oui ! C'est curieux ; j'ai eu besoin hier de regarder des reportages sur ... la 4cv !
Je vous souhaite une belle journée - pluvieuse aujourd'hui - et une bonne semaine.
D.

Silvano a dit…

Merci, D. À ce moment survient une faible éclaircie. C'est mieux que rien.