Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


jeudi 1 avril 2021

Enfin, "Couche-toi et mâche !", la suite de "Tombe Victor !" Extrait 1 : Guimauve et chocolat

Paul Soubeyran, frappé de stupeur, - et l'on sait que la stupeur qui frappe peut faire très mal - les yeux rivés sur l'écran du Rex, eut la révélation de sa jeune existence : toutes ces nuits passées dans les bras des garçons relevaient d'un invraisemblable malentendu avec lui-même. Monica, la Malèna du film de Giuseppe Tornatore irradiait
(...) la révélation de sa jeune existence.
 la toile blanche, la crevait à en rendre quasiment aveugle le jeune homme victime jusqu'alors de coupables penchants. Sitôt sorti du cinéma, anéanti, il ignora l'étal de "La bonbonnière" où il avait coutume d'acheter des oursons chocolat-guimauve après chaque séance. Il se rappelait s'en être goinfré, comme en compensation, après la projection de Maciste chez les zoulous où le sculptural Steve Reeves avait provoqué des pulsions qu'il jugeait à présent monstrueuses, un priapisme dont il ne parvint à se départir qu'après nombre de "pignoles", comme on nommait dans la région le péché d'Onan.
Il n'en était pas ainsi aujourd'hui : Monica Bellucci avait déclenché en lui une érection qu'il ne voulut éteindre, n'en croyant ni ses yeux ni le reste.
Il se surprit soudain à poser son regard sur l'accorte Thérèse, la vendeuse d'oursins et de "poutine" (alevins d'anchois) de la Place Bertrand Delanoë. Mu par l'on ne sait quelle force irrépressible, il mit l'index et le majeur dans sa bouche aux lèvres purpurines pour émettre un sifflement strident qui eut pour effet de tétaniser tout ce que l'environnement comptait d'êtres humains, à l'exception notable de quatre de ces petits cakes, ces manants qui avaient pour habitude de venir à toute heure en sa demeure pour y quérir quelque fellation libératrice, voire mieux, une petite sodo vite fait bien fait.
Les voyous se fendirent (la poire) d'un éclat de rire tonitruant - l'un deux, par ailleurs, se prénommait Toni et avait une réputation de truand, mais je digresse... - qui rebondit de venelles en ruelles jusqu'à la Porte du Port.
Pétrifié, Paul rasa les murs jusqu'à la rue Pascal Sevran où il avait loué un studio ; ce qui prouve qu'il ne fut pas changé en pierre comme le laisserait supposer à tort l'adjectif qui introduit (le salaud !) cette phrase.
Au bas du vieil immeuble du 12ᵉ XIIᵉ siècle (vive les chiffres romains !) l'attendait Bébert*, un petit caïd du quartier ; la main posée sur la braguette de son jean, celui-ci le regardait venir d'un air gourmand en espérant venir à son tour rapidement.
Paul, encore sous le coup de son émotion cinématographique, les yeux toujours embués  du souvenir de la belle Monica, ne savait quelle attitude adopter.
Il se décida enfin :
- Salut Bébert*. Bon, je te  préviens : que ce soit la dernière fois !
Étrangement, il bandait toujours.

(À suivre, enfin, on verra) 

* Les prénoms ont été changés.
(Son vrai prénom est Robert, mais chut !)


7 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour cet éclat du rire matinal avec ce texte enlevé !

On attend la suite avec gourmandise :)

RG

Anonyme a dit…

Voilà qui sent très fort le poisson d'avril ^^

Seb

Anonyme a dit…

J'enlèverais un des deux "encore" de la phrase presque à la fin "Paul, encore sous le coup...."
Ceci Bravo. Quelle truite !
Xavier

Pippo a dit…

Quel bonheur de lecture! Merci, Silvano.

Antoine2laRochelle a dit…

Suite magnifique, on attend le prochain épisode...la main sur la braguette. Vivement le 1er avril 2022...

Silvano a dit…

Xavier, merci.
Antoine2laRochelle : merci de votre fidélité.
Merci à tous d'avoir apprécié ce "délire".

Antoine a dit…

Quel "regalo", merci !
Je plains ceux qui ne viennent ici que pour les images d'ange ou de jolis fessiers.
Antoine2Paris