Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


samedi 31 décembre 2022

"Caravage", c'est du lourdaud

Riccardo Scamarcio, pas à son meilleur

Combien de fois ai-je bâillé devant cette coproduction italo-française (ah, Garrel et Huppert doublés !) qui hésite entre la biographie et le film de genre sanguinolent ?  En deux heures (ou quatre, ou plus ?), rien n'est venu me sortir de la torpeur qui m'avait gagné dès les premières scènes. Malgré les décibels dispensés en Dolby, les vociférations des protagonistes, le bruit et la fureur en guise de fil rouge-sang (quel déluge d'hémoglobine !), mon intérêt jamais ne s'éveilla. La vie de l'immense peintre fut certes des plus agitées et sa mort des plus mystérieuses : la thèse ici développée paraît peu plausible, que viennent contredire les recherches récentes qui concluent, tant que faire se peut, à une fin moins romanesque sous les effets d'une mauvaise fièvre ou encore d'une septicémie, conséquence d'une blessure mal soignée, mais certes pas d'un assassinat organisé sur ordre venu d'en haut. Toujours est-il que Merisi est mort à l'hôpital comme en témoignent les registres de Porto Ercole. Seule bonne idée du scénario, le personnage (fictif) joué par Louis Garrel, sorte d'inquisiteur acharné à la destruction de tout ce qui fait de l'artiste sa spécificité : l'utilisation des marginaux du "bas-peuple" comme modèles pour des œuvres relevant du sacré. "L'Ombre" (Garrel) est en fait le personnage le plus intéressant, l'acteur français faisant... de l'ombre à un Riccardo Scamarcio qu'on a vu bien meilleur par ailleurs. On est loin de la vérité, mais tant qu'à faire, un film "allégorique" sans prétention historique eût été mieux venu. En d'autres temps, un Ken Russel (Les diables, Lisztomania ou sa bio de Tchaïkovski) s'en était fait une spécialité, maniant la grandiloquence avec un certain talent. Pour ce qui est du grotesque, il semble avoir fait de Michele Placido un émule.
Quant au génial Caravage, en se dispensant de ce "biopic", on préfèrera lire ou relire l'excellent livre de Dominique Fernandez La course à l'abîme.    


3 commentaires:

Joachim a dit…

Merci pour cette chronique, je ne le sentais pas, ce film.

Claude a dit…

Je partage votre opinion cher Silvano
Cet ouvrage de notre académicien est un des trésors de ma bibliothèque, quant à cette sois-disant biopic je passe mon chemin.

jos a dit…

juste un petit mot pour vous remercier de m'avoir fait découvrir ce formidable livre de Dominique Fernandez sur ce génie de la peinture -(j'avais déjà lu Tribunal d'honneur, Nicolas)- que je viens à peine de terminer!