Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


dimanche 21 janvier 2024

Lucien, Paul, Léo

Âme, te souvient-il est un poème de Paul Verlaine extrait du recueil Amour (1888).
Léo Ferré le mit en musique et l'interpréta dans l'album Verlaine et Rimbaud.
Sacha Barrette a composé cette belle mise en images.  

Âme, te souvient-il, au fond du paradis
De la gare d'Auteuil et des trains de jadis
T'amenant chaque jour, venus de la Chapelle
Jadis déjà, combien pourtant je me rappelle

Après les premiers mots de bonjour et d'accueil
Mon vieux bras dans le tien, nous quittions cet Auteuil
Et, sous les arbres pleins d'une gente musique
Notre entretien était souvent métaphysique

Ô tes forts arguments, ta foi du charbonnier
Non sans quelque tendance, ô si franche à nier
Mais si vite quittée au premier pas du doute
Et puis nous rentrions, plus que lents, par la route
Un peu des écoliers, chez moi, chez nous plutôt
Y déjeuner de rien, fumailler vite et tôt
Et dépêcher longtemps une vague besogne
Mon pauvre enfant, ta voix dans le bois de Boulogne

Dans le recueil Amour, Verlaine consacre pas moins de 25 poèmes à Lucien Létinois, dont il fut éperdument amoureux. Ce garçon mourut de la typhoïde à l'âge de 23 ans, laissant le poète inconsolable. C'est bien Lucien qu'évoque Verlaine, notamment, dans Âme, te souvient-il : le jeune homme travaillait effectivement à Auteuil où Paul venait le chercher chaque après-midi avant de cheminer avec lui jusqu'à Boulogne. "Mon pauvre enfant" : il s'agit bien de Lucien.
Quant à "dépêcher longtemps une vague besogne", il s'agit d'une allusion que d'aucuns jugent particulièrement équivoque.

Selon le blog Histoires ardennaises : [La pièce VIII (Ô l'odieuse obscurité) de la section Lucien Létinois du recueil Amour paraît très explicite. Certains biographes nient cette liaison charnelle. En tout état de cause, l'attachement de Paul Verlaine pour Lucien Létinois semble avoir été sincère et partagé. Verlaine reporte sur Lucien, dont il aime la douceur et admire la prestance, son amour paternel frustré. Lucien, plus docile et prévenant que Rimbaud, paraît avoir accepté de bonne grâce les sentiments protecteurs du poète.]

Dans le dixième des poèmes dédiés à Lucien,
Verlaine l'évoque ainsi :
L'unique photo de Lucien Létinois


Fin comme une grande jeune fille,
Brillant, vif et fort, telle une aiguille,
La souplesse, l'élan d'une anguille.

Les 25 poèmes Lucien Létinois sont à lire ici : lien

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Dolcezze mattutine domenicali.

Pierre a dit…

Que de belles souvenances pour un dimanche matin.
C'est très gentil de partager avec nous tant de beauté, tant de bonté.
Merci Silvano et bon dimanche à vous.

Pouet Poète a dit…

Merci, Silvano, pour ce bel article, mais il est étrange que Léo FERRÉ ait mis en musique un poème adressé à Lucien LÉTINOIS, dans un album dédié à RIMBAUD, deux amours bien différents pour RIMBAUD. Mais l'oeuvre est bien jolie !

Silvano a dit…

Pouet... : ne changez pas de pseudo à chaque intervention, merci (un simple prénom — toujours le même- me convient). D'autant que celui-ci est fort peu poétique. Léo Ferré a toujours fait ce qui lui semblait bon. Il est trop tard pour le lui reprocher.

Joachim a dit…

Joli billet. On évoque plus souvent Arthur que Lucien. L'amour de Verlaine pour le second était plus paternel et plus tendre que pour le premier, tellement passionné.