J'aimerais ne pas l'aimer. |
« C’était vachement bien ce truc ! » Ce sont
les premiers mots du Breton au réveil. La lumière de ce printemps béni s’immisce
par les jalousies des volets. Juste assez, par discrétion, pour ne pas trahir
le secret de nos amours interdites.
Je balaie du regard pour m’en repaitre ce corps de tout son
long étalé, nu, le cuivre de la peau glorifié par l’écru du drap de lin que les
désordres de notre nuit ont malmené.
On a recommencé le « truc » autour de midi.
On a pris une douche ensemble, après. On est partis pour la plage à deux sur
mon "Ciao"*, et il me serrait la taille deux fois plus fort que d'habitude, comme
en signe de gratitude. On n'est pas allés aux Grandes Rives, pour éviter Josépha
et les autres. « Tu nages toujours aussi mal ! » raille-t-il. J’ai admiré son crawl,
souple, délié, conquérant. C’est un poisson-volant. J’aimerais ne pas l’aimer.
Un pressentiment m’alerte, que je souhaiterais ignorer. Lui ne semble pas se
poser de questions ; jamais je ne l'avais vu si rayonnant.
On attend que le
soir tombe et que la plage soit déserte pour de furtives effusions.
« Juste une chose : on se roulera pas de
pelles, ok ? ».
On a croisé sur la courtine un gars qui nous a décoché
un regard chargé de toutes les haines.
« Ça, c’est le genre de mec qui veut te casser la
gueule le lundi et vient se faire sucer le mardi, non ? »
J’esquisse un sourire entendu.
Yann est désarmant de sagacité : le "mec", c’est Luigi, un Calabrais ; qui est
déjà venu trouver chez moi ce que ne veulent offrir
les minettes.
Un jour pendant qu’il rajustait son jean, j’ai vu dans son sac semi-ouvert l’attirail
du parfait cambrioleur.
Excitante frayeur s'il en est, mais j'ai jugé préférable, depuis lors, de l'éviter.
« Faut dire que t’es un expert. Josépha en sait
quelque chose ! »
« Celle
qui a droit aux pelles ?! »
À suivre (sans doute)
* Cyclomoteur du même constructeur (Piaggio) que la célèbre "Vespa."
La production du Ciao a cessé à l'aube de ce siècle.
Dans les années 70/80, tous les jeunes gens de 14 ans et plus se devaient d'en posséder un.
3 commentaires:
Bravo Silvano
Merci, cher Silvano, de ce moment de bonheur.
C'est la première fois que j'ajoute un commentaire. Je le fais pour vous dire: magnifique, élegance, tendresse...
Merci beaucoup. Henri.
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