Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


mercredi 3 novembre 2021

Pauvre Tadzio

Arte diffusait lundi soir le Mort à Venise de Luchino Visconti.
Pour qui l'avait vu et revu, c'est dans le documentaire suédois qui succédait au film que l'on pouvait trouver le plus grand intérêt.
L'ange blond de Visconti : Björn Andresen, de l'éphèbe à l'acteur, c'en est le titre, permet de découvrir le vieil homme que Tadzio est devenu, abandonné dès la première ridule, condamné à porter sa croix d'icône et de plus beau garçon du monde le temps d'un chef-d'œuvre, pas une seconde de plus.
Pauvre destinée que celle de cet homme parmi les hommes, boulet viscontien à la cheville (son passé d'icône lui collera à la peau toute sa vie), mauvais choix artistiques (au Japon, où on l'adule, on l'utilise comme un objet, notamment dans une pub pour une marque de chocolat), addictions, vie privée en ratages successifs, frustration de n'avoir pu devenir musicien...
On notera que le documentaire rend justice à Visconti - j'avais déjà écrit sur le sujet - que les vipères devenues hélas, avec le temps maîtresses à ne plus penser, à ne rien vérifier, avaient dépeint en prédateur, soucieux d'exhiber, sifflaient-elles, l'ange exterminé de bar en bar, de club en club.
Il n'en était rien.*
Néanmoins, pendant le Festival de Cannes, de mauvais génies l'entraînent et étalent sa fragile beauté dans une discothèque gay où il subit les regards concupiscents de la faune nocturne ; cette soirée le marquera à jamais. 
Drôle de gloire, drôle de vie.

(Séance de rattrapage ici : clic)

Aujourd'hui, on continue à monter La mort à Venise, le ballet, sur la partition de Benjamin Britten.
Le Tadzio ne pourrait plus être un adolescent de quinze ans, là-aussi un signe des temps que l'on peut déplorer, ne serait-ce qu'ayant le souci de la fidélité à l'œuvre originale.
Personnellement, le garçon plus mûr qui affole les messieurs et les dames dans la version présentée en 2015 au Garsington Opera (Wormsley) m'attire nettement plus que l'éphèbe du Maestro.
Il s'appelle Célestin Boutin et je précise qu'il n'a aucun lien de parenté avec la Crétine du même nom.

La mort à Venise 2015

* Note à 11 h 30
Comme le fait remarquer un commentateur de ce billet, l'attitude de Visconti après Cannes est des plus surprenantes, voire révoltante : si, effectivement, le cinéaste a protégé l'éphèbe dans un premier temps, il l'abandonnera à son sort par la suite. L'anecdote "cannoise" est sur ce point révélatrice.

9 commentaires:

estèf a dit…

Je trouve qu’il est devenu un assez beau vieillard, très Hugues Aufray, ne serait-ce cette barbe bien trop longue.

Eric D a dit…

Je n'ai rien à ajouter sur la soirée Arte, effectivement le documentaire m'a ému.
Merci Silvano de nous faire découvrir ce merveilleux danseur; une recherche sur google m'a permis de découvrir ce jeune prodige de la danse.

Anonyme a dit…

Documentaire très instructif sur la cruauté du monde du cinéma !

L'indifférence coupable de Visconti, sur le sort de son jeune acteur, après le succès du film, est tout bonnement impardonnable ! Comment, en choisissant Björn Andresen, ne pouvait-il pas déceler chez cet éphèbe de quinze ans la fragilité de l'adolescent à peine post-pubère ? Pourquoi a-t-on sacrifié ce garçon sur l'autel du septième art ?

Je suis tout à fait de votre avis, Silvano. Le garçon, Célestin Boutin, choisi pour incarner Tadzio, dans le ballet présenté en 2015, est autrement plus troublant que Björn !...

René

Silvano a dit…

estèf : oui, si ce n'est qu'il est bien plus jeune que le chanteur. Prématurément usé, il aura 67 ans en janvier 2022. Hugues Aufray a... 92 ans !

René : j'approuve. L'attitude du grand cinéaste est plus qu'étonnante.

Anonyme a dit…

Bonjour , je trouve ce film de Visconti pas bon du tout. A part peut être la promenade dans Venise dévastée par le choléra , qui est à ce moment là du cinéma .Le reste est pénible!
Serge

Jules D. a dit…

J'ai trouvé le film beau et ennuyeux à la fois. Le garçon est d'une beauté extraordinaire, c'est vrai.
Jules

Périclès a dit…

Un documentaire émouvant, mais surtout amer et presque glaçant parfois. A voir en tout cas, comme le film.

estèf a dit…

Je n’avais pas regardé son âge… en effet !

Anonyme a dit…

Célestin Boutin était un beau Tazio et a donné une performance mémorable dans le ballet.
-Beau Mec à Deauville