Touché par la grâce (de Dieu)
Vous connaissez sans doute l'argument (le "pitch", vulgairement) qui fait de ce film un objet indéfini entre documentaire et fiction.
Tourné avec d'infinies précautions, Grâce à Dieu, en ces temps où "notre sainte mère l'église" commence, enfin, à procéder à son introspection, raconte la naissance de l'association La parole libérée, puis le combat mené par les victimes d'un prêtre pédophile dont les agissements furent couverts par sa hiérarchie et, notamment, les cardinaux Decourtray et Barbarin que l'église a faits successivement "primats des Gaules" (archevêques de Lyon).
On savait que François Ozon est un grand cinéaste qui passe d'un sujet à l'autre avec le même talent, et ce, depuis ses tout débuts, quand il tournait des films en direction de la clientèle du MK2 Beaubourg (pour les lecteurs de nos régions, c'est le cinoche le plus proche du Marais parisien, qui adapte sa programmation à la clientèle du quartier) : Sitcom, Les amants criminels, et, dans une moindre mesure, Gouttes d'eau sur pierres brûlantes, étaient de ceux-là.
Avec 8 femmes, Ozon touchait le grand public, et l'on s'aperçut que ce garçon n'était pas seulement un réalisateur de films "pour pédés" et savait filmer. Il le prouva un peu plus tard avec une comédie scintillante adaptée du théâtre de boulevard (Potiche), un hyper-intelligent Dans la maison (Luchini fut-il jamais meilleur ?), puis avec Frantz, beau grand film triste à voir et à revoir (ah, les images de Pascal Marti !).
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Au premier plan : Denis Ménochet, Eric Caravaca, Swann Arlaud et Melvil Poupaud |
On s'accorde à dire, tous médias confondus, que Grâce à Dieu est son meilleur film, que j'ai vu à l'Arlequin, en séance de semaine, entouré, en majeure partie, de "cheveux bleus" pas précisément adhérents de la Fédération Nationale de la Libre Pensée. Le générique de fin déclencha néanmoins une salve d'applaudissements (quelle drôle d'idée que d'applaudir au cinéma, jamais compris, ça !) qui indique, peut-être, que l'hypocrisie qui règne depuis des siècles sur une institution à bout de souffle (ceci expliquant cela), est peut-être en train de se fissurer, voire plus.
Car c'est bien de cela - et de beaucoup d'autres choses - que les auteurs nous parlent, nous faisant entrer, dès le début du film dans une famille "catho" presque "tradi" d'où le scandale va naître par la voix et l'action du pater familias joué par un Melvil Poupaud transcendé par le rôle, comme le sont tous ceux qui vont mener le combat avec lui : toujours parfait Denis Ménochet (Jusqu'à la garde), l'ex-beau voyou Swann Arlaud, toujours beau mais déglingué, Bernard Verley en ecclésiastique prédateur vieilli et incapable d'assumer ses actes ou de demander pardon, et tous les autres, remarquablement distribués ("castés" dirait-on chez Trapenard). Des actrices, on retiendra surtout LA Balasko (enfin !) et la grande Hélène Vincent en mères de victimes, de celles qui n'ont rien vu, ou, pire, ont joué les autruches.
La rigueur avec laquelle Ozon, qui en est également le scénariste, mène son récit, le rythme, avec un montage au scalpel, font de Grâce à Dieu un film dont le cinéma français peut être fier.
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Pour une fois, les accroches |
Escroquerie vaticanesque, tel père tel fils, copinage et indécisions
De Gide, finalement, je n'aime vraiment que le Journal et Les faux-monnayeurs. Ce dernier parce qu'il fut l'une de mes plus agréables lectures d'adolescent, à l'âge où l'on commence à savoir lire entre les lignes.
Bon, je suis un peu injuste avec un auteur qui sut se révéler relativement tôt, une fois sa notoriété bien établie : L'immoraliste et Si le grain de meurt ne sont certes pas à ignorer et contiennent quelques très belles pages, de même que cette nouvelle (ou roman court si on préfère) intitulée Le ramier qu'on ne craindra pas de définir comme assez bandante si ma mémoire ne s'égare pas.
Quant aux Caves du Vatican, que je découvre sur le tard, c'est amplement dispensable : le Saint-Siège est certainement très à la mode actuellement, mais cette histoire d'escroquerie fin de siècle (l'avant-dernier) est écrite dans un style désuet, quasiment illisible de nos jours, d'autant que je sortais du dernier Goncourt, Leurs enfants après eux, écrit à la hache et peut-être bien au hasch, par un Nicolas Mathieu qui nous fait faire, donc, un bond de près de deux siècles, pendant lesquels furent publiés des œuvres autrement moins légères que l'historiette un brin compassée de Dédé, qui se risque néanmoins à glisser ça et là quelques allusions à des mœurs assurément mezzo-mezzo du jeune et beau Lafcadio, meurtrier d'occasion qui a dû bien faire rigoler Genet si tant est que ce dernier ait lu le roman jusqu'au bout.
Mais je m'égare et préfère revenir à moi, vous disant que j'emporte avec moi en Italie la semaine prochaine (où je vais musarder mais aussi bosser, cette fois) l'oeuvre de Giorgio Bassani Le roman de Ferrare, qui est la somme des œuvres du grand écrivain italien consacrées à sa ville.
On y trouve bien sûr Le jardin des Finzi Contini dont V. De Sica fit un film d'une grande beauté et Les lunettes d'or devenu coproduction italo-française de Giuliano Montaldo où Philippe Noiret interprète le Dottore Fadigati tombé en amour pour son malheur d'un bel Eraldo joué par Nicola Farron (v. billet précédent).
L'intérêt de ce Roman de Ferrare, c'est, pour moi la découverte des autres œuvres relatives, Dans les murs, Derrière la porte, Le héron et L'odeur du foin.
L'intérêt de cette belle édition réside également dans les documents exceptionnels qu'elle recèle, dont un avant-propos de Pier Paolo Pasolini intitulé " L'histoire de Bassani commence commence par un doute : F. ou Ferrare.", des entretiens donnés en leur temps par Bassani, une chronologie, une bibliographie et une filmographie, et, enfin, un plan et des vues de Ferrare.
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Tasso en prison, visité par Montaigne par Fleury Richard |
Ferrare, où je vais aller dans quelques jours sur les traces de Bassani et du grand poète Torquato Tasso ("Le Tasse", en France !?) que le Duc d'Este fit enfermer à l'asile d'aliénés local où Montaigne lui rendit une visite relatée dans ses Essais.
À Ferrara souffle encore l'esprit du grand musicien et compositeur Girolamo Frescobaldi et, plus près de nous, celui du grand cinéaste Michelangelo Antonioni.
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On affiche la couleur ! |
Auteur, il y a quelques années, d'une biographie de Roger Peyrefitte* fort bien documentée, Antoine Deléry nous livre aujourd'hui un roman que l'on peut qualifier de "polar gay" qui ravira les amateurs du genre.
Malgré quelques maladresses et baisses de rythme, Un homme décidé** se lit agréablement, qui nous plonge dans les milieux glauques de la pornographie homo où se déroule essentiellement l'enquête, mais nous permet de respirer de temps à autre les embruns de l'île de Ré en compagnie d'un beau voyou qui a fait craquer le narrateur et l'entraîne dans des péripéties de nature à bousculer ses jours tranquilles en rivages atlantiques.
Si le titre semble avoir été "décidé" à l'emporte-pièce, si la photo de couverture peut apparaître racoleuse, le roman-policier de Deléry est tout à fait digne d'intérêt.
Difficile d'écrire sur le travail d'une personne que l'on connaît, et qui, de surcroît vous adresse une très touchante dédicace, et je me suis efforcé à la plus grande objectivité, sans manier l'encensoir.
Je souhaite à Antoine Deléry de "vendre" au moins autant d'exemplaires de son roman que j'en ai écoulé et écoule encore de mon Tombe, Victor ! dont le manuscrit avait été refusé par H&O en son temps.
* Roger Peyrefitte le sulfureux, par Antoine Deléry (H&O éd.)
** Un homme décidé par Antoine Deléry (même éditeur)
Bonus
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Jamie Platt par Annemarieke van Drimmelen |
Moi, les garçons,
c'est (surtout) comme
ça que je les aime.