Le journal quotidien - non hétérophobe - de Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007. Photo en-tête Mina Nakamura "La gravité est le plaisir des sots"
Du roman d'Herman Melville Billy Budd, Benjamin Britten fit un opéra qui reste son chef-d'œuvre, souvent repris sur les grandes scènes internationales. En 1962, Peter Ustinov en fit un film respectueux de l'œuvre originale où Terence Stampcampait un Billy dont la beauté et une sorte de "sainteté" provoquent le trouble tout autour de lui, préfigurant le Théorème de Pasolini dont l'acteur sera le héros peu après. Un peu dans le film d'Ustinov, beaucoup dans la plupart des diverses reprises de l'opéra de Britten (lui-même homosexuel), la dimension "gay" de l'oeuvre de Melville n'échappera à personne, d'autant qu'elle est sublimée, dans l'opéra, par le livret de E.M Forster et Eric Crozier. Souvenons-nous que c'est à Forster que l'on doit l'inoubliable Maurice porté à l'écran par James Ivory.
Je n'ai pas beaucoup de temps. Je me contenterai donc de distribuer mes étoiles (5 au maximum) et de commenter en quelques mots :
Vif, intelligent, drôle, jubilatoire ! Acteurs à leur meilleur. **** (et demie)
J'ai pensé à Un été 42, le film de Robert Mulligan qui relate la liaison qui unit un adolescent à une femme mûre. Parallèlement, c'est la musique du film Le messager de Joseph Losey qui rythme le film de Todd Haynes (ah, Loin du Paradis !), musique dont on peut dire qu'elle est... sciante ! Bon film, et ces deux actrices, fichtre ! *** (et un peu plus)
Une idée scénaristique formidable !
À quelques mètres de l'horreur absolue,
la vie heureuse de la famille du commandant
du camp d'Auschwitz-Birkenau. Admirablement filmé et interprété.
Poignant. *****
Daaaaaali ! peut désarçonner, surtout si on a vu le précédent Dupieux, Yannick. Délire "dupiesque" qui n'aurait pas déplu au flamboyant Salvador. Baer est parfait et Jonathan Cohen nous épate de film en film. Anaïs Demoustier est bien jolie. Pio Marmaï fait le job, comme dans chacun de ses films mensuels. Lellouche, bof. On "rirote" quelquefois, après un début hilarant, dur à égaler par la suite. ***
C'est l'affiche américaine, bien meilleure que la française, plus évocatrice, de Sans jamais nous connaître. J'ai dit tout le bien que j'en pense ici : clic Exceptionnel. Bouleversant. *****
Lion d'Or à la Mostra 2023. Yorgos Lanthimos, cinéaste très "tendance" fait souffler un maelström cinématographique éreintant. Emma Stone est mieux que bien. Ruffalo mérite une plus grande visibilité : c'est un grand acteur, mais je le savais. On aime ou on déteste ce film dans lequel se font sentir les influences de Tim Burton, Wes Anderson ou Damien Chazelle. Bref, j'ai trouvé ça outrancier. *** tout de même
Une vraie comédie musicale "à l'ancienne", effets spéciaux mis à part. C'est vif, coloré, merveilleux au juste sens du terme. Timothée Chalamet confirme ses multiples talents, chantant admirablement, menant le film avec grâce et vivacité, entouré d'une pléiade d'acteurs efficaces, dont un surprenant Hugh Grant. À voir avec nos yeux d'enfants. ****
[Paris, 28 septembre 1942 : pendant l’occupation allemande, Rose Clémenti, concierge au 19, rue de Babylone, donne naissance à son deuxième enfant, Pierre, avant de quitter sa charge pour s’installer rue Saint-Placide. Seule face aux difficultés matérielles et au « qu’en dira-t-on ? », elle fait le ménage chez les bourgeois, livre des chapeaux, se lève à l’aube et rentre à la nuit tombée, disparaît mystérieusement à la fin de la guerre puis revient, ignorante du destin qui attend ce bébé qu’elle ne souhaitait pas et dont la vie restera à jamais marquée par « le secret de Rose ». La singularité, la beauté, le talent d’un « enfant de misère » qui devint acteur et dont tous s’accordent à dire qu’il fut, ange ou démon, un être d’exception, naît certainement là. Car qui était Pierre Clémenti ? Partie à la recherche de celui « qui jamais ne trahit ses rêves », l’auteur nous entraîne à travers Paris occupé, derrière les murs des bagnes pour enfants et dans les milieux underground des années 70. Des trottoirs de Saint-Germain-des-Prés, à la Factory d’Andy Warhol, des milieux artistiques et littéraires aux hôpitaux psychiatriques, on croise Jean Genet, Roger Blin, Maurice Béjart, Philippe Garel, Bernardo Bertolucci, François-Marie Banier, Dominique Isserman ainsi que Jean-Pierre Kalfon et tous ceux qui firent les belles heures d’une époque trop séduisante pour n’avoir pas été dangereuse. Ce récit très personnel est aussi celui d’une belle amitié entre le peintre et son modèle, décédé à 57 ans d’un cancer du foie.] Ces lignes en argument du très bel ouvrage consacré par Jeanne Hoffstetter à ce comédien incandescent dont la vie fut un véritable roman. Clementi reste à jamais dans les mémoires cinéphiles comme l'acteur d'une époque marquée par la rébellion d'une jeunesse assoiffée de justice et de liberté. C'est bien de ça qu'il s'agit : Pierre Clémenti fut avant tout un homme libre. Sans compromissions, jamais.
Dans "Belle de jour" de Luis Buñuel avec, ci-dessous, Catherine Deneuve.
Le Guépard de Luchino Visconti
Photo (fameuse) en haut à gauche : Porcherie de Pier Paolo Pasolini.
On lira avec intérêt Pierre Clémenti, roman (!) de Jeanne Hoffstetter (Denoël éd.).
Piero Tosi lors de l'exposition romaine (Musée des expositions)
Medea (Pier Paolo Pasolini 1969) | Même en noir et blanc...
Le grand créateur de costumes du cinéma italien Piero Tosi, 92 ans, est mort samedi dernier à Rome où j'avais eu a chance d'apprécier, il y a quelques mois, l'exposition où étaient présentés quelques uns des nombreux costumes qu'il créa pour nombre de chefs-d'oeuvre du 7ème art.
Ce sont évidemment les films pour lesquels il apporta son talent à Luchino Visconti qui sont dans toutes les mémoires : on se souvient de la robe de bal de Claudia Cardinale dans Le guépard, du maillot de bains à rayures de Björn Andresen dans Mort à Venise et des toilettes de Silvana Mangano dans le même film ou des costumes de Romy Schneider et d'Helmut Berger dans Ludwig. C'est avec Visconti qu'il débuta pour Bellissima, avec lui qu'il travailla également pour l'opéra, dont, notamment La Somnambulede Bellini avec Maria Callas, à la Scala de Milan en 1955.
Isabelle Huppert | La storia vera della signora dalle camelie (La dame aux camélias)
Bien sûr, Tosi, qui reçut un Oscar d'honneur en 2014, travailla pour d'autres grands du cinéma dont Bolognini pour lequel il habilla somptueusement la Dame aux camélias, jouée par Isabelle Huppert.
Au premier plan Romy Schneider dans Ludwig (L.Visconti 1972)
Dirk Bogarde et Björn Andresen dans Mort à Venise (Visconti, 1971)
Un peu plus de cinquante mille entrées en salles - peanuts, donc ! -, aucune "nomination" aux César, lesquels, ainsi, se discréditent : le film de Bertrand Bonello, sorti à la sauvette l'été dernier est donc LE bide incompréhensible de l'année 2016.
On trouvera peut-être comme excuse au public le traumatisme encore vivace dû à l'attentat de Nice et à ceux qui l'ont précédé.
L'injuste malentendu vient sans doute du sujet qui met à l'écran la folle journée d'un groupe de jeunes qui décident de s'attaquer à L’État, en ciblant tout ce qui symbolise ce que d'aucuns appellent le système.
Mais en aucun cas, l’œuvre n'est inspirée par les évènements qui ont frappé la France au cours des derniers mois.
Ici, les terroristes ne sont pas inféodés à une quelconque organisation, islamique ou autre : ce sont des jeunes gens venus de tous milieux et de toutes origines qui ont projeté cette action que le qualificatif de "révolutionnaire" ne suffit pas à nommer.
Ce sont presque encore des enfants qui entreprennent ce parcours du désespoir avec une détermination glaçante, qui préfigure peut-être une fin de "civilisation" en forme d'apocalypse. Nocturama est un grand film : les jeunes acteurs sont incroyables, beaux dans leur totale indifférence à la sanction, inévitable ; la photo est somptueuse, la mise en scène est exceptionnelle - Bonello est définitivement un "grand" - , la bande-son lancinante.
Film "maudit", courageux, fable sanglante, Nocturama nous assène un coup de poing revivifiant, bouscule nos existences bourgeoises satisfaites, nous hantera longtemps après le générique de fin.
On lira la critique de Louis Guichard dans Télérama, suivie de commentaires fort divergents. Moi, je l'approuve à cent pour cent.
C'est par là : boum !
Rattrapage : DVD (même pas un Blu ray pour rendre justice totalement à une photo sublime !) chez Wild Side en vente presque partout.
Beira-Mar ou l'âge des premières fois, le film deFilipe Matzembacher et Marcio Reolon sort aujourd'hui.
La bande-annonce ci-dessus est nettement plus explicite que celle que l'on peut voir en France, et laisse envisager une parenté avec Y Tu Mamá También d'Alfonso Cuaron, autrefois chroniqué ici.
Synopsis :
C’est l’hiver au Brésil. Lorsque Martin doit rejoindre le littoral et
rencontrer pour la première fois la famille de son père, il propose à
son meilleur ami de l’accompagner. Tomaz accepte, voyant ce séjour comme
l’occasion de raviver leur amitié. Dans cette maison faisant face à une
mer froide et déchainée, les deux adolescents passent leurs journées
ensemble, à l’écart du monde. Sur fond de quête identitaire et
d’attraction mutuelle, ils vont découvrir le doute, la jalousie et
l’amour.
Le beau film noir de George Stevens (1951) réunissait à l'écran Elizabeth Taylor et notre cher "Monty" Clift, lequel, à l'instar de son confrère Rock Hudson, dut cacher au public son homosexualité.
Une belle amitié unissait Liz à ce grand acteur au (beau) physique hors des canons de beauté alors en vogue à Hollywood.
Il n'est pas étonnant que, par la suite, Miss Taylor devint la star la plus "gay friendly" du septième art.
La musique de Franz Waxman (écoutez jusqu'au bout !) rappellera de beaux moments à certains d'entre vous qui eurent la chance de suivre, à une époque où la télévision savait donner toute sa place au cinéma, une émission devenue mythique : Cinéma Cinémas, de Claude Ventura, dont la musique de Waxman accompagnait le générique.
Le contributeur à You Tube nous livre ici un excellent travail, qui permet de voir quelques images, d'un beau noir et blanc, d'un grand classique indémodable.
Le générique mythique de Cinéma Cinémas
On trouve un coffret de 4 DVD qui réunit quelques numéros inoubliables de cette grande émission.
Portrait de Tyrone Power, 1936. Photo Alfred Cheney Johnston
Vu au cinéma lors d'une reprise lorsque j'avais une dizaine d'années, The Eddie Duchin Story* (George Sidney 1956), somptueux mélodrame en CinémaScope et Technicolor, a été déterminant pour moi.
Côté commère, des bruits ont couru sur les inclinations de Tyrone Power, immense "star" d'Hollywood des années 30 à 60.
Je n'ai (hélas !) pu vérifier.
L'acteur mourut pendant le tournage de Salomon et la reine de Saba dont j'ai proposé récemment un extrait (c'est Yul Brynner qui reprit le rôle).
* Titre français : Tu seras un homme mon fils, que l'on trouve en DVD chez Columbia Classics à un prix si bas qu'il serait dommage de s'en priver.
Attention, prévoir des mouchoirs, c'est triiiiiiiiiiiiiste !
"Rôle à Oscar" ?
Peut-être.
Toujours est-il qu'Eddie Remayne est bouleversant dans Danish Girl, le film de Tom Hooper (Le discours d'un roi), actuellement sur les écrans français.
De facture très classique, pas bien filmé, il est vrai, mais évitant miraculeusement le pathos et la caricature, c'est une œuvre qui aura le mérite d'ouvrir les esprits les plus obtus.
Infatigable, Ennio Morricone (85 ans) donne (offre, devrais-je dire !) concerts sur concerts à travers le monde.
Il y a deux ans, j'ai eu l'immense joie de l'applaudir dans les arènes de Vérone au cours d'un séjour merveilleux en Vénétie.
Ci-dessus, il dirige son orchestre symphonique interprétant l'un des plus beaux thèmes de l'histoire du cinéma (Il était une fois en Amérique, quel film !).
Ci-après, autre bande originale inoubliable, celle de Cinéma Paradiso, filmée, justement, dans les arènes de Vérone il y a quelques années.
Frissons.
Ettore Scola vient de disparaître ; quel début d'année !
Je retiens de lui, entre autres, trois films : Nous nous sommes tant aimés, Affreux,sales et méchants, et Une journée particulière auquel je consacrai le billet suivant en mars 2010
À Rome le 6 mai 1938. Alors que tous les habitants de l'immeuble assistent au défilé du Duce Mussolini et d'Hitler, une mère de famille nombreuse et un homosexuel se rencontrent.
On ne pourra oublier le duo exceptionnel formé pour Una giornata particolare d'Ettore Scola par Sophia Loren et Marcello Mastroianni.
Traitant de la difficulté d'être femme ou homosexuel sous le fascisme triomphant, le film du cinéaste italien réunit deux êtres que rien ne destinait à se rencontrer, à se connaitre intimement.
Ce jour-là, Hitler rend visite au "Duce" à Rome ; le climat est à la fête bruyante, aux hymnes martiaux distillés par les haut-parleurs disséminés dans la ville, aux rodomontades amplifiées du dictateur fasciste.
La "femme", et "l'homosexuel" sont exclus de fait de ces cérémonies où le grandiose n'est en réalité que grandiloquence.
Jamais titre n'aura autant correspondu au contenu : cette journée sera une parenthèse dans la vie de ces deux êtres entre lesquels va naître une relation aussi forte qu'éphémère.
Réalisé par Scola quelques mois seulement après son extraordinaire "Affreux, sales et méchants", film à l'humour noir salvateur, "Une journée particulière" est représentatif de la grande époque du cinéma italien, avant que ce dernier ne meure sous les coups de l'ignorance, assassiné par les marchands d'images de la télévision commerciale ; "la plus bête d'Europe", me confiait encore récemment le concierge de l'hôtel où je descends régulièrement à Rome.
Un "couple" exceptionnel.
Il faudra beaucoup de patience et de désir pour revoir ce film dans les meilleures conditions, le DVD français de l'éditeur René Chateau n'en offrant qu'une version doublée : on n'en est plus à un crime près à l'égard du cinéma transalpin de l'âge d'or !
Une trace.
Villa Borghese, été 2008
Photos du pèlerinage cinématographique, Gay Cultes.
On meurt beaucoup, en ce début d'année 2016. C'est l'une de mes figures légendaires qui vient de passer de vie à trépas : Franco Citti, acteur de prédilection de Pier Paolo Pasolini s'est éteint à Rome (on a envie de dire "forcément") jeudi dernier 14 janvier à l'âge de 80 ans.
C'est lui qui tient le rôle de Vittorio Cataldi, plus connu sous le nom d'Accatone, qui donne son titre au beau film de PPP en 1961, devenant ainsi emblématique de ces "ragazzi di vita" chers à son mentor.
Il ne cessera de tourner aux côtés du Maître, dragueur de souriceaux dans Le Décaméron, ou voyou "infréquentable" dans Mamma Roma, entre autres compositions mémorables.
On le retrouve par ailleurs dans de nombreuses productions italiennes ou internationales. Il est, entre autres, Calo, homme-de-main du Parrain (1 et 3 et aussi la série télévisée). Son visage aux traits émaciés, reconnaissable entre tous, hantera longtemps la mémoire des amoureux du cinéma. J'ai de la peine.
Franco Citti, PPP, Ninetto et Ettore sur le tournage de Mamma Roma