Le journal quotidien - non hétérophobe - de
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.
Photo en-tête Mina Nakamura

"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)


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samedi 29 novembre 2025

Choses de la vie, ou "De si de la (bémol)"

Sièges sociaux

Je lui aurais bien offert...
Est-ce mon nouveau statut de retraité, imprimé peut-être sur mon auguste front, ou, malgré un visage de choupinou à faire baver Chalamet, mon abondante (vrai !) chevelure immenaculée ? Toujours est-il que, de plus en plus souvent, il y a toujours une bonne âme pour me laisser sa place dans le Métropolitain. Les premières fois, tout en remerciant d'un sourire forcé, j'étais vexé et effrayé face à l'inexorable fuite du temps. J'ai noté que, pour la plupart d'entre elles, ces marques de courtoisies proviennent de la gent féminine ; le signe, sans doute, que les femmes ont à subir, encore de nos jours, l'absence de galanterie des butors ordinaires. Pour être juste, l'autre après-midi, un beau jeune gars m'a abandonné son siège. Je lui aurais bien offert Lettres à un jeune poète ou Corps et âme, qui sont les deux ouvrages dont je fais cadeau à mes élèves pour leurs dix-huit ans.

L'Arque de triomphe

Exercice de diction
Les voix qui s'expriment professionnellement dans les médias devraient être soumises à des tests de diction.
Arque de triomphe, parque de Sceaux, matche de foot, mois de marse précédent, font florès sur les ondes.
Ça fait partie de ces agacements qui me font bondir comme un adepte du trampoline.
Les "du coup", "de base", "au final", et cet "en vrai" dont use et abuse Macron pour faire jeune, ont le don de me donner des envies de coups de pieds dans les tibias.
Je précise que mes râleries n'ont d'autre finalité que la pédagogie.
Nota : il y a aussi "Géralde Darmanin", mais ça, c'est beaucoup moins grave.

Préférer le train

Comme beaucoup d'entre nous, j'ai renoncé aux voyages en avion. Dans la mesure du possible, je privilégie le train. C'est le cas si je dois me rendre n'importe où en Europe. Ainsi, j'avais opté pour ce mode de transport pour mon dernier séjour en Italie. Un TGV de notre compagnie nationale (c'était moins onéreux que la "Freccia Rossa") m'a mené à Turin dans le même temps qu'il faut pour rallier Nice.
Et contrairement à nombre de nos contemporains, j'aime prendre mon temps, livre en mains, écouteurs (dernier cri : sans fil, s'il vous plaît !) branchés sur Spotify. Dans le pays, j'use énormément de rails : j'emprunte les trains régionaux. À Milan, on peut se procurer un billet qui donne droit, pendant trois jours, à tous les modes de déplacements : les vieux tramways milanais, très "belle" époque, mais aussi le métro, les bus et le chemin de fer dans toute la Lombardie !
En fin de compte, la seule chose qui pourrait me réconcilier avec l'aérien, serait que les compagnies procèdent à des castings et engagent des stewards semblables à ce jeune homme, en plein travail dans ce "réel" :

J'aurais alors une soif inextinguible.

Benjamin Voisin : le corps des délices

Ne mentez pas : je suis sûr que vous avez vu deux fois, ou beaucoup plus, L'Étranger, vu et revu Illusions Perdues et Été 85 et que vous avez frôlé l'indigestion avec la série Carême.
Benjamin Voisin est un excellent acteur, en passe de venir un "grand" du cinéma et du théâtre.
Le jeune comédien possède une qualité indéniable : un très beau corps et, surtout, les plus belles fesses du cinéma français !
À tel point que lors de son passage-promo dans l'émission Quotidien (TMC), Maïa Mazaurette a consacré sa chronique au fort joli séant de l'artiste, lequel prend la chose avec humour et se révèle très intelligent. Tout pour plaire, vous dis-je !

Maïa décrypte les fesses
de
Benjamin Voisin

dimanche 9 novembre 2025

Sacrés trios !

Une pièce d'anthologie :
Eschenbach, Frantz (tout jeunes) et Karajan (qui dirige du piano comme de tradition) jouent
le Concerto 7 pour 3 pianos de Mozart pour l'enregistrement chez DG.
Cet extrait est une rareté : Karajan s'est fort peu produit en pianiste.

Voici le concerto dans son intégralité et en public, par trois autres "grands" de la musique,
Andras Schiff, Daniel Barenboim et Sir Georg Solti :
 

Commencer un dimanche avec Mozart, c'est kiffant, non ?

J'ai coutume de conseiller aux mamans d'enfants en bas âge de leur faire écouter du Mozart,voire avant la naissance : en effet, selon la méthode A.Tomatis, la musique de Mozart notamment, aux effets à la fois calmants et stimulants, est un accompagnement précieux. Le bébé, en effet, baigne dans un univers de sons : il perçoit la voix de sa maman, les bruits internes et la musique qu'elle entend.
Cela dit, ma filleule de 11 mois semble préférer Schubert !

lundi 3 novembre 2025

À Rome, on revient toujours.

Je publiai ce billet en décembre 2007. C'est mon hommage d'hier à Pier Paolo qui me l'a fait redécouvrir.
Je suis revenu maintes fois à Rome depuis.

Adoration de la vierge (détail).

Il y a la Rome chrétienne, celle du Vatican et de la chapelle Sixtine, des mille églises recelant des chefs-d'œuvre d'art sacré, des nonnes croisées par troupeaux entiers au hasard des pérégrinations...
Et puis il y a la Rome des Césars, de Néron, de Trajan, de Tibère et d'Hadrien, celle que je suis allé découvrir cette fois.
Il n'y a plus, Piazza Navona, ces garçons à louer légendaires dont les vieux touristes en follitude nous parlaient autrefois en rosissant de plaisir.
Maintenant, la rue Saint Jean de Latran se veut artère gay, un "Marais" aux dimensions réduites improvisé à la hâte après l'affaire du "baiser romain" qui défraya la chronique il y a quelques mois.
Notre petit bagage culturel en tête, nous chercherons en vain les "ragazzi" de Pier Paolo Pasolini, même si des ados crasseux, louches, sans doute originaires de l'est de l'Europe, nous ont longuement observés quand nous traversions, pressés, la "Stazione Termini", celle, précisément d'où partit le poète-cinéaste pour son dernier voyage.
On s'est pris un instant pour P.P.P., un frisson rétrospectif nous parcourant l'échine.
On a pris en photo le petit chasseur magnifique d'un palace, "pour son bel uniforme" lui a-t-on dit en ruse.
On ne publiera pas la photo, parce que, cinq minutes, on a aimé ce garçon, son regard franc, sa force fragile, sa gentillesse et qu'on ne saurait le jeter dans la toile comme le premier modèle venu.
À Rome, on revient toujours.

lundi 20 octobre 2025

Slip ou caleçon ?

Notre Finny Tapp chéri.
Côté pile, c'est bien joli aussi.



Il faut avoir un corps aussi bien dessiné pour porter, pour le plus grand plaisir des connaisseurs, ce type de sous-vêtement.
Certains jeunes, cependant, portent le caleçon, influencés, peut-être, par leurs homologues américains du nord. À tout âge, un caleçon blanc, c'est très chic.
Pour ma part, en cette période où ma graisse a fondu comme la banquise, j'ai opté pour des boxer-shorts d'une marque célèbre qui, soit dit en passant, a été promue par les gays dès son lancement.


dimanche 19 octobre 2025

Miam miam de saison

 Suggérée par François-Régis Gaudry, cette recette nous vient d'Italie. Plus précisément de la Valtellina, région du nord qui se frotte (quelle coquine !), à la Suisse.


Pour l'entrée avec une grande tablée d'ami(e)s comme je les aime

6 grandes tranches de bresaola coupées fines
3 cèpes moyens nettoyés
60 g de parmesan
5 cl d’huile de noix (ou de noisette ou d’olive)
Un trait de vinaigre balsamique
fleur de sel
poivre du moulin

Dans un grand plat, disposer les tranches de bresaola.
Tailler les cèpes crus en tranches d’environ ¾ millimètres et les répartir sur la bresaola. A l’aide d’un économe, tailler le parmesan en copeaux et répartir ceux-ci sur le plat. Verser l’huile en filet, ajouter le vinaigre balsamique assaisonner avec une belle pincée de fleur de sel et quelques tours de poivre du moulin.
Déguster avec des tranches de pain de campagne grillé.

Fastoche et "buonissimo" !

lundi 6 octobre 2025

Crevettes en voie de développement.

 

Igor Stepanov a 18 ans et demi.
Il est letton...
et affreux :

Les petits jeunes que l'on nommait "crevettes" veulent, à présent, devenir des gambas.
À l'heure de tique-toque et d'armstramgram, il faut arborer des pectoraux et des abdos dignes de ce nom. Ainsi, les salles de "muscu" et de "fitness" font florès, accueillant dorénavant une clientèle de plus en plus jeune. L'une d'entre elles a ouvert récemment à quelques mètres de mon immeuble et ne désemplit pas. Ils veulent tous devenir, me faisant honneur, des fouloulous ! Ce n'est pas pour me déplaire, à condition qu'ils ne deviennent pas des monstres bodybuildés, surtout, s'ils veulent bénéficier de l'estampille ad-hoc dans ces colonnes. Il m'est agréable, en passant chaque jour devant cet établissement, de voir pédaler, allegro vivace, quelques beaux échantillons d'une génération Z désireuse de susciter le désir ou de satisfaire son narcissisme. 

Un certain Edward Chaney. Pas plus : c'est très bien ainsi.

mercredi 27 août 2025

Pauvre River, pour toujours dans nos cœurs



River Phoenix est né en 1970 et est mort tragiquement d'une overdose de cocaïne et de morphine en 1993. Il avait 23 ans, un an de moins que l'âge auquel James Dean est mort, auquel il avait été comparé. En 1973, sa famille, dont son frère Joaquin, rejoint le culte religieux connu sous le nom d'"Enfants de Dieu". Ils s'installent à Caracas, au Venezuela, où les "Enfants de Dieu" les avaient envoyés pour travailler comme missionnaires et cueilleurs de fruits. Un de ses jeunes amis du culte a plus tard déclaré que " les enfants appartenaient à la communauté et nous avons été élevés pour être soumis. Nous avons été battus et mis en isolement. ” River a dit qu'il avait perdu sa virginité quand il avait quatre ans (il a été violé). Il a affirmé que, depuis, il avait tout tenté pour occulter ces souvenirs, car il craignait qu'ils le rendent pervers quand il serait plus vieux. Plus tard, à Hollywood, il a fait une entrée remarquable dans "Stand By Me" de Rob Reiner en 1986. Il a sans doute donné sa meilleure performance dans My Own Private Idaho de Gus Van Sant (1991) qui mettait également en vedette Keanu Reeves. 

Stand by me
Pianiste doué dans l'excellent À bout de course, de Sidney Lumet | 1988


Quatre espoirs des années 80.
Aux côtés de Leo, Johnny et Brad.
River, hélas...

À bout de course

lundi 25 août 2025

Sal Mineo et Don Johnson, pépites !

 Fortune and Men's Eyes est une pièce de théâtre de 1967 et un film de 1971 écrits par John Herbert sur l'expérience d'un jeune homme en prison, explorant les thèmes de l'homosexualité et de l'esclavage sexuel . J'en avais diffusé quelques photos, il y a longtemps, que je publie à nouveau au bas de ce billet.

Ci-dessous, voici un film 16 mm, perdu depuis 50 ans. C'est un morceau d'histoire dont personne ne soupçonnait l'existence. D'une durée de 15 minutes, il sert à la fois d'introduction et d'extrait de la pièce controversée de John Herbert, Fortune and Men's Eyes, jouée au Coronet Theater de Los Angeles en 1969. La pièce était mise en scène par Sal Mineo, qui l'a également légèrement réécrite et remaniée. Sal Mineo a découvert (ouais...) et encadré l'acteur Don Johnson dans le rôle de Smitty. Le producteur Martin Poll a vu Don Johnson et Michael Greer dans la pièce Fortune and Men's Eyes et leur a confié les rôles principaux du film culte, aujourd'hui disparu, Le Jardin magique de Stanley Sweetheart. Ce film invisible est un symbole de la libération sexuelle des années 70. Il n'en subsiste que la bande-annonce que j'insère plus bas.

Bande-annonce du Jardin magique de Stanley Sweetheart, aujourd'hui disparu :

Photos de la pièce   Fortune and Men's Eyes présentée
à Los Angeles à partir de 1967 :

Sal Mineo avec Don Johnson

Miami Vice, c'est pour plus tard.

dimanche 24 août 2025

Aujourd'hui, de corvée !


Après une semaine de libations diverses et non avariées dans le sud (de la Breizh), retour au bercail où m'attendent divers travaux ménagers. J'avais pris mon tégévé (tellement inouï) in extremis et laissé un appartement en mode capharnaüm.
Laborieux dimanche en perspective, que, néanmoins, je nous souhaite joyeux.
Précision : sur la photo, là-haut, ce n'est pas moi. Il s'agit du jeune danseur Toon Lobach (Pays-Bas), assez talentueux pour faire partie du spectacle de Roberto Bolle, donné, entre autres lieux, aux Arènes de Vérone il y a peu.
De plus, ce garçon de dix-huit ans n'est pas vilain, en vrai :
Bien coiffé, Toon est joli, aussi.

samedi 16 août 2025

Major d'hommes

Il est encore, paraît-il, des  "employés de maison", autrefois "gens de maison", ou encore avant, tout simplement, "domestiques".
Ce qui paraît obsolète au citoyen "ordinaire" ne l'est pas pour les personnalités fortunées, qui ont à leur disposition, jour et nuit, des serviteurs souvent taillables et corvéables à merci.
Les domestiques de Downton Abbey
Évoquant le sujet, on pense bien sûr à l'excellente série britannique Downton Abbey qui narre, au fil des évènements qui secouèrent la planète dans la première moitié du siècle précédent, les rapports entre une "grande" famille et sa domesticité.
Très loin des conventions du genre, je me suis plu à imaginer que, par un coup de baguette magique, le garçon de la photo d'en-tête venait d'entrer à mon service, et que je le formais : "Archibald, pour la tenue vestimentaire, c'est parfait, mais votre pouce gauche, voyons ! Vous serez puni, Archibald !"

Article publié en août 2015
Le temps passe, hélas.

mardi 12 août 2025

Pleyel : pas mort !

Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence (06)

 On ne sait plus où l'on en est avec Pleyel, ce facteur de pianos illustre qui collabora notamment avec un certain Frédéric Chopin. Dans un précédent article, j'évoquais la "faillite" de la marque prestigieuse en 2013. Or, des passionnés ont ressuscité le logo emblématique, qui brille à nouveau dans le monde étroit des instruments européens... ou presque.
Si l'ossature est désormais fabriquée en Indonésie, la finition se fait à Nantes dans des ateliers adaptés aux exigences de notre siècle. On dit que le fameux "son Pleyel" (écoutez Samson François !) a été préservé. On ne demande qu'à entendre : chez une vieille dame aujourd'hui décédée, j'avais joué sur un 1/4 de queue Pleyel de 1923 qui avait eu la chance de bénéficier d'un suivi permanent. L'instrument avait été rapatrié d'Algérie dans les années 60. Le son était tel que je n'avais quitté ce piano qu'à regret ; la dame, heureuse et émue de l'entendre à nouveau, voulait me le confier pour une somme plus qu'abordable. Mais le manque de place me fit renoncer à cette acquisition. J'y pense encore souvent.
Pleyel, aujourd'hui, vise plutôt le haut de gamme (!) et les instruments de prestige, comme celui de la fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence (photo du haut).
Plus ancien, voici,plus bas, le piano d'Andrée Putman, décédée en 2013, qu'elle avait personnalisé, le baptisant "Milky Way".
Longue route aux nouveaux responsables d'une marque que l'on souhaite éternelle !

Andrée Putman et son Milky Way Pleyel

dimanche 20 juillet 2025

De l'élégance

Avant les grandes vacances, j'eus une conversation sur l'élégance avec mes élèves grands adolescents. L'un deux, sarcastique, me fit remarquer  — Oui, mais à notre âge, pas besoin de faire trop d'efforts !
J'accusai le coup, rétorquant néanmoins qu'à "leur âge", je soignais mon apparence vestimentaire malgré mes faibles ressources. Le fils d'une famille plus aisée, d'une beauté qui affolait toutes et tous au lycée, m'offrait, de temps à autre, des vêtements de marques qu'il avait très peu portés. Malgré son intérêt pour les jeunes femmes, il m'offrait également son corps, faisant de moi le seul amant qu'il eut dans sa vie. Pour revenir à cette conversation, j'objectai qu'une allure choisie avec soin était révélatrice d'un respect de soi et des autres. Autres temps… 

samedi 19 juillet 2025

Piano du matin : si loin de la brutalité de notre temps

Pour moi, Sviatoslav Richter est le plus grand pianiste du XXᵉ siècle et, pour le moment, du suivant, même si la période actuelle a donné le jour à quelques musiciens exceptionnels.
Pour vous en convaincre, je vous demande d'écouter avec un bon son (ne serait-ce qu'une bonne enceinte connectée), le premier mouvement de cette sonate d'un Schubert dont l'existence fut sans cesse de meurtrissures.
Toutes ces douleurs, Richter nous les transmet mieux que personne. L'incroyable maîtrise des nuances, dont les plus beaux "crescendo" * qu'il m'a été donné d'entendre, font de ce disque édité par Decca en 1994 un sommet de la musique enregistrée.
Sous l'enregistrement public que nous offre YouTube (ici : clic), un commentateur chinois écrit ceci :
"J'y ai vu les années s'écouler, les feuilles pousser et verdir, et le vent d'automne les arrose à nouveau jusqu'à ce qu'elles soient recouvertes de neige, attendant la prochaine réincarnation. Hors de l'univers, de petites planètes inconnues flottent dans l'obscurité et le vide, vastes et solitaires. Mais à nos yeux, elle a traversé le temps et est aussi un diamant étincelant qui illumine le cœur des gens."

* Crescendo (créchen’do) : augmentation progressive du son. Gérondif du verbe italien "crescere" (croître).

jeudi 5 juin 2025

L'amant de Marcel

Le compositeur et chef d'orchestre Reynaldo Hahn fut l'amant de Marcel Proust de 1894 à 1896. Leur amitié survécut à leur liaison charnelle, qui dura jusqu'à la mort du grand écrivain en 1922.

"
Reynaldo Hahn a été sans doute un des êtres que Proust a le plus aimés. Quiconque a pu approcher un tant soit peu Reynaldo Hahn le comprend sans peine. Sa conversation avait un grand charme qui ne tenait pas seulement à son talent de musicien et de chanteur, mais à l'étendue de sa culture, à son usage du monde, à un enthousiasme généreux et narquois, dont on subissait aussitôt la contagion, à une disponibilité qui est à la fois un attribut de l'intelligence et une forme de la bonté."
Emmanuel Berl

« Hier, à Versailles, Marcel avait, devant certains arbres, devant une mare ensoleillée ou un parterre de fleurs, des moments d’attendrissement ou de joie ingénue, comme en ont les enfants à la vue de leur premier joujou. »
Reynaldo Hahn : Journal (1890-1945) (Gallimard)

Bonus
Les agréables frères Jussen jouent Le ruban dénoué, de Reynaldo Hahn,
première pièce des Décrets indolents du hasard, enregistrés en 2024.
Hahn n'a pas écrit seulement L'heure exquise, tube ultra-célébré.

En guise de "Piano du matin", ce jour

mercredi 4 juin 2025

Belle allure, mais

 Dans ma rue, je croise fréquemment un garçon — gay, sans aucun doute — qui arbore ce genre de vêtements, ce qui change agréablement des sacs siglés foot.
L'autre jour, n'y tenant pas, je lui ai adressé un pouce levé en guise de compliment pour sa tenue. J'eus droit à un regard méprisant. Ce qui me rappelle ce que Proust, déjà, disait de certains (de pas mal) d'entre nous (1) dans une page de Sodome et Gomorrhe :

[Aussitôt il témoigna au professeur la dureté des invertis, aussi méprisants pour ceux à qui ils plaisent qu’ardemment empressés auprès de ceux qui leur plaisent. Sans doute, bien que chacun parle mensongèrement de la douceur, toujours refusée par le destin, d’être aimé, c’est une loi générale et dont l’empire est bien loin de s’étendre sur les seuls Charlus, que l’être que nous n’aimons pas et qui nous aime nous paraisse insupportable. À cet être, à telle femme dont nous ne dirons pas qu’elle nous aime mais qu’elle nous cramponne, nous préférons la société de n’importe quelle autre qui n’aura ni son charme, ni son agrément, ni son esprit. Elle ne les recouvrera pour nous que quand elle aura cessé de nous aimer. En ce sens, on pourrait ne voir que la transposition, sous une forme cocasse, de cette règle universelle, dans l’irritation causée chez un inverti par un homme qui lui déplaît et le recherche. Mais elle est chez lui bien plus forte. Aussi, tandis que le commun des hommes cherche à la dissimuler tout en l’éprouvant, l’inverti la fait implacablement sentir à celui qui la provoque, comme il ne la ferait certainement pas sentir à une femme, M. de Charlus par exemple, à la princesse de Guermantes dont la passion l’ennuyait, mais le flattait. Mais quand ils voient un autre homme témoigner envers eux d’un goût particulier, alors, soit incompréhension que ce soit le même que le leur, soit fâcheux rappel que ce goût, embelli par eux tant que c’est eux-mêmes qui l’éprouvent, est considéré comme un vice, soit désir de se réhabiliter par un éclat dans une circonstance où cela ne leur coûte pas, soit par une crainte d’être devinés qu’ils retrouvent soudain quand le désir ne les mène plus, les yeux bandés, d’imprudence en imprudence, soit par la fureur de subir du fait de l’attitude équivoque d’un autre le dommage que par la leur, si cet autre leur plaisait, ils ne craindraient pas de lui causer, ceux que cela n’embarrasse pas de suivre un jeune homme pendant des lieues, de ne pas le quitter des yeux au théâtre même s’il est avec des amis, risquant par cela de le brouiller avec eux, on peut les entendre, pour peu qu’un autre qui ne leur plaît pas les regarde, dire : « Monsieur, pour qui me prenez-vous ? (simplement parce qu’on les prend pour ce qu’ils sont) je ne vous comprends pas, inutile d’insister, vous faites erreur », aller au besoin jusqu’aux gifles, et devant quelqu’un qui connaît l’imprudent, s’indigner : « Comment, vous connaissez cette horreur ? Elle a une façon de vous regarder !… En voilà des manières ! » M. de Charlus n’alla pas aussi loin, mais il prit l’air offensé et glacial qu’ont, lorsqu’on a l’air de les croire légères, les femmes qui ne le sont pas, et encore plus celles qui le sont. D’ailleurs, l’inverti mis en présence d’un inverti voit non pas seulement une image déplaisante de lui-même, qui ne pourrait, purement inanimée, que faire souffrir son amour-propre, mais un autre lui-même, vivant, agissant dans le même sens, capable donc de le faire souffrir dans ses amours. Aussi est-ce dans un sens d’instinct de conservation qu’il dira du mal du concurrent possible, soit avec les gens qui peuvent nuire à celui-ci (et sans que l’inverti n° 1 s’inquiète de passer pour menteur quand il accable ainsi l’inverti n° 2 aux yeux de personnes qui peuvent être renseignées sur son propre cas), soit avec le jeune homme qu’il a « levé », qui va peut-être lui être enlevé et auquel il s’agit de persuader que les mêmes choses qu’il a tout avantage à faire avec lui causeraient le malheur de sa vie s’il se laissait aller à les faire avec l’autre. Pour M. de Charlus, qui pensait peut-être aux dangers (bien imaginaires) que la présence de ce Cottard dont il comprenait à faux le sourire, ferait courir à Morel, un inverti qui ne lui plaisait pas n’était pas seulement une caricature de lui-même, c’était aussi un rival désigné. Un commerçant, et tenant un commerce rare, en débarquant dans la ville de province où il vient s’installer pour la vie, s’il voit que, sur la même place, juste en face, le même commerce est tenu par un concurrent, n’est pas plus déconfit qu’un Charlus allant cacher ses amours dans une région tranquille et qui, le jour de l’arrivée, aperçoit le gentilhomme du lieu, ou le coiffeur, desquels l’aspect et les manières ne lui laissent aucun doute. Le commerçant prend souvent son concurrent en haine ; cette haine dégénère parfois en mélancolie, et pour peu qu’il y ait hérédité assez chargée, on a vu dans des petites villes le commerçant montrer des commencements de folie qu’on ne guérit qu’en le décidant à vendre son « fonds » et à s’expatrier. La rage de l’inverti est plus lancinante encore. Il a compris que dès la première seconde le gentilhomme et le coiffeur ont désiré son jeune compagnon. Il a beau répéter cent fois par jour à celui-ci que le coiffeur et le gentilhomme sont des bandits dont l’approche le déshonorerait, il est obligé, comme Harpagon, de veiller sur son trésor et se relève la nuit pour voir si on ne le lui prend pas. Et c’est ce qui fait sans doute, plus encore que le désir ou la commodité d’habitudes communes, et presque autant que cette expérience de soi-même qui est la seule vraie, que l’inverti dépiste l’inverti avec une rapidité et une sûreté presque infaillibles. Il peut se tromper un moment mais une divination rapide le remet dans la vérité. Aussi l’erreur de M. de Charlus fut-elle courte. Le discernement divin lui montra au bout d’un instant que Cottard n’était pas de sa sorte et qu’il n’avait à craindre ses avances ni pour luimême, ce qui n’eût fait que l’exaspérer, ni pour Morel, ce qui lui eût paru plus grave.]
In À la recherche du temps perdu, livre IV (Sodome et Gomorrhe)  Marcel Proust | nrf Gallimard (2) 

(1)  Si vous êtes déjà allé "en boîte", ces attitudes vous sont, sans nul doute, familières.
(2) Mon logiciel de secours en cas de doute, me signale, au fil de mes billets, les phrases de plus de 40 mots, qui nuisent, selon lui, à la compréhension du texte. C'est prendre mes lecteurs pour des andouilles, me semble-t-il. Avec le texte de Monsieur Proust, mon logiciel a bugué : bien fait ! 

lundi 2 juin 2025

En (ré)écoutant les Variations Goldberg

Photo d'Alexandre Chagnon

Je "poste" tardivement, aujourd'hui
Non que j'aie trop célébré la victoire du Qatari Saint-Germain, mais je me suis accordé une très grasse matinée, bercé par ces "Godberg" interprétées par le jeune Lim, celles-là même que j'avais inséré ici mardi dernier. (clic). En conclusion de mon billet, j'écrivais : c'est parfait, le matin, pour écrire, lire ou tout simplement méditer. C'est ça.
J'ai déjeuné, hier, avec un jeune élève à fort potentiel pianistique qui ne sera pour autant pianiste. Fou de cinéma, il regarde pas moins de... vingt films par mois, en salles, s'il vous plaît ! C'est un littéraire qui s'orienterait volontiers vers l'écriture de scénarios.
Après le déjeuner, nous avons regardé Habemus Papam, le film de Nani Moretti où Michel Piccoli crevait l'écran une fois de plus. Ensuite, longue discussion sur le cinéma italien, qu'il connaît peu. Nous avons prévu de voir quelques pépites, dont Affreux, sales et méchants d'Ettore Scola, L'argent de la vieille de Comencini, Une vie difficile de Dino Risi avec un immense Alberto Sordi, ou encore Nous nous sommes tant aimés de Scola. Ce jeune homme a déjà abordé Pasolini, avec Théorème, L'Évangile selon Saint Matthieu et Accatone. Tout juste dix-huit ans : rassurant.

Lea Massari et Alberto Sordi, Una vita difficile

jeudi 29 mai 2025

Abdellah Taia peut se réjouir

 



Abdellah Taia est un écrivain et cinéaste issu d'un Maroc dans lequel
j'ai connu mon premier émoi sans comprendre encore qui j'étais.
Il exultait à juste titre, la semaine dernière, de voir son film couronné.
Ce film, sélectionné dans plus de 50 festivals à travers le monde,
est une lettre d'amour à son jeune neveu du Maroc, gay comme lui.
Solidarité.
Son dernier ouvrage, Le bastion des larmes, paru en 2024,
m'avait bouleversé.
Je le conseille vivement.


mercredi 28 mai 2025

L'incroyable Monsieur Lim

 Combien de fois ai-je entendu le troisième Concerto de Rachmaninov ? En 2022, Yunchan Lim emportait haut les mains le prestigieux Concours Van Cliburn avec ce chef-d'œuvre réputé semé d'obstacles. J'ai diffusé récemment un extrait stupéfiant par Trinofonov. La prestation de Lim, au concours, a bénéficié d'une captation par les équipes de Decca qui vient de sortir en CD et sur les plateformes. La qualité de la prise de son permet de mesurer la performance exceptionnelle du jeune pianiste qui illustre bien l'expression "jouer dans la cour des grands". À écouter avec un matériel à la hauteur de l'enregistrement :

dimanche 18 mai 2025

Quel est le plus beau film de monde ? *

 
Un cinéma parisien, doté de ce qui se fait de mieux techniquement (image et son), projette aujourd'hui, en 4K, ce film qui fait partie de mon "top 10". Dernière œuvre de Sergio Leone, c'est le film parfait : scénario, interprétation, photo. Et la musique d'Ennio Morricone, sans aucun doute l'une de ses plus belles partitions, aux multiples thèmes d'anthologie, accompagnera ma nuit, c'est certain. J'ai eu l'heur de faire connaître Il était une fois en Amérique à nombre de personnes qui, depuis, en ont fait, comme moi, un film mythique. Je le verrai pour la énième fois, sachant qu'il y a toujours du nouveau à découvrir dans ce chef-d'œuvre.


Le thème de Deborah d'Il était une fois en Amérique
au Circo Massimo de Rome. 
Le Maestro dirigeait l'Orchestre de la RAI.

* Ce sera toujours sous cette forme interrogative, que j'aurais pu formuler "Est-ce le plus beau film du monde ?". Toujours est-il que, sous ce titre de billet récurrent, figurent les œuvres qui ont leur place dans mon Panthéon cinéphile. Il y a aussi des films considérés comme des "nanars", qui méritent, pour moi, une place importante, notamment deux ou trois d'entre eux que je considère comme étant à la source de ma passion pour la musique.

L'un de mes élèves, brillant pianiste par ailleurs, est fou de cinéma. L'autre jour, à la maison, nous parlions justement de nos films préférés. Ce tout jeune homme (18 ans depuis quelques jours) me disait avoir vécu, la veille, une révélation : il venait de voir le  2001 de Stanley Kubrick et n'en était pas encore revenu, au vrai sens du terme !
Autre film évoqué par ce "gamin", sur lequel nous étions vraiment en accord, Les enfants du paradis, de Marcel Carné, l'un des plus beaux films du monde. Dix-huit ans, vous dis-je ! Ce "littéraire" a l'ambition de devenir scénariste.
Ça rassure sur l'avenir du septième art. 

mardi 13 mai 2025

Nager tout nu, c'est hygiénique

Photo Eliot Elisofon, années 30
Une question me vient : qui sont ces pervers vêtus de noir en haut à gauche de la photo ?
Jusqu'aux années 60, la natation se pratiquait nu dans beaucoup d'écoles américaines, et notamment au sein des YCMA, mouvement de jeunesse chrétien (exclusivement masculin jusqu'aux années 70) qui existe encore de nos jours un peu partout dans le monde et fut célébré, comme vous le savez peut-être (!) par le groupe disco Village People dans une chanson désormais "culte".
Au départ, à la fin du 19e siècle, on s'aperçut que les fibres s'échappant des maillots de bain de l'époque obstruaient les filtres des piscines, ce qui eut pour effet de généraliser la pratique de la nage à l'état naturel.
De plus, on pensait que la natation, pratiquée nu, était plus hygiénique.
La tradition perdura jusqu'aux années 70, quand la mixité fit son apparition dans l'association.
Ce genre de comportement, jugé normal à l'époque, serait générateur de tempêtes de nos jours où la pruderie est de mise.





Les photos ci-dessus proviennent d'archives des YMCA

Un témoignage d'un "ancien" trouvé sur le Net (mal traduit, désolé) :

[La natation était obligatoire pour le camp d'été du YMCA. 
J'avais peut-être environ 8 ans à l'époque et j'y suis retourné les deux  années suivantes également. 
Toute notre natation était complètement nue, pas de maillots de bain autorisés. 
J'ai lu que la raison en était qu'ils ne voulaient pas que les 
fibres de coton qui sortaient parfois des maillots de bain obstruent leurs filtres. 
Quoi qu'il en soit, personne n'a paniqué, personne n'a été molesté (putain!) Et nous avons 
même nagé nus (et d'autres trucs) au camp d'été. 
Et un peu plus tard, au collège, nous nous sommes douchés nus. 
De bonnes choses et les garçons seront des garçons ! ]



YMCA "nude swimming"

Article revu et corrigé publié ici en 2019.